Des retables et des hommes
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Description


Ce livre est l’histoire d’une série d’objets investis pour matérialiser une présence du sacré dans les sanctuaires et pour donner aux fidèles les moyens d’avoir avec Celui-ci des relations nécessaires. C’est l’histoire des moyens investis, dans les sociétés médiévales et modernes, pour impliquer Dieu, le constituer, l’implorer et lui rendre grâce.



Une histoire d’objets, de croyances, de pratiques et d’espaces qui ont contribué, par leurs interférences conjuguées, à constituer différentes manières de penser, de faire et d’être, emblématiques des systèmes religieux qui se sont succédé, et souvent superposés, en Occident entre le XIIIe et le XVIIe siècle.



C’est une histoire « indisciplinaire » qui, prenant le parti d’enfreindre les limites balisées des disciplines académiques, entend considérer que ces retables sont tout à la fois d’histoire et d’histoire de l’art, de sociologie, d’anthropologie, de liturgie et d’imaginaires ; qu’ils sont, comme tout ce qui est, la résultant instable, multiple et complexe de l’irréductible diversité du réel.



Une histoire des médiations créatives que les hommes surent aménager entre le réel et certains de leurs désirs, de leurs besoins et de leurs attentes toujours pressantes.




Brigitte D’Hainaut-Zveny est historienne et historienne de l’art, enseignante à l’Université libre de Bruxelles, vice-présidente de l’Académie royale d’Archéologie et co-directrice du Groupe d’Études sur le XVIIIe siècle.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782803106264
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DES RETABLES ET DES HOMMES
B D’H -Z RIGITTE AINAUT VENY
Des retables et des hommes
D IVERSITÉS DES OBJETS MOBILISÉS POUR ÉTABLIR UNE RELATION AVEC LE SACRÉ DANS LES SANCTUAIRES D’OCCIDENT(XIIIE-XVIIIESIÈCLES)
Académie royale de Belgique rue Ducale, 1 - 1000 Bruxelles, Belgique www.academieroyale.be
Informations concernant la version numérique ISBN : 978-2-8031-0626-4 © 2017, Académie royale de Belgique
Collection L’Académie en poche Sous la responsabilité académique de Véronique Dehant Volume 104
Diffusion Académie royale de Belgique www.academie-editions.be
Crédits Conception et réalisation : Laurent Hansen, Académie royale de Belgique
Couverture : © brichuas, Shutterstock
Publié en collaboration avec/avec le soutien de
Préface
L ebel composto(littéralement le beau composé ou mélange) fut défini par les Italiens, au e XVII siècle, comme l’équilibre recherché et trouvé par certains artistes, comme le Bernin, dans l’assemblage d’unités artistiques diverses (peinture, sculpture et architecture) pour former un ensemble harmonieux. Or cette expression fut particulièrement d’application pour désigner les retables baroques, grandes « machines » spectaculaires où les frontières entre les arts s’estompent pour porter au regard du fidèle les principaux dogmes catholiques, mais aussi pour porter ce fidèle vers des espaces transcendants, l’émotion suscitée ayant pour fin la motion, c’est-à-dire le mouvement et la résolution en vue d’uneconversiotout à la fois extérieure et intérieure. Mais, au-delà de cette dimension baroque dont le retable forme l’une des expressions les plus éloquentes, l’idée dubel compostopourrait convenir rétrospectivement pour désigner les formes plus anciennes du retable dont Brigitte D’Hainaut nous montre qu’elles furent, depuis le Moyen Âge, caractérisées par un véritable art du montage des images. Cela en fit un fascinant laboratoire d’expériences artistiques et religieuses, et cela en fait aujourd’hui un observatoire privilégié pour retracer l’histoire de la convergence des arts et pour suivre l’évolution des rapports de l’homme au sacré. Œuvres collectives (fruits du travail collaboratif entre différents artistes et artisans) s’adressant à une collectivité, de tels montages des arts constituent un véritable défi pour l’historien de l’art : celui d’appréhender cette unité dans la diversité, au-delà donc des spécialisations qui tendent à segmenter l’étude de la peinture, de la sculpture et de l’architecture — sans parler des arts dits décoratifs —, comme à isoler l’œuvre d’art du contexte ecclésial et liturgique qui lui donne sens et dont elle constitue une part essentielle, voire souvent le noyau-même. Brigitte D’Hainaut n’a cessé de relever ce défi depuis son ouvrage séminal surLes retables d’autels gothiques sculptés dans les anciens Pays-Bas, couronné par un prix de l’Académie royale de Belgique et publié par cette même institution en 2008. Dix ans plus tard, le présent essai prolonge l’enquête et offre pour la première fois une vue d’ensemble sur cette assez longue e e période qui va du XIII a u XVIII siècle. Durant cette période, statuts, fonctions et usages des images d’autel sont en continuelles reconfigurations, lesquelles suivent ou accompagnent, voire précèdent et annoncent les transformations des mentalités ou cultures religieuses. Ce livre est donc à l’image des objets/monuments qu’il étudie : lui aussi est unbel composto interdisciplinaire éclairant les multiples facettes d’une réalité polymorphe et polysémique à travers laquelle se laissent observer la « morphogenèse » et les métamorphoses du sacré. Ralph Dekoninck, Membre de l'Académie royale de Belgique
Introduction
Il sera, dans ce petit volume, question de retables d’autels (retro-tabulae) c’est-à-dire de tableaux (tabulae), de panneaux, mais aussi d’objets de formes et de natures diverses disposés à l’arrière (retro) des tables rituelles. Il sera question de Dieu, de ses saints, et plus encore des moyens que les hommes initièrent, dans les cultures religieuses médiévales et modernes, pour matérialiser une présence du sacré et établir avec Celui-ci des relations nécessaires. Il sera question des pratiques et des supports mobilisés pour établir du lien avec cet Autre irrémédiablement absent, le constituer, l’impliquer, lui rendre grâce ou l’invoquer, avec l’espoir de tempérer parfois « les urgences du réel » ou «d’apaiser le vertige suscité par l’incohérence du 1 monde et par son indifférence à notre égard ». De ces retables, aujourd’hui totalement désinvestis, nous avons peu à peu omis les raisons d’être, les modalités d’usage et les efficacités, n’y voyant le plus souvent qu’une toile de fond, figurative ou décorative, de l’autel. Restituer l’importance essentielle de ces objets — dont aucune recommandation institutionnelle n’imposa jamais l’usage — fut l’enjeu de nombreuses recherches qui, mues par des curiosités diverses, ont peu à peu entrepris de reconstituer leur 2 complexité et la diversité des usages que ces objets ont encadrés, induits ou stimulés . Contraints par la nécessité d’ordonner un très vaste corpus d’œuvres aux formes standardisées, anonymes pour la plupart, les historiens d’art se sont d’abord consacrés à l’étude de leurs styles, cherchant à identifier des artistes ou des centres de production, s’essayant à diverses attributions. Les conservateurs-restaurateurs ont observé des manières de faire, la coordination des différents métiers impliqués dans leurs fabrications, menuisiers, sculpteurs, peintres et doreurs, questionnant la provenance des matériaux, identifiant des pratiques de collaborations et d’efficaces systèmes de sous-traitance. D’autres chercheurs, plus soucieux de questions socio-économiques, se sont interrogés sur les modalités de diffusion de cette production, répertoriant commandes et commanditaires, cherchant à comprendre leurs motivations, comme la nature des exigences qu’ils avaient l’habitude de consigner par contrat. Ceux-là tentèrent également d’apprécier l’efficacité d’un système corporatif, parfois court-circuité par l’existence de marchés libres, et de préciser l’hinterland de la diffusion de ces œuvres. D’autres, ailleurs, se firent les exégètes des sujets représentés, pointant la récurrence de certains thèmes iconographiques et l’éclipse d’autres, répertoriant des variations dans la manière d’évoquer le mythe, de construire l’image de Dieu et de ses saints, cherchant à donner du sens à ces variables. Quelques-uns, plus anthropologues, militèrent pour que ces retables cessent d’être seulement considérés pour leur « valeur d’art », mais se voient restitués une « réalité d’objet » créé par, pour, et dans une société particulière afin de rencontrer, voire de susciter certaines attentes, d’encadrer diverses pratiques. Ceux-là se montrèrent particulièrement attentifs aux « performances » sociales de ces objets, observant que les images regroupées dans ces retables surent se faire identitaires de certaines communautés ou puissances particulières qui trouvèrent là le moyen d’affirmer la force et 3 l’autonomie de leurs moyens d’action . D’autres, enfin, s’employèrent à réimpliquer ces œuvres dans les systèmes de pratiques et de croyances spécifiques à certaines époques, reconsidérant leur offrande dans des logiques de dons et de contre-dons, y décelant parfois l’emprise inflationniste de cette « économie du salut » qui marque la piété de la fin du Moyen Âge ou le poids de certains prosélytismes propres à la Contre-Réforme catholique. Ces retables s’étant vus restituer la diversité de leurs raisons économiques, sociales et religieuses, nous avons voulu centrer ici notre réflexion sur ce qui nous paraît avoir été la première de leurs raisons d’être ; raison souvent esquivée ou trop rapidement esquissée. Il s’agira, en effet, de restituer à ces objets les capacités à être des « supports d’objectivation » 4 d’une présence du sacré, ainsi que des « objets transitionnels » aptes à assurer une mise en relation (transitus) avec Celui-ci. Car, s’il se dit que « la foi se meut dans la lumière de l’absence », il se sait aussi que la pratique ne s’y résout que difficilement. Fortes de l’adage qui
considère que « nul ne peut appréhender l’invisible, s’il n’a l’occasion d’en faire une expérience sensible », les sociétés médiévales et modernes ont, en effet, très souvent pris le parti de chercher à matérialiser la présence de « Celui qui est » mais qui n’en demeure pas moins invisible, intouchable et insaisissable, choisissant d’affecter certains objets à un rôle de re-présentation, leur confiant leur besoin d’object-iver et de matérialiser ces figures, ces forces auxquelles elles se fiaient, se confiaient. Mobilisés dans les sanctuaires pour matérialiser une présence du sacré et établir une interface entre ceux d’ici-bas et ceux de l’au-delà, les tableaux d’autel ont contribué, par leurs formes, à déterminer des manières de croire, de faire, de dire et d’être, tout en étant définis et déterminés par ces mêmes manières. Leurs formes « ont informé » l’idée que chacun se faisait de 5 l’invisible , induit des usages et des sensibilités religieuses qui ont, à leur tour, nourri certains choix formels. Leurs formes ont impliqué des usages, des usages qui ont, en retour, impliqué des espaces et façonné une topographie du sacré dans ces sanctuaires. Ces retables, leurs formes et leur iconographie ont donc été, comme l’ensemble des usages qui les ont impliqués, parties prenantes d’une réalité et dont ils furent tout à la fois les agents actifs, les causes et les conséquences. Nourrie par les développements d’une anthropologie historique dont les concepts comme les méthodes ont, ces dernières années, considérablement enrichi les modes d’analyse historique et forte de la conviction que toute analyse historique en charge de restituer la complexité d’un réel constitué de facteurs en interférences continuelles est par essence dialectique, nous prendrons ici le parti d’étudier ces tableaux d’autel en les réintégrant dans le réseau des raisons multiples qui ont interagi pour faire qu’ils ont été « ainsi faits, et pas autrement ». Partant d’une analyse des caractéristiques matérielles de ces retables, notre argumentation s’obstinera à repérer ce qui, dans les pratiques, l’iconographie, les formes et l’organisation spatiale des sanctuaires contribua à les constituer. Il s’agira de corréler une série de connivences entre des contextes, des pratiques et des formes, sans jamais prétendre imposer entre ceux-ci aucune priorité d’effets. Et, parmi les raisons constituantes et constituées ici évoquées, nous nous attacherons plus particulièrement à faire valoir les interactions qui ont pu exister entre les éléments constitutifs de ces retables (reliques, images, Saint-Sacrement), leurs iconographies, certains de leurs choix formels, les protocoles établis pour leurs usages et les particularités des espaces qui ont organisé les rapports à ces objets. Notre perspective analytique aura, en outre, pour particularité d’être diachronique, puisque e e nous prendrons le parti d’étudier ces objets dans la longue durée : du XIII au XVIII siècle. Cette diachronie, que nous impose la pérennité des usages et raisons d’être de ces objets, nous permettra d’enregistrer une évolution des formes et des pratiques sur un long terme, d’identifier des ruptures et des continuités et de questionner les modifications enregistrées, tout en nous accordant une épaisseur chronologique apte à pouvoir rendre compte des chevauchements et longues perdurances de certaines formes, comme de certaines pratiques qui, on le sait, s’accommodent rarement aux découpages chronologiques des historiens. L’histoire ici racontée assume donc le déraisonnable défi de...
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