251
pages
Français
Ebooks
1999
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Publié par
Date de parution
01 août 1999
Nombre de lectures
1
EAN13
9782738137722
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Publié par
Date de parution
01 août 1999
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1
EAN13
9782738137722
Langue
Français
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1 Mo
© O DILE J ACOB, SEPTEMBRE 1999 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-3772-2
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Préface
de J ANE C OBBI
À prendre le titre à la lettre, on pourrait croire que la table est ici l’axe permanent ou immuable autour duquel on verrait tour à tour s’installer pour prendre leur repas les cours princières d’antan et les peuples de la terre. Mais on se doute bien que le repas peut être servi (et il l’est en effet dans bien des régions) sans ce bon meuble quadrupède que nous ont légué nos aïeux, et l’étonnement d’un missionnaire (le Père Labat) chez les Arabes du Sénégal en 1728 nous paraît bien de son époque : « On ne sçait chez eux ce que c’est que de manger sur des tables. » De même l’usage des baguettes ne peut plus nous surprendre, et même sans l’avoir expérimenté, nous savons que dans de nombreuses sociétés on mange, et très correctement, avec ses doigts. Mais on ignore souvent qu’en France, à la table de Louis XIV, on n’utilisait pas de fourchette. Montaigne lui-même qui « s’ayde peu de cuiller et de fourchette », reconnaissant qu’il mange trop vite, a pu avouer : « Je mors parfois mes doigts de hâtiveté. »
Questions d’usage, de civilité, de manières de table. Détails de la vie quotidienne qui révèlent des manières de faire, des manières d’être et, au-delà, des conceptions différentes de l’univers.
Questions d’état des connaissances aussi, et d’inégalité des sources d’information : avant toute expérience personnelle nous étions avertis, par les explorateurs et les ethnographes, des différences entre les composantes de l’existence matérielle de par le monde. L’histoire (que Michelet déjà trouvait, « trop peu maté rielle ») a ignoré longtemps ces détails de la vie quotidienne, et les voyait comme des objets insignifiants.
Mais un regard nouveau s’est posé sur ces « résidus de l’analyse » (J. Le Goff). On reconnaît aujourd’hui un intérêt véritable à ce domaine d’étude et il est admis que les pratiques alimentaires ont une histoire propre et des formes particulières à chaque société, qui permettent de mieux comprendre l’évolution des mentalités.
Pour les sociétés contemporaines, disons-le clairement, on dispose de peu de documents sérieux sur les pratiques alimentaires, et pour cause : l’alimentation a longtemps été considérée comme un sujet de préoccupation d’ordre inférieur par rapport à des activités dites plus « nobles ». Et il fallait-il une certaine singularité pour s’engager, mieux encore pour se maintenir dans une voie de recherche aussi peu confortable, puisque travailler dans ce domaine c’était se placer en quelque sorte sur une ligne de démarcation entre la science et le dilettantisme. Cela d’autant plus qu’on pouvait être soupçonné – et à juste titre, faut-il le dire ? – d’y trouver du plaisir.
Les premiers travaux d’ensemble sur l’alimentation ont été des études historiques : L. Bourdeau publiait une Histoire de l’alimentation en 1894, et A. Maurizio une Histoire de l’alimentation végétale depuis la préhistoire jusqu’à nos jours (traduction française, parue en 1932). A. Gottschalk tentait aussi en 1948 une Histoire de l’alimentation et de la gastronomie depuis la préhistoire jusqu’à nos jours mais on a pu lire, depuis, l’ouvrage bien plus convaincant de Reay Tannahill ( Food in History , 1973).
Pour se limiter à la France, un réel essor a été donné par Lucien Febvre (1938), et par Fernand Braudel qui suscita surtout un courant d’étude des rations alimentaires depuis un numéro capital de la revue Annales (1961). Puis on a pu lire des études spécialisées, sur la France avec Ravitaillement et alimentation en Provence aux 14 e et 15 e siècles de Louis Stouff (1970) et sur l’Antiquité avec Food, the gift of Osiris , de Darby, Ghalioungi et Grivetti (1977) suivi de L’Alimentation et la cuisine à Rome , de Jacques André, qui souleva l’intérêt général (1981). Pour l’Orient, notamment pour le monde arabe, Maxime Rodinson, en France, a été le premier spécialiste à s’intéresser à l’étude de la cuisine : « Recherches sur les documents arabes relatifs à la cuisine » ( Revue des études islamiques , 1949), « ghidha : Alimentation » ( Encyclopédie Islamique , 1954).
Dans une perspective toute différente Roland Barthes avait, dans « Les mythologies », attiré l’attention sur les sensibilités ali mentaires en 1957 et on a pu lire ainsi, de Jean-Paul Aron, un Essai sur la sensibilité alimentaire au XIX e siècle (1967) et Le mangeur du XIX e siècle (1973), puis de Jean-François Revel Un festin en paroles ; histoire littéraire de la sensibilité alimentaire, de l’Antiquité à nos jours (1979).
L’alimentation qui n’avait été abordée que pour ses implications religieuses 1 dans les ouvrages généraux d’anthropologues anglo-saxons comme Frazer et Robertson Smith ( The Religion of the Semites , 1889), est traitée comme phénomène culturel à partir des années vingt par Dorothée Dickins, et par Audrey Richards en 1932, dans la mouvance fonctionnaliste. Margaret Mead pouvait ainsi attirer l’attention sur les représentations culturelles « arbitraires » dans un Manual for the study of food habits en 1945 (National Academy of Science) et sur les « contextes culturels des structures alimentaires » en 1950 ( L’Anthropologie comme science humaine , Payot, 1971).
Mais c’est à Claude Lévi-Strauss que l’on doit d’avoir mis au centre de la recherche anthropologique, parmi un certain nombre de thèmes considérés généralement comme prosaïques, une analyse de la cuisine comme révélateur des spécificités culturelles, avec « Le triangle culinaire » ( L’Arc 1965), repris dans le premier volume des Mythologiques : Le Cru et le Cuit (1965), et complété par L’Origine des manières de table (1968).
Dès lors la voie était ouverte : plusieurs ethnologues se sont lancés dans l’étude de la cuisine et de l’alimentation, à commencer par Yvonne Verdier pour la France, et ont plaidé en faveur de cette nouvelle discipline : « Pour une ethnologie culinaire » (Y. Verdier, 1968), « Pour une anthropologie de l’alimentation » (Igor de Garine, 1969). Ils ont été suivis en cela par des historiens : « Pour une histoire de l’alimentation » (Jean-Jacques Hémardinquer, 1970), « Pour l’histoire de l’alimentation : quelques remarques de méthode » (Maurice Aymard, 1975), et des sociologues « Pour une anthropologie bioculturelle de l’alimentation », numéro de Communications (dirigé par Claude Fischler, 1979) 2 .
Deux livres collectifs anglo-saxons ont également marqué les années soixante-dix : Food, man and society , sous la direction de Walcher, Kretchner et Barnett et Gastronomy, the anthropology of food and nutrition sous la direction de M. Arnott (1975), suivis des ouvrages de P. Farb et G. Armelagos en 1980, Consuming Passions (traduit en français Anthropologie des coutumes alimentaires , 1985), et de Jack Goody en 1982, Cooking, Cuisine and Class. A study in comparative sociology (en français Cuisines, Cuisine et Classes , 1984). Une « sociologie de l’alimentation » s’affirmait enfin avec Claude et Christine Grignon « Styles d’alimentation et goûts populaires » (1980), avec J. P. Poulain : Anthroposociologie de la cuisine et des manières de table (1985), et avec Claude Fischler : L’Homnivore qui s’est imposé, depuis sa parution en 1990, comme un classique.
Si l’alimentation est imbriquée dans le social, elle est bien évidemment liée aux contraintes du milieu naturel et aux conditions biologiques générales par quoi l’homme s’insère dans le vivant. C’est dans ce sens que la pluridisciplinarité s’est imposée dans les études de terrain soutenues par les organismes internationaux (FAO, Unesco…), sous l’impulsion de I. de Garine et plus récemment de C.M. Hladik. Prenant en compte ces paramètres, J. Barrau a développé une histoire écologique des aliments dans son enseignement au Museum d’histoire naturelle et dans son dernier livre qui reste un panorama convaincant Les Hommes et leurs aliments (1983).
Par ailleurs, le thème prenait place dans la muséologie française, notamment au Musée des Arts et Traditions Populaires qui organisait, en 1985, « Les Français et la table » et, en 1993, « Versailles, Tables royales en Europe XVII e - XIX e siècles », expositions également accompagnées de catalogues, à rapprocher d’un autre très beau livre Arts et manières de table. En Occident des origines à nos jours par le même auteur Zeev Gourarier (1994). Le Musée de l’Homme, où s’était engagé en 1970, sous la direction d’Hélène Balfet, un long travail collectif publié sous le titre Cuisines du monde (1992), présentait aussi, en 1996, une exposition Histoires de cuisines accompagnée d’un ouvrage collectif Cuisines. Reflets des Sociétés (M.C. Bataille-Benguigui et F. Cousin, éd.). D’autres expositions, au Musée de La Villette (1987), et la création de musées de l’alimentation (l’Alimentarium de Vevey en Suisse, l’Agropolis Museum à Montpellier) témoignent d’un intérêt général pour ce « nouvel objet ».
Ainsi en trois décennies un courant d’études neuf s’est installé, dans lequel on voit les historiens dessiner peu à peu l’évolution du paysage alimentaire de l’Europe, pendant que sociologues et ethnologues entreprennent de mettre au jour la variété des systèmes culinaires et alimentaires des sociétés contemporaines, traditionnelles ou indus