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Description
Informations
Publié par | Béliveau Éditeur |
Date de parution | 12 février 2014 |
Nombre de lectures | 0 |
EAN13 | 9782890926363 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Conception et réalisation de la couverture : Christian Campana
Illustration de la couverture : Shutterstock
Conversion au format ePub : Studio C1C4
Tous droits réservés
© 2013, BÉLIVEAU Éditeur
Dépôt légal : 1 er trimestre 2014
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
ISBN 978-2-89092-615-8
920, rue Jean-Neveu Longueuil (Québec) Canada J4G 2M1 Tél. : 514 253-0403 / 450 679-1933 Téléc. : 450 679-6648
www.beliveauediteur.com admin@beliveauediteur.com
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Reproduire une partie quelconque de ce livre sans l’autorisation de la maison d’édition est illégal. Toute reproduction de cette publication, par quelque procédé que ce soit, sera considérée comme une violation du copyright.
Cette histoire est basée sur de vrais événements et des documents authen-tiques, mais ce livre demeure une fiction. Tous les noms, de même que les personnages sont fictifs et toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, ainsi que des établissements et des endroits spéci-fiques est pure coïncidence. L’éditeur ne se tient aucunement responsable des propos tenus dans cet ouvrage. Seul l’auteur en assume l’entière responsabilité.
Préambule
É TÉ 1970. L A SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE, COMME PRESQUE TOUTES LES SO CIÉTÉS DU MONDE OCCIDENTAL , se remettait des mouvements de libération orchestrés par les jeunes. L’air était encore imprégné des signes de « Peace and Love », des chansons libératrices des Beatles et des Beach Boys et il serait bientôt caressé par les accords, les mélodies et les paroles du groupe québécois Har-monium. Tous les jeunes arboraient, moi (David A. Derlozki) y compris, du haut de mes dix ans, des pantalons aux couleurs vives dits « pattes d’éléphants », à cause de leur élargissement prononcé au niveau de la cheville.
Le Québec, à la différence d’autres sociétés occidentales, se trouvait aux prises avec un mouvement violent de libération, non seulement social mais également politique, qui prendrait différents noms, dont celui du Front de Libération du Québec (FLQ), et qui conduirait à l’assassinat d’un ministre du gouvernement de l’époque (le gouvernement Bourassa). L’Irlande n’était pas en reste puisque l’Ireland Republican Army (IRA) faisait aussi la vie dure au gouvernement britannique.
Nous venions d’émigrer au Canada : mon père né à Belley, dans l’Ain, d’une famille française , ma mère, canadienne de naissance, ma sœur et moi. Nous avions passé plusieurs années à Grenoble (France), où mon père était ingénieur en mécanique pour la société américaine Caterpillar. Ayant le mal de son pays, ma mère avait insisté, après huit ans de vie en France, pour revenir au Canada, en particulier au Québec. Nous avions donc quitté les montagnes de l’Isère et leur splendeur incomparable, les repas copieux aux riches saveurs, le pain, le vin et le reblochon de Savoie, et pour moi, des amis, un accent français qui allait me donner du fil à retordre une fois immergé dans la langue québécoise, et mon petit pantalon court en cuir de style Lederhosen qui allait tant faire rire mes nouveaux « camarades » et susciter leurs moqueries espiègles.
Ce retour aux sources fut une joie pour ma mère, mais ce fut par contre une période de douloureux sables mouvants pour moi, et qui durerait des années. J’avais beaucoup de mal à m’adapter à la culture québécoise : pour un enfant de dix ans qui avait été à l’école française, il était difficile de saisir le sens des nombreux anglicismes qui jonchent la langue québécoise, pourquoi mes camarades de classe s’acharnaient, littéralement, sur mon accent et mon habillement, et comment on arrivait à construire des phrases entières avec des mots empruntés à la liturgie catholique.
Avant de nous établir au Québec, nous avions fait un bref séjour à Cornwall, en Ontario, où on m’a inscrit à l’école anglaise ; en fait, c’est là que j’ai commencé à ressentir la haine pour le petit Français que j’étais, plutôt qu’à la ville de Québec, où nous sommes allés nous établir quelques mois plus tard. Je passais mes journées à me battre et à me faire insulter : « fucking frog » en Ontario, puis « maudit Français » au Québec.
Aux nouvelles du soir à la télévision, on entendait parler de bombes dissimulées dans des boîtes aux lettres à Montréal, de pétitions contre le gouvernement et de désordre social. Pourquoi diable avions-nous quitté un pays où il faisait bon vivre, où nous pouvions aller faire du ski alpin pendant des heures sous le regard impassible et majestueux du mont Blanc, où tout paraissait, à mes yeux d’enfant, parfait, ordonné, joyeux ?
C’est quelques années après notre retour au Québec que ma mère a commis l’irréparable : demander le divorce. En fait, ce n’est pas tellement dans cette demande que dans la façon dont elle l’a faite, appuyée par un système sourd, muet et aveugle à mes besoins et souhaits d’enfant, que les conséquences terribles de son geste sont apparues très vite.
J’allais apprendre à mes dépens que le couple est la fusion insolite de deux casse-têtes.
Ma mère et mon père se connaissaient depuis quinze ans. Dès leur première rencontre, ils avaient eu le coup de foudre, lui pour sa gentillesse à elle, elle pour son élégance et son charme européen bien à lui. Ils s’étaient mariés en bonne et due forme, et pas n’importe où… au Québec plutôt qu’en France. Le hasard avait voulu que mon père, en quête d’aventure, se soit retrouvé au Québec pour découvrir le froid, les mouffettes et le Seven-Up, une boisson qui n’existait pas en France à l’époque.
Fringant et curieux, mon père aimait l’aventure. Quand, durant la Deuxième Guerre mondiale, les Allemands avaient envahi la région où il vivait en franchissant la ligne Maginot avec une facilité qui consterna les Français et le monde entier , mon père avait rejoint la Résistance. Il avait combattu les Allemands en commettant des actes de sabotage ici et là, au péril de sa vie, pour suivre le leadership du général de Gaulle, exilé en Grande-Bretagne, qui refusait de plier devant un envahisseur barbare et sans pitié. Papa avait été fait prisonnier à au moins une reprise sur l’île de Ré, à l’ouest de la France, puis était revenu de la guerre blessé au dos et épuisé. Mais il avait participé à la fin de la domination allemande, domination qu’avait imaginée Hitler à partir des années 1920, puis commencé à mettre en place au début des années 1930 en intensifiant la fabrication d’armement, de blindés Panzers, de « U-boats » et d’avions, ce qui contribua à faire passer le nombre de chômeurs allemands de trois millions à quelques dizaines de milliers seulement. La famille entière de papa, d’origine française, avait failli y passer : les Allemands avaient fait irruption un soir de 1944 dans la maison familiale, avaient encerclé tout le monde et avaient tout fouillé de fond en comble. Enfin, presque tout. Car heureusement, ils n’avaient pas trouvé les armes que mon père avait cachées autrement, tout ce beau monde se serait fait fusiller sans autre formalité , pas plus qu’ils n’avaient trouvé de traces de nos origines juives, très lointaines. Mon grand-père paternel, après bien des péripéties, avait temporairement changé le nom de famille que je porte aujour-d’hui pour « Dumais » et avait quitté le Bugey, une région de France située dans le département de l’Ain, pour commencer une nouvelle vie, sans histoire, près de Grenoble, dès 1935. C’est le chien de la famille qui avait prévenu mon père de l’arrivée des Allemands, et celui-ci avait tout juste eu le temps de préparer la maison et de camoufler soigneusement les armes.
Papa, donc, avait choisi l’aventure au Québec, et c’est là qu’il fit la connaissance de ma mère, une Québécoise appartenant à une des