Panique au séminaire
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Description


Cléo, la cinquantaine « larmoyante » , décide de participer à un séminaire de développement personnel afin de ramener un peu de sérénité dans une vie chaotique. Elle ira de surprise en surprise : intervenante légèrement toquée, participants menteurs, inquiétants ou aux portes du suicide, révélations et même aveu d'un crime. En cinq jours toutes ces existences seront intégralement dévoilées et réorientées vers leur véritable destin.


Un séminaire qui fait resurgir des secrets ou des tabous que les participants avaient tenté d'enfouir au plus profond d'eux-mêmes, en vain...


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2014
Nombre de lectures 2
EAN13 9782372221993
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0034€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PANIQUE AU SÉMINAIRE
ROMANFlorence Martin
Tous droits réservés
Florence Martin – CH-1315
 © BOOKLESS-EDTIONS OCTOBRE 2014Merci à mes correcteurs :Gérard pour l’analyse du texte et ses suggestionsAriane pour la ponctuation et les fautes d’orthogra phe
Cléo Hier j’ai fêté mes cinquante ans ! Putain cinquante ans, déjà! Me voilà débarquée sur la plage des vieux, enfin des pré-vieux. La cinqua ntaine flamboyante comme ils disent. Mais c’est la cinquantaine larmoyante en réalité. J ’ai célébré cet anniversaire dans la solitude, écouté Salomon Burke sur mon ordinateur tout en sirotant une bouteille de champagne. Alcool et musique m’ont plongée dans un nuage de perplexité. Elle est arrivée plus vite que je le pensais la date de pér emption des femmes jeunes et jolies. La vie n'est qu'un toboggan qui précipite tout êtr e humain vers une fin annoncée. Et j’y suis, au début de la fin. Toutes ces années où je me trimbale sur notre planè te sont les plus belles que le monde offre à tout citoyen lambda de notre monde o ccidental. Le chômage, un vilain mot réservé aux anciens, même des nazes comme moi, sans aucun diplôme, des «losers» trouvent boulot à leur pied. L’emploi vous court après, on fait monter les enchères. Et si la tâche est pénible, déplaisante ou simplement ennuyeuse, hop on file son sac au patron, insultes en prime. Les petites annonces abondantes procurent dans les trois jours le job de rêve, enfin presque. Cette possibilité, je l’use jusqu’à la corde. Dans cette ambiance euphorique, je glandouille dans la vie, insouciante et désinvolte. Je n’envisage jamais mon avenir, car je m’en fous, préférant me vautrer avec volupté dans la paresse. C’est invraisemblabl e, mais je suis sûre de moi, certaine que d’une façon ou d’une autre je vais gagner.  Le sida est inconnu dans ma jeunesse et je consomm e pas mal d’amants. La fidélité est une notion démodée, je papillonne donc d’une rencontre à l’autre. Dans la foulée de cette vie extraordinaire, Boris s urgit dans mon univers. Je le rencontre pour la première fois au festival de Nyon (maintenant c’est Paléo). Il est assis dans l’herbe sur son blouson de coton, les ma ins encapsulant ses genoux pliés jusqu’au menton. Il porte un t-shirt gris clair et une paire de shorts de même teinte. Je m’affaisse à côté de lui et il me tend la bière qu ’il est en train de déguster. Pas un mot. Nous écoutons Diane Dufresne ensemble sans nous par ler. Le concert terminé, il me prend par la main et m’entraîne sur la plage. Les b aisers succèdent aux baisers, il embrasse si bien, je souhaite que ça ne s’arrête j amais, puis on fait l’amour jusqu’au petit matin. Je m’endors enroulée sur son corps. Une joyeuse entente règne entre nous, car nous port ons le même regard arrogant sur la société, « ils n’ont rien compris! » Bien sû r, on est les seuls à détenir la vérité, à considérer la terre comme un grand terrain de jeux sans frontières. Nous parcourons de nombreux pays et continents sac au dos, en trai n, en 2 CV, avec une tente pour tout abri, éblouis par la diversité de notre monde . On fume pas mal. Après quelques années de ce régime, nous nous écho uons sur une plage en Crète : Matala. C’est là, dans un camping peuplé de hippi es que je constate que je suis enceinte jusqu’aux oreilles. En toute logique, nous nous unissons par les liens du mariage. Je me retrouve une poignée d’années plus tard avec deux fils. Les années passent, les enfants grandissent, les vo yages s’espacent. L’avion comme moyen de transport remplace le train et la vo iture. Notre petit chapiteau est abandonné au profit d’hôtels confortables. L’embou rgeoisement nous guette avec l’âge. Le slogan : «on a fait la révolution pour ne pas devenir ce que nous sommes» devient hélas notre réalité. Mais je continue à me pâmer devant Boris. Il envahit tout mon univers, je ne pense qu’à lui, jour et nuit. To us mes actes, tout ce que j’accomplis c’est pour lui et je ne vois pas venir la suite, ob nubilée que je suis par mon besoin
insatiable de tendresse. Il y a une année, Boris a déserté le foyer sans explications, au bras d’une pétasse de 25 ans, une belle fille bien roulée. Ces derniers temps il passait ses journées dans son cabinet de kinésithérapeute e t moi je continuais à arpenter des bureaux d’entreprise pour exercer mes talents d’hôt esse. Je ne m’en suis pas aperçue, mon mari ne supportait plus une cinquantenaire gri ncheuse. Il est à cent lieues de son épouse. Un homme de cinquante ans, ce n’est pas du tout comme une femme de cinquante ans. Il est encore mince, toujours très beau malgré des tempes grisonnantes, bref il séduit. Il s’est vite consol é avec une plus jeune, plus fraîche, plus éclatante, plus blonde. Tout plus quoi. Quelle baffe ! Pourquoi maintenir des liens qui n’existent que sur des documents officiels ? Je subis le divorce et ses annexe : avocats, juge, con ciliation, inventaire des biens ou plutôt des non-biens, car nous ne possédons rien, mais il fallait quand même les inventorier. J’assiste à une mascarade burlesque, o ù je ne suis qu’une spectatrice. J’en sors soulagée, étonnée du bien-être procuré, prête à reprendre mon indépendance. Mes deux garçons ont quitté le foyer et se sont dis persés qui à Londres et qui au fin fond de l’Ardèche pour vivre en marginal. Une bell e plage de vie s’étend devant moi. Avec le divorce, la liberté récupérée s’accompagne de moult ennuis. Nous avions toujours milité pour un monde de paix et de partage alors pourquoi me battre pour plus d’argent. Boris a sauté sur l'aubaine et je me retr ouve avec quasiment rien. J’en ai mis du temps pour comprendre la vraie nature de celui a vec qui j’ai partagé mon existence, le père de mes enfants Parallèlement, l’emploi se f ait rare, on vous scrute, pas d’entretien sans dévoiler ses motivations. Cette ph rase est maintenant récurrente : « on vous contactera ». Puis plus rien. À 50 ans, je constate, amère, personne ne veut plus de moi et j’affronte une situation inédite : ressources taries. Avec Boris o n ne roulait pas sur l’or, mais on dépensait sans compter. C’est ainsi que je récupère une vieille femme - moi - endettée, déprimée ne sachant pas quoi faire, bourrée d’interrogations existenti elles. Je survis, ou plutôt je sous vis, avec des petits boulots, ménage par ci, hôtesse d’a ccueil par là. Je me débrouille quoi, mais la vie sociale s’est envolée. Cinquante ans, m oche et fauchée, autant dire que les rats quittent le navire. Pour avoir des relations, il faut pouvoir suivre, les fringues de marque, les restos, les week-ends par ci, les festi vals par à....hors de question pour moi. Une voix intérieure hurle : « non, ce n’est pas la fin, la vie est belle. Il y aura encore des ballades dans les montagnes, le thé à l’ombre d ’un tilleul au mois de juin quand tout embaume, des virées en Provence, des amitiés, des couchers de soleil à contempler à deux ». Il doit bien y avoir un moyen de s’en sortir, un tr uc facile, inattendu, un miracle quoi. Ma quête assoiffée me mène vers l’annonce d’une rev ue alternative. Le titre est éloquent : TRANSFORMER LA SOUFFRANCE . « Transforme r une souffrance : d’abord, explorer notre monde intérieur pour nommer de quoi et pourquoi on souffre vraiment. Puis, visiter le monde de celui ou de cel le qui nous a fait souffrir et faire le lien avec notre passé pour comprendre la mémoire qui a é té ravivée par le présent. Et enfin, trouver un acte transformant et apaisant la situation ». Ce charabia est incompréhensible pour une âme simple comme la mienn e, mais il m’attire. Je n'ai aucune idée de QUI m’a précipitée dans cette débâcl e et encore moins du lien avec mon passé qui aurait pu provoquer ce désastre. Je n 'ai pas de goût pour l’introspection psychanalytique, mais pourquoi ne pas tenter ce che min. J'explose ma dernière carte de crédit (un peu plus ou un peu moins de dettes, q u'est-ce que ça peut faire ?) et je
remplis le formulaire d'inscription qui, à part les questions d'état civil d'usage contient beaucoup d’inquisitions indiscrètes sur ma vie. À l a rubrique « motivation » j'écris « pour une vie meilleure », pas terrible.  Le séminaire a lieu à Caux, une bourgade surplomba nt la ville de Montreux. Montreux c'est le festival. C'est là que j'ai écout é Salomon Burke pour la première fois. Soul music, gospel, tout ce que j'adore. La musique doit vous faire dresser les poils sur les bras. Avec certains chanteurs modernes, ce n'es t plus de la musique, mais plutôt du blabla intellectuel collé sur mélodie, intéressant, mais sans émotion. Mais Salomon Burke, 150 kilos dans une chaise roulante, il vous met dans un état de transe. J'aime bien les coïncidences, les signes du destin. Donc, va pour Caux. Un mois plus tard, je file vers une nouvelle bonne fortune avec ma vieille bagnole : Genève-Montreux une heure l'autoroute et des poussi ères, sans bouchons pour une fois, puis montée à Caux par une chaussée zigzagant e et bucolique. Le petit village dresse devant mes yeux, surplombé par son Grand Pal ace si monumental qu’on le voit partout. Il a connu ses heures de gloire dans les a nnées 30. On est en juin, une tiédeur bienvenue baigne atmosp hère, enfin, succédant à la grisaille stagnant sur le pays durant ces premières semaines de printemps qui se traînent comme d’habitude dans le froid, provoquant le vague à l’âme ambiant dans l’attente de la chaleur, des t- shirts, des shorts que je m’amuse encore à porter malgré mon âge.
Jour 1
Après cette grimpette tortueuse, le domaine fort im posant émerge des taillis : un parking de rigueur - maintenant il y a des parkings avec de belles lignes blanches partout, même dans les coins les plus reculés - où je me gare. En traînant ma valise sur roulettes, je m'engage dans l'allée bordée de p latanes menant à la demeure, presque un château : une grande bâtisse couleur crè me, balcons et colonnes du porche d'entrée peints en blanc, volets d'un seyant vert bouteille, véranda ouverte en cette saison, se déployant vers un magnifique parc : un tapis de gazon orné de tulipes et de deux saules pleureurs encadrant le lac et les sommets encore enneigés. Je m'approche prudemment, ne sachant trop que faire. J e reste là les bras ballants et passe ma tête dans une porte entrebâillée. À l'inté rieur une femme debout, penchée sur son bureau trie des papiers. Je frappe : - Ah bonjour ! Elle continue à farfouiller dans ses dossiers sans me voir apparemment. Devant mon silence interrogateur, elle poursuit sans me jeter un coup d'œil : - Vous venez pour le séminaire ? Je hoche la tête - Asseyez-vous dans le jardin, les autres vont arri ver. Un peu surprise par tant de désinvolture, j'obtempè re. Il ne me reste plus qu’à contempler le ciel voilé de légers nuages, les vagu es qui se forment sur le lac et écouter le silence et le vent dans les arbres. La d ame dans le bureau continue à classer ses fiches. Et de moi personne ne se soucie . Je poireaute. Comme toujours dans ces cas, la panique m’assaille. Difficile avec ma timidité maladive de me persuader de m'engager dans cette aventure, mais na ïvement j'imaginais un accueil chaleureux pour me donner confiance. « Jamais je n' aurais dû venir, quelle stupidité, une fois de plus je me suis fait arnaquer ». Mon bl abla perso s'est mis en marche, celui qui dénigre tout, refuse tout, qui glose et me traî ne dans la boue (tu es vieille, moche et fauchée). Je suis sur le point de prendre mes jambe s à mon cou, et à regagner mon studio bruyant dans la ville. C'est alors que les r oues d'une voiture crissent sur le gravier. Trois messieurs s'en extraient en rigolant , ils sont accompagnés d'une femme à la chevelure rousse bouclée. Ils saluent la dame qui classe et se dirigent vers moi, s'affalent sur des chaises. Visiblement ils sont ra vis d’être là. Les présentations sont faites : Robert, le maître des lieux, senseï ainsi que le nomment ceux qui le connaissent bien, la quarantaine allègre, décontrac té et élégant, le corps mince aussi souple qu'un roseau, cheveux châtains légèrement on dulés, regard bleu mis en valeur grâce au bronzage parfait, habillé sport chic, blue -jean, chemise blanche et blouson de marque en simili cuir de qualité. Il a récupéré ses hôtes à la gare de Montreux avec son monospace écolo-hybride dont il fait claquer les po rtes avec désinvolture. Il est accompagné de Francis, un grand échalas taiseux, dé muni de toute joie et de tout sourire, un barbu qui porte un pantalon de lin brun froissé et un t-shirt bleuâtre estampillé world peace qui a subi manifestement plu sieurs lavages tant le logo est déteint. Il s'exprime d'une voix saccadée, à peine audible. Il me tend une main molle tout en contemplant le paysage. Avec ses lunettes n oires, impossible de savoir s'il me regarde. Je hasarde un bonjour, pas de réponse. Pat rick, la trentaine cheveux bien coupés, polo jaune vif et pantalon beige au pli imp eccable, attire tout de suite ma sympathie, mais je suis sans illusion. Un adonis de cet acabit, juriste dans un cabinet de consultants en droit comme il se présente, doit avoir des milliers d'admiratrices jeunes et jolies. Je lui offre tout de même mon plu s beau sourire et surprise, on dirait
qu’il apprécie. Sonja, une rouquine à la chevelure frisée, coupée court, d'une soixantaine d'années, l’air effrayé. La consolatric e qui sommeille en moi a envie de la prendre dans les bras. Je vois bien qu’elle est tri ste et mal à l'aise, alors je l'embrasse chaleureusement. On s'assied en rond, on papote. - Oui, il fait beau (c'est d'une originalité !) Le malaise est palpable, chacun s'observe. La personne qui trie les dossiers revient vers nous , dépose sur la table un grand thermos et quelques bols de porcelaine. - C’est du thé vert, servez-vous - Est-ce que je pourrais avoir du sucre ? S’enquiert Patrick - Non, le sucre c’est mauvais pour la santé. Nous sommes interrompus dans notre dégustation par un nouveau crissement de gravier, cette fois c'est un taxi qui a ignoré le p arking. S'en extirpe une femme d'allure étrange, toute de blanc vêtue. Elle parle très fort et attend que le chauffeur extraie ses nombreux bagages du coffre. Pantalon en toile très large, chasuble crème, sur ses épaules un immense châle multicolore à franges. Ch eveux noirs ondulés qui s’affalent sur son dos, pas très coiffés si vous voulez mon op inion. Sans nous jeter un seul regard, elle pénètre dans le hall, réclame sa chamb re à grands cris puis disparaît. La dame qui officiait dans le bureau (maintenant on connaît son nom : Anne) réapparaît sur la terrasse et annonce : - Ramona est arrivée. On avait compris, les documents expédiés aux étudia nts présentaient Ramona comme intervenante, responsable de mener à bien le séminaire. Une spécialiste en plusieurs disciplines : reiki, shiatsu doublée d'un e exorciste et c'est ce dernier attribut qui m'intrigue le plus. Nous sommes fascinés, perpl exes, surpris. - Robert, où est Robert ? Ramona crie ou plutôt voc ifère, sa voix résonne dans tout l'espace. Plus tard la soirée est interrompue par une nouvell e apparition dans un magnifique cabriolet bleu ciel : Jenny et Nicola qui viennent tout droit de Paris. Nicola est au volant: je m’interroge, est-il en âge de conduire, il a l’air si jeune et si décharné: pas plus de 40 kilos tout mouillé. Nous a pprenons qu’il a 20 ans, mais reste mystérieux sur son occupation dans la vie. Jenny, une quarantaine d’années est vêtue d’une jup e à fleurs assez courte et d’un polo blanc genre la marque au crocodile. Cheveux ch âtains mi-longs très raides, un visage de fouine, de petits yeux gris, une bouche pincée. Calme et sûre d’elle en apparence. Manifestement une personne qu’on hésite à contrarier. Nous sommes au complet, prêts pour le grand raout d es apprentis du bonheur. ***
Ramona
Mère Espagnole et père Suisse, de la mère elle a hé rité la beauté et l'intuition et de son père le sérieux suisse et l'amour de la nature. La maman Mercedes abandonne à l'âge de dix-huit ans son Espagne natale. Marre de sa famille de ses six frères et sœurs, de la per pétuelle indigence. Se décide à rejoindre l'eldorado helvétique sous la forme d'un oncle à Genève. L'oncle offre une chambre parce que c'est sa nièce alors il se sent o bligé, c'est tout. Pour le reste, fais comme moi, débrouille-toi. Sans connaissance du fra nçais, Mercedes s’active dans son domaine de compétence, le nettoyage. Elle a sauté d e sa radieuse patrie à la placide Helvétie, mais son quotidien est piteusement identi que : enlever la poussière, rendre les vitres à leur transparence, repasser chemises e t pantalons et enfin ramasser des cheveux épars. Ce havre de paix planté au milieu de l’Europe ne lui épargne pas les premières humiliations d'immigrée clandestine : la police à esquiver, les voisins qui l'ignorent, ceux qui n'hésitent pas à la traiter de sale Espingouine - Espingouine passe encore, mais sale c'est l'injure de trop. Elle se s urprend à regretter son Andalousie natale. Il semble que la pauvreté soit plus support able au soleil et s’interroge : la suissitude, est-ce vraiment fait pour elle ? Elle q ui n’aime pas le chocolat, encore moins la fondue, n’a pas la parcimonie chevillée au corps . Déçue, elle se vautre dans le mal du pays, implorant chaleur et frénésie ibériques. S euls les jours de paye mettent du baume au cœur. Puis Ulrich surgit dans sa vie, un grand gaillard b lond, doux et solide à la fois, Ulrich placide et efficace, qui procure amour et tendresse , accompagné d'un espoir : continuer à bénéficier de l’abondance helvétique. Ulrich, un ex-soixante-huitard, suisse allemand d'origine, jardinier pour la ville Genève. Il adore son travail : effriter entre ses mains calleuses le terreau, gratter la terre, la voir, la sentir sous ses doigts, attendre au fil des jours et des heures que les plantes évoluent, s'épa nouissent, se métamorphosent, que les pétales somptueux s'alanguissent, s'élargissent et révèlent le cœur de la fleur, il les effleure alors pour en cerner les replis. S'émervei ller de ce miracle quotidien, telle est la vie d'Ulrich, à cette heure, célibataire. Fatigué après une journée passée à touiller le sol, il se dirige vers une terrasse au bord du lac pour se rafraîchir d'une bière. Il avis e la belle Mercedes qui circule entre les tables munie d'un plumeau. Quelle grâce pense cet e sthète. Il fait foin de sa timidité et se risque à l'aborder. S'ensuit un coup de foudre e t des nuits palpitantes, enfin, un mariage simple et rapide avec deux témoins croisés dans un bistrot. Et c'est quelques mois plus tard qu’apparaît dans leur vie Ramona. Étrange dès le début, cet enfant ne joue pas avec s es poupées, n'apprécie guère les bambins de son âge, mais durant des heures entières bavarde avec « ses amis » qu'elle décrit avec ardeur à ses parents : - ouiiii... des anges, des petits Jésus, et même pé pé d'Espagne décédé une année avant sa naissance. Le couple admiratif, mais perplexe tergiverse quant à la conduite à adopter. Dans le doute ils encouragent ce penchant et prêtent une or eille attentive à leur fille. Ce n'est qu'une demi-surprise à vrai dire, car Mercedes est une intuitive qui entrevoit souvent l’avenir, détecte les mensonges de ses interlocuteu rs, et aime la solitude. Puis Ramona, à contrecœur, mais c’est obligatoire, intègre la grande entreprise de mise aux normes : l’école. Engloutie dans ce moule à citoyen, elle fait tache et une cascade de problèmes jaillit. Ce n'est pas tous les jours qu’une jeune élève évoque
avec désinvolture anges, personnes décédées. Ces pr opos n'inspirent que méfiance aux profs bien-pensants. Ramona est affublée d'un d éfaut, un seul, elle est DIFFÉRENTE, presque un crime, qui ne pouvait être c ommis que par des parents trop crédules ou inconscients, de plus sa mère est une é trangère, alors ! Le cortège des convocations, interrogatoires, rapport à l'autorité compétente défile devant les parents médusés. Plusieurs psychiatres, psychologues et aut res spécialistes se penchent sur les incohérences de la fillette, mais aucun ne se m ontre capable d'élucider l’énigme Ramona, par ailleurs une écolière très studieuse qu i obtient toujours d’excellentes notes. Finalement les professeurs décident de garde r un œil sur elle, mais on la laisse tranquille avec ses « lubies ». Mercedes, embarrass ée par cette progéniture si particulière, s'adresse dans le plus grand secret à un médium qui lui révèle qu’un jour Ramona travaillera pour la vérité et la lumière. Ma is c'est quoi la Vérité et la Lumière. Le médium lui répond : « vous verrez ». Retour à la case perplexité pour Mercedes qui se résigne pacifiquement à vivre à côté d'une sorte d'ange. Dès cet instant, les obstacles abattus, l’ange Ramo na se coule dans sa destinée, passe des après-midi entières à converser avec ses « amis ». Curieux, ses parents l’initient au tarot, jeu pour lequel elle se montre très douée. Devenue adolescente, la quête de ce qui se cache derrière « l’énigme » vie la harcèle. Elle distingue une vérité mystérieuse, opaque, mais fascinante qui l'éloigne à jamais du monde convenu des jeunes de son époque, plus préoccupés par les toile ttes, la danse et le maquillage que par les questions existentielles. Infirmière, secré taire ou coiffeuse, des carrières pour ses camarades, ne font pas partie de sa panoplie d'avenir. Cette année-là, l'école organise une excursion à Lu cerne, berceau de la Suisse que tout citoyen se doit de visiter au moins une fois d ans sa vie. Les élèves sont accueillis par une bourrasque glacée pour la saison en sortant de la gare. Tous se réfugient dans un café, mais Ramona préfère l'abri d'une église. C 'est là qu’elle rencontre un personnage qui changera le cours de sa vie : le prê tre François Urni. Intrigué par cette fillette qui contemple intensément la statue de la vierge Marie, il s'approche d'elle et lui parle en allemand. Elle fait signe qu'elle ne compr end pas. Le prêtre sourit et s’exprime en français : - Qu'est-ce que tu fais là ? - Je parle aux anges. - Aux anges ! tu connais des anges ? Ramona plonge ses yeux dans ceux du prêtre : - Je connais tous les anges et aussi des personnes qui sont mortes. Par la suite, pressentant une âme d’exception, il d écide d'initier Ramona à l’exorcisme et aux dépossessions. Il se rend à Genè ve et rencontre l'adolescente, une presque adulte et lui permet d'assister à un exorci sme. Ramona fascinée observe avec avidité la femme habitée qui est maintenue par des liens sur une table pendant que l’homme d’Église lit des versets de la Bible. Le pr être l’engage alors comme assistante et elle le seconde, préparant les linges blancs, al lumant les bougies tout en se tenant en retrait pendant la cérémonie. Au bout de plusieu rs années, elle se sent prête pour officier elle-même. Avec le prêtre comme témoin, elle accueille sa prem ière « patiente » une jeune fille habitée par le démon, selon l’examen préalable prat iqué par François Urni, qui accumule dans sa vie toutes sortes d’échecs : senti mental, professionnel, familial. Ramona est surprise parce que la personne qu’elle v oit semble parfaitement normale. Elle l’a fait étendre sur le divan. Allume les boug ies et lui demande de fermer les yeux. Elle se place derrière elle et prononce les paroles d’une voix ferme. La patiente s’agite
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