L École de la honte - no 8
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L'École de la honte - no 8 , livre ebook

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Description

De retour à Montréal après une enquête pleine de rebondissements, Ying qui ne rêvait que de repos, est sollicité par son père pour investiguer sur une école d’enfants chinois. Monsieur Qian, âgé maintenant de 68 ans, semble vouloir se transformer en défenseur de ses semblables. Qu’est-ce qui se passe dans ce collège de la rue De la Gauchetière pour qu’il se sente interpelé?
Voyez comment les membres d’une même famille réussiront à élucider un trafic impensable au Québec.
Qui est cette Ming que Monsieur Qian a engagé à sa boutique? Et d’où viennent ces filles qui ont sauvé Ying d’une mort certaine ?
Vous vivrez un amalgame d’émotions, de déceptions mais aussi d’espoir, chose certaine, vous ne resterez pas indifférent. L’être humain est-il rendu aussi vil qu’il est prêt à tout, même se servir des enfants pour se payer du luxe ou assouvir sa dépendance ?
La famille Qian se réjouit de la fin de l’enquête, mais pendant ce temps, le coffre-fort de Monsieur Qian rempli de jade est complètement vide...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 mai 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782925117773
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0548€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

1
À peine revenu de Vancouver où Ying avait résolu une histoire de fraude entre associés qui s’était soldée par l’arrestation du plus petit actionnaire qui avait floué le plus gros, il sillonnait maintenant les rues de Montréal, sachant d’ores et déjà qu’il détenait un excellent sujet de reportage. Ce dernier lui mériterait probablement une réputation pancanadienne pour la qualité de ses recherches. Ying ne pensait maintenant qu’à prendre quelques jours de congé avec son père qu’il avait négligé depuis plusieurs mois. Ses enquêtes lui demandaient de voyager de plus en plus, ce qui restreignait de beaucoup ses rencontres familiales. Il téléphona à ses associés Ariane et Alex pour savoir si on avait besoin de ses services et compétences. Comme tout était sous contrôle pour le moment, il cherchait à utiliser son temps de façon agréable.
Il pensait particulièrement à son père, cet homme qui ne se faisait plus très jeune, mais qui s’obstinait à ouvrir sa boutique tous les jours même si ses finances lui permettaient de prendre sa retraite et de profiter pleinement de la vie. Il rêvassait en imaginant ce qu’il pourrait bien lui dire pour le persuader qu’il y avait autre chose dans la vie que le travail. Il espérait qu’il perçoive ses arguments comme des preuves d’amour filial.
C’était le moment parfait, un mois de mai particulièrement agréable, pas très chaud, mais toujours ensoleillé. Les arbres regorgeaient de bourgeons, on pouvait imaginer les boutons de fleurs prêts à naître et une senteur de printemps qui n’annonçait que de bonnes nouvelles. Il était chez lui dans ce quartier chinois, ça sentait les décoctions de son père, des mélanges d’épices et de fleurs qui, selon les dires de l’aïeul, pourraient ramener un mort à la vie. Ces odeurs familières lui procuraient de l’amour, mais également de la solitude. Il ne pouvait qu’éprouver du ressentiment, une dualité amour/rancune qu’il avait pour ses parents. L’amour pour son père, doux et conciliant, lui avait montré à s’effacer au lieu de revendiquer ses droits et d’accueillir ses réussites. Il avait toujours valorisé les autres, se délestant des honneurs qui auraient dû lui revenir. Quant à sa rancœur pour sa mère qui l’avait abandonné à deux ans pour vivre sa vie faisait que cette absence maternelle, le privant d’amour, le marquait encore ; était-ce le chalumeau qui l’incitait à travailler dans un domaine qu’il aimait au lieu de poursuivre l’œuvre de son père qui n’avait pas de successeur pour diriger son commerce ? Il se demandait lequel des deux lui avait fait le plus de tort ou de bien. La gentillesse et les soins de son père avaient fait de lui un homme respecté et respectueux, alors que l’égocentrisme de sa mère lui faisait comprendre qu’il n’était pas nécessaire de s’oublier, que reconnaître ses besoins était tout aussi important. La douleur de l’abandon avait cependant des effets négatifs dans ses relations avec les femmes, il n’arrivait pas à s’attacher, il préférait quitter avant d’être quitté.
Il bondit du banc sur lequel il s’était attardé en se perdant dans ses pensées pour se diriger au pas de course à la boutique de son père. Il le vit dans l’embrasure de son commerce, droit comme un piquet, les cheveux et la barbichette poivre et sel, le port de tête altier, du haut de ses cinq pieds et quelques pouces. Il était vêtu comme un ancêtre chinois, reproduction miniature de Confucius qui, parait-il, mesurait six pieds neuf pouces. Il l’attendait, l’air digne comme un homme qui affichait la sagesse et la fierté de sa descendance, voulant presque se projeter dans le futur sous l’effigie de son fils. Cette vision heurta Ying directement au cœur. Il se sentait partagé, il aimait cet homme, mais ne voulait pas lui ressembler. Il avait le sentiment que ce dernier n’avait jamais été heureux, sinon dans l’abnégation, du moins à l’époque où il prenait soin de sa sœur et de lui.
Lui, il avait des rêves à réaliser et ce n’était ni sa sœur ni son père qui allaient le faire bifurquer de ses aspirations. Jamais personne ne le convaincrait de faire ce qu’il ne voulait pas ou n’aimait pas.
Après de longues accolades et de tapes dans le dos qui montraient très pudiquement l’amour d’un père envers son fils, ils s’entendirent immédiatement sur le choix du restaurant. Ils appréciaient tous les deux le Jardin Vert, restaurant typique à deux pas du commerce de Monsieur Qian. Ying adorait leur bière et leur canard, alors que son père préférait leurs cocktails et leur homard, meilleur en saison, bien sûr.
La terrasse était déjà ouverte, mais seulement deux clients audacieux y étaient attablés. Les boîtes à fleurs étaient vides, ne pouvant résister aux nuits fraîches — pour ne pas dire glaciales. Elles manifesteraient leur présence seulement au début de juin. Il faut dire que malgré le soleil chaud d’un midi de mai, après un hiver qui ne voulait plus en finir, le vent frisquet reléguait à l’intérieur la majorité des clients qui, habituellement, étaient très impatients de manger à l’extérieur sur une belle terrasse débordant sur la rue piétonnière. Même s’il demeurait à deux pas, Monsieur Qian s’offrait rarement ce luxe de diner dans ce restaurant qu’il appréciait pourtant. Le Jardin Vert était l’un des meilleurs restaurants du Chinatown où il était impératif de réserver. À l’extérieur, l’architecture vieillotte du commerce, attaché comme des frères jumeaux l’un à l’autre, offrait des lucarnes au troisième étage, tandis que des moulures d’époque au premier et au deuxième annonçaient déjà un retour dans le temps. En effet, l’ensemble nous positionnait au début du dix-neuvième siècle, alors que le décor intérieur nous transportait plutôt dans les années soixante-dix avec ses murs vert foncé, sa verrière à carreaux multiples et ses lanternes chinoises d’un rouge flamboyant. Le mobilier avait rajeuni et les banquettes recouvertes, mais le menu quoique plus sophistiqué offrait toujours ses classiques pour lesquels non seulement les touristes, mais les Montréalais, affluaient autant en semaine qu’en fin de semaine.
Dans ce quartier, c’était plutôt la miniaturisation d’une ville dans une grande ville qui attirait. L’authenticité des lieux n’était pas qu’illusoire, mais réelle. Certains disaient même que la mini ville était plus chinoise que certaines villes de Chine, car tous les archétypes s’y retrouvaient. Sans doute parce que le quartier avait été dessiné par des architectes chinois qui avaient respecté autant les formes que les couleurs. Montréal possédait le plus beau et plus gros quartier chinois de tout le Canada et ses habitants en étaient très fiers.
Attablé à une banquette sur le bord de la verrière à travers laquelle un rayon de soleil réchauffait le visage de Monsieur Qian, Ying remarqua que des sillons creusés par le temps semblaient faire des arabesques autour des yeux de son père. Il le sentait si vulnérable, mais son regard, pourtant si volontaire, témoignait qu’il n’était pas prêt de s’écrouler au tapis. Même si l’homme semblait un ancêtre fragile, ses prunelles disaient le contraire. Il reconnaissait le père, mais pas l’homme. Comme s’il le voyait pour la première fois. Il tomba à la renverse lorsque ce dernier lui demanda s’il accepterait de faire une enquête avec lui. Avait-il un jumeau qu’il ne connaissait pas ? Impossible que ce soit son père. Ce dernier ne s’intéressait qu’à sa boutique depuis qu’il était né et maintenant, il voulait sortir pour enquêter sur la légalité d’une école privée ouverte il y avait quelques années sur la rue De La Gauchetière.
– Tu m’écoutes ?
– Oui, oui, je suis simplement stupéfait au point où j’en perds mes mots. Tu n’es jamais sorti de ta boutique et voilà que tu veux faire une enquête ?
– Je te l’accorde, fils, je ne sors pas, mais cela ne veut pas dire que je n’écoute pas. Et je te le dis, il y a quelque chose de louche avec cette école.
– Depuis que j’ai embauché Ming, que je vais te présenter à notre retour, j’ai plus de temps pour penser et écouter. Et j’ai flairé quelque chose d’illégal mon fils. Il y a une organisation malhonnête là-dessous. Je serais prêt à le jurer.
– Tu penses à quoi exactement ?
– Je ne sais pas encore, mais trouves-tu cela normal que des enfants de 6 à 12 ans arrivent par autobus à 6 h 30 le matin et ne repartent, toujours avec les mêmes autobus jaunes, jamais avant 18 h 30 ? Ils ne sortent jamais, personne ne les connaît, ils sont tous vêtus d’un sarrau blanc et ils ont une mine de déterrés. Jamais je n’ai vu l’un deux sourire.
– La discipline est peut-être plus forte dans certaines institutions.
– Je ne te parlerais pas de ça sans avoir fait quelques recherches. Premi

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