Balade de Mozart, Beethoven et Schubert dans le Jardin de Napoléon
109 pages
Français

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Balade de Mozart, Beethoven et Schubert dans le Jardin de Napoléon , livre ebook

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Description

Ce roman se veut une réflexion sur la création musicale, ainsi qu’une méditation sur l’amour et sur le pouvoir à travers les aléas du temps et de l’histoire. La confrontation de ces trois compositeurs se fait sur fond de rire, de pleur, de nostalgie, de remise en question, de descente aux enfers (la Jeune fille et la mort de Schubert), de remontée au paradis (la Flûte enchantée de Mozart), de reconquête de soi et des autres (la Cinquième symphonie de Beethoven et le Don Giovanni de Mozart) avec ce que cela suppose comme rendez-vous avec l’éternité et avec la mort. Napoléon y joue le rôle de catalyseur de leurs ressentiments et espoirs. L’histoire vacille entre la réalité et le songe au gré de leur errance entre la haine de soi et la volonté de s’abîmer dans la chair féminine. L’esprit et le cœur se livrent un combat au corps à corps, sans merci. Shakespeare ne fait-il pas dire à Hamlet que les accidents du cœur sont le lot de la chair. Pour finir ce roman se veut une marche de nos trois compagnons vers la gloire, une gloire qui joue à quitte ou double avec le néant.

Informations

Publié par
Date de parution 26 février 2013
Nombre de lectures 12
EAN13 9782312008547
Langue Français

Extrait

Balade de Mozart, Beethoven et Schubert dans le jardin de Napoléon

Mo Chorfi
Balade de Mozart, Beethoven et Schubert dans le jardin de Napoléon
Ou la symphonie de l’Amérique







LES ÉDITIONS DU NET 22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-00854-7
I
Ludwig avait mal à la tête ce soir. D’habitude, lorsqu’il a mal quelque part, il se met au piano, compose un concerto ou une sonate. Son mal s’atténue puis disparaît. Il se sent beaucoup mieux, alors il sort dans le jardin et scrute le ciel dégagé, regarde les étoiles, cherche la sienne, celle qui préside à son destin de compositeur. Il a opté pour l’étoile polaire, la plus prestigieuse de toutes. Il aurait voulu qu’elle soit moins éloignée et plus proche, qu’il puisse l’interroger sur ce que les siècles futurs réservent à sa musique.
Il finit toujours par les compter toutes et, lorsqu’il arrive à cent, il s’arrête. Les étoiles sont ses moutons, elles l’aident à s’endormir. Il rentre chez lui, referme la porte, va au lit et se laisse aller au sommeil qui ne tarde pas à venir.
Mais ce soir, son mal de tête le fit particulièrement souffrir en plus, il n’avait pas envie de se mettre au piano. Il avait peur de composer une musique trop triste, mal au point, une musique qui ne lui ressemble guère et qu’il finirait par jeter à la poubelle.

Il prit un médicament contre le mal de tête et alla droit au lit sans passer par le jardin et sans compter ses chères étoiles. Tous les rêves et les cauchemars se bousculèrent dans son esprit au point de constituer une ruche bourdonnante.
D’abord, il se vit enfant, attendant la visite de sa mère pour le border et lui raconter une histoire de fée prélude à de doux rêves. Mais c’est son père qui vint et qui, d’emblée, lui intima l’ordre de dormir afin de s’adonner le lendemain à l’abattage des arbres dans la forêt, et surtout de ne pas faire de rêves érotiques qui l’affaibliraient et le rendraient inapte au travail.
Son père disparut soudain non sans l’avoir auparavant menacé de punition s’il ne s’acquittait pas comme il faut de la tâche qui l’attendait, et quoi d’autre comme punition que de le priver de piano et de l’empêcher de composer. Sans crier gare, comme cela arrive dans les rêves, on passe d’un événement à l’autre sans la moindre connexion. Ludwig se retrouva au balcon de l’Opernhaus de Vienne en train de regarder La Flûte enchantée de Mozart déployer ses fastes et ses magies. Il était désolé à l’idée que son Fidélio ne fasse pas le poids devant la Flûte. « J’aurais dû en faire une comédie, » se dit-il. « Décidément, je n’ai pas le sens du comique et du dérisoire. Je ferais mieux de ne plus composer d’opéras. »
Pamina apparut telle une fée. Elle parcourut la scène dans tous les sens à la recherche de Tamino. Ce fut pour Ludwig un enchantement des sens. Soudain, l’acte prit fin avec son chant à elle, un chant de mélodie et de transhumance. Le rideau tomba et le public applaudit à tout rompre.
Ludwig se leva, quitta le balcon pour aller rendre visite à Pamina dans sa loge. Il traversa un long couloir circulaire, frappa à sa porte entra. Il n’y avait personne, mais un billet indiquait qu’elle était dans le jardin, qu’elle humait l’air frais et s’imprégnait d’étoiles pour être mieux à même d’attaquer le prochain acte.
Ludwig alla dans le jardin. Pamina était là, au milieu des fleurs, entièrement nue dans un corps de Vénus. Elle lui sourit comme si elle l’attendait. Une sensation étrange le traversa. « Une telle beauté, un tel corps, je dois le posséder », se dit-il. Et il courut vers elle. Elle rit aux éclats. Elle courut à son tour pour lui échapper. Elle escalada un arbre jusqu’au sommet. Ludwig escalada l’arbre à son tour. L’arbre devint croix géante et Ludwig se retrouva crucifié dessus, pendant qu’elle dansait, telle Salomé, sur le toit de la croix.

– Il ne faut pas t’arrêter, lui dit-elle provocante.
– Mais ce n’est pas un arbre, c’est une croix ! lui cria-t-il.
– C’est un arbre, et je suis sa fleur. Qu’est-ce que tu attends pour me cueillir ? lui dit-elle en riant aux éclats.
– Mais ce n’est pas un lieu d’amour, c’est un lieu de mort.
– Tu vois une différence entre l’amour et la mort, toi ?
– Ce vent qui crisse, on dirait un requiem.
– C’est notre requiem.
– Attends-moi, dit-il en essayant de changer de position.
– Fais vite avant que je ne me fane.

Le commandeur ou le convive de Pierre de Don Giovanni apparut. Il était plus grand que nature. Il intima de sa voix caverneuse l’ordre à Ludwig de cesser ses jeux pervers, l’accusa de se prendre pour Jésus et Don Giovanni à la fois et d’humilier une créature céleste. Ludwig voulut protester, expliquer qu’il ne savait pas pourquoi il se trouvait là, et que ses intentions étaient de tout ce qu’il y a de plus pur. Il aurait même voulu épouser Pamina devant l’autel. Mais aucun son ne sortit de sa bouche. Alors le commandeur brandit son sceptre et le foudroya. Ludwig eut une pollution nocturne. Il resta un moment pantelant dans sa position, plein de honte pour ce qu’il venait de commettre. « Pourquoi la nature se montre-t-elle si cruelle à mon égard ? » se dit-il. Il se leva, alla dans la salle de bain, se frotta le corps plusieurs fois comme pour se débarrasser de toute souillure, s’habilla, se jura de consacrer sa musique à la religion, de composer une messe, une sorte de repentance. Il décida de sortir, histoire de s’aérer un peu, de libérer son cerveau encore engourdi par le rêve de la nuit. « Pourquoi l’amour me manque-t-il tant ? » se demanda-t-il. Ses sonates et ses symphonies auraient dû le guérir de l’amour, mais non, elles n’avaient fait qu’exacerber ses sentiments.
Il voulut crier sa douleur. Un son rauque lui sortit de la gorge, un son atroce qui n’avait rien à voir avec celui de Papageno et l’air de la reine de la nuit de la Flûte enchantée de Mozart. D’ailleurs, ce son n’était pas censé être celui d’un perroquet, mais celui d’un rossignol. Mozart n’avait sans doute pas envie de livrer ses secrets. Il dissimula ses sources et appela ses héros Papagena et Papageno au lieu de Rossignol et Rossignola. Et aussi sans doute, pour ressortir la face âpre de l’amour qui ne fait jamais dans la dentelle, mais plutôt dans l’amer et le terrible. Et puis un perroquet fait rire, un rossignol fait pleurer, et dans un opéra, le rire prime sur les larmes.
Telle est la nature humaine, un mélange de mineurs et de majeurs comme devrait l’être une musique digne de ce nom. Il décida de rompre avec sa tendance du moment, celle de tout tourner au tragique, renouer avec son ancienne veine, celle de la pastorale et de son esprit de liberté. Cette symphonie était une de ses musiques les plus prisées par le public.
Il mit son habit et ses bottes, se posa la perruque sur la tête, prit soin de se munir de son pistolet. Il ne sortait plus jamais sans, depuis qu’il avait été attaqué par des loups et qu’il ne devait son salut qu’à un garde forestier qui passait par là.
Il sortit, décidé à profiter de cette journée ensoleillée, d’en retirer le maximum de bienfaits pour son âme ankylosée par une nuit de cauchemar. Ce contact avec la lumière, ce retour à la nature, il le voulait total, de quoi effacer la nuit d’hier, retrouver sa joie d’antan, celle par laquelle il avançait dans la vie sans trop s’en faire. Il marcha deux heures durant d’un pas leste, essayant de humer l’air frais et de s’imprégner de verdure. Il arriva devant un étang qui s’étendait à des centaines de mètres à la ronde avec une flaque de coquelicots au milieu qui flottait telle une barque au repos. L’eau était transparente et pure. S’il y faisait un plongeon rien que pour se laver des impuretés de la nuit et subir un nouveau baptême ? Il s’accroupit, plongea un doigt dans l’étang, l’eau était glaciale. S’il le faisait, il risquerait une pneumonie et une mort certaine. Il préféra ne rien faire, mais trouver dans ce paysage ce qui était censé le faire basculer dans la joie et l’extase.
Il voulut en même temps cueillir quelques coquelicots, les rapporter à la maison. Il sentit ses bottes s’enfoncer dans la terre humide. « C’est un marécage, des sables mouvants », se dit-il. Il se dépêcha de

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