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Description
Sujets
Informations
Publié par | Presses Electroniques de France |
Date de parution | 15 octobre 2013 |
Nombre de lectures | 99 |
EAN13 | 9791022000000 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
MES CHÈRES
ÉTUDES
Scénario : Emmanuelle Bercot
Réalisation : Emmanuelle Bercot
Version : 20 avril 2009
© Presses Electroniques de France, 2013
Nota Bene
Ceci est un scénario de fiction, inspiré d’une histoire vraie, dont a témoigné une jeune étudiante, Laura.D, dans un livre Mes chères études.
Par volonté de dépasser le simple cadre de la fiction, de courtes séquences de témoignages réels, d’étudiantes ayant été amenées à se prostituer, viendront parfois s’intercaler entre les scènes de fiction dédiées à suivre le trajet de Laura.D.
La place et le contenu de ces témoignages ne sont pas préétablis et ne figurent donc pas dans le scénario. Cependant, le lecteur peut, à sa guise, avoir en tête ce dispositif.
En pré générique:
Une jeune fille, 18 ans, dans une salle de bain. Son corps.
Elle est à demi nue. Juste un soutien gorge élimé sur les seins, des bas jusqu’au milieu de ses cuisses, un jean et une culotte tire-bouchonnés autour d’une cheville.
À cheval au-dessus de la baignoire, pour ne pas mouiller ses bas, elle tient une pomme de douche retournée vers son sexe, y dirigeant un jet d’eau puissant.
Ça lui éclabousse le visage et les cheveux.
Elle s’éjecte de la baignoire et dans des gestes précipités, fébriles, elle se sèche l’entre jambe avec un séchoir à cheveux, en même temps qu’elle fouille dans un petit tiroir où elle attrape un préservatif, puis un deuxième.
Accroupie elle les met dans son sac à main, posé au sol.
Précipitamment, elle enfile son jean.
De la poche arrière, tombe une carte d’étudiante, qu’elle ramasse, qu’elle ouvre et qu’elle regarde avec satisfaction.
On découvre son identité : Laura Delmas.
Son corps, filmé par fragments, ses cheveux tombant sur sa figure, on n’a pas encore vu son visage.
VOIX OFF
Je voulais réussir mes études. À tout prix.
Sur le générique,
Gros plan d’une jeune fille, prenant en note un cours magistral sur la poésie espagnole. Son stylo court sur sa feuille. Puis ralentit. Son autre main serre son ventre.
Elle relève le visage, l’air mal-en-point, mais entêtée à suivre le cours.
On est dans le grand amphi d’une Université.
PROF
(OFF)
Dans une phrase comme : « Elle ressent les effets d'une blessure infiniment savoureuse, sans déceler toutefois comment elle fut blessée, ni par qui. Elle reconnaît bien que c'est une chose précieuse et voudrait ne jamais guérir de cette blessure ».
Face à lui, dans les gradins, une multitude de visages d’étudiants.
PROF
La poésie de la dévotion, en tout cas chez Thérèse d’Avila…
VOIX OFF LAURA
J’avais pas de bourse parce que mes parents, ils étaient dans la mauvaise fourchette. Pas assez riches. Mais pas assez pauvres.
Soudain, au milieu d’un rang, la silhouette d’une étudiante qui, cherchant à sortir de sa rangée, s’écroule par terre.
On se précipite autour d’elle. Le prof accourt.
La jeune fille est allongée sur le sol. Évanouie. Petit oiseau tombé de son nid.
Une autre étudiante, Fanny, aux vêtements très colorés, s’adresse au prof, agenouillé auprès de l’élève.
FANNY
Laura. Laura Delmas.
Laura revient à elle.
EDF - 67/ Débit bancaire - 370/ Loyer - 300/ Impôts locaux - 52/ Salaire + 400/ Livres fac - 65/ Nourriture 0
Le total clignote : - 401
4. INT.JOUR - BUREAU DU C.R.O.U.S
Laura est dans un petit bureau administratif, face à une assistante sociale.
ASSISTANTE SOCIALE
Oui, mais vous me dites que vous ne pouvez pas payer les 15 euros par semaine pour les tickets repas du CROUS… Ce n’est que trois euros le repas, notez, on peut difficilement faire moins…
LAURA
Ben ça fait 60 par mois. Je les trouve où ?
ASSISTANTE SOCIALE
Bon donc, la dernière solution, c’est d’attaquer vos parents en justice, ça se fait hein... Ils se doivent, légalement, de subvenir à vos besoins… Vous êtes dans votre droit. Et là, il y va de votre santé, hein…
LAURA
Ah d’accord, j’en suis là ?... Mon père il est maçon, ma mère elle est infirmière, c’est pas qu’ils veulent pas, c’est qu’ils peuvent pas.
ASSISTANTE SOCIALE
Ben oui, mais vous ne voulez pas non plus entendre parler des restos du cœur, alors…
Laura avale sa salive.
ASSISTANTE SOCIALE
Moi j’ai pas de solution miracle…
Laura se lève, reprend ses papiers.
LAURA
J’ai l’air trop bien portante ou quoi ? C’est mes grosses joues, c’est ça ?
ASSISTANTE SOCIALE
Ohhh ! ! ! Non mais vous avez pas quelqu’un, un petit ami, qui pourrait vous aider ? Remplir un peu le frigidaire…
5. INT.NUIT - APPART MANU/LAURA
Un petit deux pièces. Le minimum de confort. Quelques petites touches hispanisantes.
Laura est devant le frigidaire vide de sa cuisine. Manifestement, elle a pleuré.
En hauteur, les placards sont ouverts : deux espaces distincts. L’un qui abrite quelques boîtes de conserve et pâtes, l’autre complètement vide, juste un vieux pot de Nutella sur une des étagères.
VOIX OFF LAURA
Mon petit ami ?...
Bruit de la porte d’entrée, off.
Manu, une vingtaine d’années, l’allure nonchalante, les yeux rougis du fumeur de joints, entre. Il est beau comme un dieu.
MANU
T’es pas en train de réviser, toi ?
Laura désigne les placards de la cuisine.
LAURA
Pourquoi t’as fait ça ?
MANU
Parce que j’en ai marre que tu te reposes sur moi en permanence.
Manu parle calmement, regardant Laura dans les yeux. Il part au salon.
VOIX OFF LAURA
… C’est depuis que je vivais avec lui que j’étais dans cette merde... Avant, j’arrivais à m’en sortir !
Laura rejoint Manu au salon.
LAURA
T’en as marre que je me repose sur toi, c’est ça que t’as dit ?
MANU
Ben ouais…
En furie, elle hurle et les larmes reviennent.
LAURA
J’ai rendu mon abonnement de téléphone pour pouvoir faire tes putains de courses, alors que tu vides le frigo avec tes copains pendant que moi je bosse. Et les 300 euros que je te file pour le loyer, tu t’achètes du shit et des fringues avec, parce que c’est ta mère qui te le paye le loyer, tu crois que je le sais pas ? !
Manu retourne à la cuisine, elle le suit.
Il fouille du côté le plus rempli des placards.
MANU
Écoute Laura, j’ai pas de comptes à te rendre sur comment je dépense ma tune. Et l’argent que tu me files pour le loyer c’est le mien, puisque tu me le dois. Qu’est-ce qui te prend là ? On était d’accord quand t’es venue habiter ici que tu partageais les frais ? Fais pas chier !
LAURA
Oui, mais après tu m’as demandé la moitié du loyer et ça c’était pas prévu au départ…
MANU
Ben ouais mais normal, tu vis là, tu partages, non ?
Manu mange un Twix. Il désigne les placards.
MANU
Comme ça on se prendra plus la tête. Chacun fait ses courses. Chacun a son placard. Y’a plus d’embrouilles. On n’aime pas les mêmes choses de toute façon.
Laura se retient de pleurer.
MANU
Tu t’en sors pas ?
Félin, il s’approche, lui enlève tendrement la mèche de cheveux qu’elle a en travers du visage.
MANU
Hein, bébé ?
LAURA
Je vais chercher un deuxième boulot. Je vais prendre un deuxième boulot. Tant pis.
Il lui fait un bisou sur la joue.
MANU
(Gentiment)
Ben oui, prends un deuxième taf, si tu t’en sors pas…
Le ventre de Laura gargouille.
MANU
(Riant)
T’as faim ?... C’est con, ton placard est vide…
Manu s’approche tout près de Laura, tendant le bout de Twix qui dépasse de sa bouche vers la sienne.
Laura mord dans le bout de Twix, leurs lèvres se touchent.
Ils se sourient et s’embrassent à pleine bouche.
VOIX OFF LAURA
Manu, il avait beau être le pire radin de la terre, j’y pouvais rien, je l’aimais comme une folle.