De Terre et de Chair
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De Terre et de Chair , livre ebook

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Description

Écrivaine et sculptrice, Valérie Rossignol révèle le processus de création de la femme artiste quand l'homme en est le sujet, par l'écriture et par la sculpture. Le livre se présente en diptyque. Dans "?Homme de Terre?", l'auteure éclaire ce qui se joue entre la sculptrice et son modèle. L'homme, nu, se dévoile : " on ne peut pas tricher ". L'artiste catalyse la fusion des êtres et transmet à la terre sa forme, la vie. Même si elles créent leur propre espace temps, ces séances de travail sont en résonance avec le monde? : ainsi celle qui s'est tenue au lendemain des attentats du Bataclan. "?J'ai créé un homme de terre, pendant qu'un homme de chair mourait. [...] J'ai pris sa nudité, puisqu'il me l'offrait et je l'ai donnée à tous ceux qui craignaient de se déshumaniser.?" La relation prend corps par la terre. " Homme de Chair " est une lettre à l'homme aimé qui nous entraîne dans une spirale charnelle et spirituelle, où les émotions sont autant de pièces d'un puzzle qui s'agrandit à l'inverse d'une peau de chagrin. " L'espace intérieur ne s'agrandit que s'il est porté par l'amour. Je pourrais tout aussi bien rétrécir. M'égarer comme autrefois. [...] Mais en cet instant, je suis solidement amarrée. Tu me retiens, avec toute la force de ton esprit. " La relation prend corps par la chair.

Informations

Publié par
Date de parution 07 juin 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782379790430
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0017€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Valérie Rossignol
De Terre et de Chair




edition@terredumodelevivant.fr
ISBN 9782379790430 © L’Arbre Hominescent - Terre du Modèle Vivant, 2019
Couverture © Henri-Paul Badet


La création partagée
On ne lit jamais un livre. On se lit à travers les livres… Le plus grand livre n’est pas celui dont le communiqué s’imprimerait au cerveau… mais celui dont le choc vital éveille d’autres vies, et, de l’une à l’autre, propage son feu qui s’alimente des essences diverses et, devenu incendie, de forêt en forêt bondit.
Romain Rolland, L’éclair de Spinoza
Voici un livre qui, faisant de nous ce lecteur pensi f cher à Victor Hugo, nous incite souvent à lever la tête au fil des pages et à réfléchir à notre rapport au corps de l’autre en général, et à celui des femmes avec le corps des hommes en particulier. Écrit par une femme, il interroge le féminin à l’œuvre. À l’œuvre : Valérie Rossignol restitue ici une double expérience, celle de la sculpture et celle de l’amour, qui se déploient dans une suspension du temps. Elle le fait par le moyen de l’écriture qui les englobe toutes deux, en se déroulant dans la durée nécessaire à la formulation. Dans les trois cas, tout se trame entre : entre le texte et nous, bien sûr, mais aussi entre le sculpteur et le modèle, puis entre les deux amants. C’est pourquoi les deux parties de ce livre s’enchaînent naturellement – « Homme de terre » et « Homme de chair » : ça se passe chaque fois entre deux êtres et le livre vient explorer cette relation.
Je n’avais jamais entendu évoquer, ou jamais si bien, ce qui se joue entre l’artiste et son modèle dans l’atelier du sculpteur. Non pas entre un créateur et une silhouette, mais entre deux corps-esprits. Dans l’atelier de Valérie Rossignol, le modèle n’est pas un corps qui s’abandonne, c’est une « âme », pour reprendre le vocabulaire de l’auteur, que la sculptrice cherche à saisir et à restituer. Le corps nu de l’homme est devant elle, il a consenti à poser, ce qui n’est pas confortable, souvent fatigant, consenti à être regardé – étonnant renversement d’une situation traditionnelle où des hommes peignaient et sculptaient des femmes nues. Tous deux sont là, dans le silence, « nous existons sans parler », mais pourtant dans un échange intense : « nous faisons quelque chose qui ressemble à l’amour et qui est plus englobant que l’amour ». Moment de sacralité, de « gravité ». Dans l’atelier devenu chapelle advient le moment faramineux, lent et appliqué, gracieux pourtant, où « l’homme s’incarne dans [ses] mains ». Il est rare que le modèle soit élevé à cette dignité – celle clairement indiquée par ce « nous ».
Je n’aime guère réduire les êtres à leur genre, ou inférer de leur genre des comportements dont la description ne rameute la plupart du temps qu’une foule de stéréotypes. Mais le fait que Valérie Rossignol se retrouve dans une position traditionnellement masculine explique peut-être, parce que ça ne va pas de soi , cette attention extrême à la situation de l’autre, et ce respect profond du modèle rendu à toute son humanité, au-delà de sa forme, au-delà de sa chair. Ou plutôt, plus qu’un au-delà de la chair, on entend ici la louange d’une chair spirituelle – et quelle chair ne l’est pas ? C’est une erreur commune et ancienne d’avoir séparé l’esprit du corps. Le corps est toujours esprit et l’esprit toujours s’incarne. Dans le silence de son atelier, l’artiste s’attache à saisir cette totalité. Regard qui vrille avec douceur, qui pénètre et qui accueille. À quoi s’ajoute cette vibration particulière, cette « friction » qui résulte de la situation, pas encore devenue banale : « C’est parce qu’il est nu, que je suis une femme et qu’il est un homme que la vibration a lieu, au-delà ou en deçà des mots. » Aucune violence dans cette nudité offerte, mais la « délicate pudeur de celui qui se met à l’épreuve et qui désire s’offrir un instant de dépossession complète ».
Je défends souvent l’idée que dans de nombreuses situations de l’existence nous ne nous percevons ni homme ni femme, parce que la question du genre ne se pose pas, qu’elle est, dis-je, suspendue . Mais où elle ne l’est jamais : dans l’érotisme, c’est-à-dire lorsque le corps entre en jeu , le corps avec ses désirs, sa conscience aiguë de la morphologie, sa recherche d’altérité et sa capacité de jouer. Or c’est bien du corps qu’il est ici question, corps d’homme devant œil de femme. Mais, consciente que le corps est toujours corps-esprit, l’ambition de l’artiste est immense : par le biais d’une « création partagée », faire advenir à la fois la vérité du modèle et la vérité du créateur.
Vérité du modèle. Valérie Rossignol dit de l’un d’eux : « J’ai sculpté son aura./J’ai sculpté ce qu’il restera de lui quand il sera mort./Son éternité. » Enjeu considérable. Et vérité propre de l’artiste : « Le modèle participe à la création. Il adhère au projet en cours et m’aide à réaliser ce que je porte en moi. Il sait que tout discours est vain, que nous poursuivons un but qui se révèle progressivement à nous. »
En plus de l’aura, plus profondément – non, aussi profondément – c’est un homme élémentaire que la sculptrice recherche : « J’ai besoin de cet aliment nocturne, de cette nourriture minérale, ancestrale, qui réactive en moi la mémoire de l’homme le plus fruste, le plus élémentaire qui soit. Je tremble en sentant l’être primitif chercher à vivre sa vie. » Ici l’on touche à ce mystère d’un art particulier – chaque art vise un objet différent –, aura et homme élémentaire constituant ceux de la sculpture.
§§§
Lorsque l’artiste, cette femme qui « prend tout », se présente comme « réceptacle de ce que le corps a à me dire », on ne peut s’empêcher de songer à la situation intérieure de toute amante. Et en effet l’expérience amoureuse livrée dans « Homme de chair » pourrait tout aussi bien être restituée avec les mots de la sculptrice. Car de même que « le modèle participe à la création », c’est l’idée d’une création partagée qui définit le mieux l’étreinte amoureuse, elle aussi « réalisation à mi-chemin entre lui et moi ». Si je joue à emprunter les mots de la première partie pour évoquer l’expérience amoureuse, rien ne détonne. Essayons : « nous étions un seul et même corps, soudés, solidaires, fraternellement unis, pris dans un vertige d’intensité » ; recherche de la « dépossession complète » de l’homme (de la femme aussi bien) ; évacuation des normes et des contraintes sociales : « Le modelage me permet d’appréhender un homme que personne n’a connu et ne connaîtra jamais, un être soustrait à toute norme, un être de chair pris dans un instant vécu. Je le vois dans sa nudité, dans sa façon de respirer, de regarder, de faire face à l’instant présent. »
Et ces mots ne pourraient-ils pas également s’appliquer à celui qui est appelé « amour », cet homme lui aussi en rupture à qui est adressée la deuxième partie : « L’homme de terre est en rupture. Il nous indique une voie intérieure, nous encourage à nous découvrir en toute conscience et sans préjugés. Il ouvre une période inédite. Il invente de nouveaux rapports à l’autre, grâce à une intimité particulière, chaleureuse, féconde. »
§§§
Ainsi se confirme – c’est vrai de toutes les expériences capitales de l’existence – la possibilité d’une absolue réversibilité : à la faveur de l’échange amoureux, c’est la narratrice qui est atteinte au plus profond et transformée par le regard et la caresse, elle qui devient la « terre » modelée, exprimée par la main et l’œil aimants. Et n’est-ce pas ce qu’on attend et espère de la modification des rapports homme-femme aujourd’hui – non pas défiance, essentialisation, contrat, séparation, mais, par la fusion dans le désir mutuel, une parfait

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