Psychotria
290 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Psychotria , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
290 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Psychotria est ma pléiade de poésie, publiée durant sept ans, chez LEN.
Un planet opera et cinq nouvelles de poésie-fiction, ainsi que l’anthologie de mes poèmes versifiés.

Informations

Publié par
Date de parution 27 avril 2023
Nombre de lectures 4
EAN13 9782312132822
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Psychotria
Johnny Boyer
Psychotria
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2023
ISBN : 978-2-312-13282-2
À Jessie , Josian et Juanito .
Tu me demandes vraiment
De quoi est faite mon âme
Ma belle enfant du fleuve
Aux dentelles d’aventurine
Elle est faite de vents
De pluies et de flammes
Elle vole au milieu de ces forêts
Qu’un oiseau illumine.
Prélude
Septembre 2022. Je viens de recevoir par la poste ma dernière et ultime publication de science-fiction : La Comète du Samouraï .
Sa couverture est époustouflante d’épure et de beauté. Mais les plus belles plumes peuvent parfois cacher de la mauvaise viande.
Voilà donc pourquoi mes phrases ont fini fatalement par se réduire à des ellipses.
Jusqu’à un unique mot parfois.
Et finalement par être réduites à quia.
La source de mon inspiration se retrouve désormais en plein désert.
Mon écriture s’est métamorphosée en un fleuve aréique.
Qui atteindra peut-être un jour l’océan de fervents lecteurs, assoiffés de rêves et de savoir.
Je viens de m’aménager une nouvelle garçonnière dans un hangar de Cambaie.
Sous l’aile de mon ULM : Draco.
J’ai presque cinquante ans à présent. L’âge de la tranquillité.
Le temps est venu d’effeuiller ma vie. Page après page. Plume arrachée chaque jour à l’aile du passé.
De transcrire de temps à autre un nouveau quatrain.
Comme un poète dans son nid de faucon. Qui regarde déferler les nuages du jour.
Et les étoiles de la nuit souveraine.
Draco
Madeleine Larouge vient tout juste de s’en aller, nous laissant seuls dans son modeste appartement.
Le duplex d’à peine vingt-cinq mètres carrés, malgré son large balcon et ses baies vitrées qui donnent sur une colline hérissée de végétation, nous apparaît soudainement étriqué, froid et mal ventilé.
Une grosse mouche métallisée bourdonne, de long en large, dans un rai de soleil, tel un esprit bleu en maraude.
Fidèle à son patronyme, presque tout son ameublement arbore une couleur sang qui finit par nous glacer les veines. Ou peut-être sont-ce les larmes de la pluie fine, qui entrent par les nacos, sous forme de volutes drainées par l’alizé ?
N’y tenant plus, mes deux tantes et moi décidons de sortir. Et d’improviser une petite balade revigorante en direction de l’Anse des Cascades.
C’est Claudette qui conduira. Adèle quant à elle s’installe sur le siège passager de la coccinelle, et moi de tout mon long sur la banquette arrière.
En chemin, nous nous arrêtons dans une gargote en bord de route, afin d’embarquer des barquettes de cari. Sauté de mines pour les deux tantes, et rougail morue aux gros piments, pour mon fragile estomac d’aventurier en herbe.
Une rue descend bientôt, parmi les champs de cannes, vers le bleu enragé de la mer.
Dans cinq minutes, l’anse merveilleuse déploiera devant nous ses versants verts échancrés de cascades effervescentes. L’écrin débordant de jade et d’émeraude que constitue sa végétation larmoyante.
De quoi métamorphoser un poète en un ciseleur de joaillerie !
Claudette n’est pas trop coutumière des créneaux. C’est pourquoi elle gare sa coccinelle en épi, parmi les troncs rouges des grands cocotiers sauvages.
Une envie irrépressible nous aimante vers les vagues écumantes. Vers la cale pittoresque, émaillée de canots bariolés de couleurs criardes.
– On m’a dit, Janus, que tu étais très proche de Madeleine ?
– Cela dépend de ce que l’on entend par proche, Claudette ! Mais suffisamment en tout cas, pour comprendre que la cérémonie, qu’on est en train de lui offrir, n’est pas du tout dans ses goûts !
– Tu aurais peut-être préféré, ironise Adèle, essoufflée déjà par la petite promenade de santé, toute une liturgie de bougies noires, autour d’une croix inversée ?
Saisis par la violence des embruns, nous décidons de rebrousser chemin vers le précédent kiosque, planté au beau milieu d’un groupe de faux-poivriers.
Deux ou trois molaires auront vite fait de me servir de décapsuleur, afin d’accéder au nectar de ma bière locale au mojito.
Nous libérons ensuite, sous les branches chargées de baies roses, la flaveur de notre frugal repas, ainsi que celle de nos dernières émotions.
Des martins tristes élancent leurs trilles parmi les ramilles, suivi par le croassement d’un corbeau mauricien. C’est au tour d’Adèle de poursuivre l’interrogatoire. De plus en plus inquisiteur quant à lui :
– Tu peux nous dire en toute franchise, Janus, comment s’appelle le dieu de Madeleine ?
Je m’enfile une pleine goulée de dodo, avant de répondre. Car je sais que je suis en train de trahir la sorcière :
– Le dieu de Madeleine s’appelle Lucifer !
Un grand silence solennel s’installe. C’est un ange noir qui passe, fouaillé par le fracas des vagues sur les grèves de galets roulants, le vent salé dans les aiguilles acuminées des filaos, la roucoulade des tourterelles roses.
Nous déposons enfin, à même le sol les reliefs de nos repas, à l’intention des chiens errants. Et puis nous rentrons.
***
De retour, devant la rutilante coccinelle orange, toute la famille s’est agglutinée.
À l’abri de la pluie, sous le grand balcon qui devance l’appartement de Madeleine, un buffet offre même du café et quelques trompe-la-faim.
Mon oncle vient de solliciter mes gros bras de marin, pour hisser son fauteuil roulant jusqu’à l’étage.
En compagnie de mon cousin, un autre malabar, nous obtempérons.
Mais la veillée sera de courte durée. Car arrive l’heure de la mise en bière, orchestrée par trois croque-morts habillés de funeste.
Je porte un ultime baiser au front de Madeleine Larouge . Ce dernier m’apparaît aussi froid qu’un cuir de viande boucanée, tout juste sorti du réfrigérateur.
– À quoi bon ? me lance mon oncle d’un regard dur et réprobateur.
– Pour lui souhaiter un bon voyage, Gabriel !
– Je ne crois pas que ce soit vraiment nécessaire ! Elle hérite déjà du sort qu’elle s’est elle-même jeté, en s’écartant du Tout - Puissant . Les flammes de l’enfer doivent déjà lui lécher les pieds à l’heure qu’il est.
– C’est fort possible pour ses pieds, Gabriel ! Je n’ai pas eu la décence d’aller vérifier ! Mais pas pour son front en tout cas !
Les principes et les courants d’air demeureront toujours les fleurs du paradis.
– C’est bon messieurs, dames, est-ce qu’on peut refermer le cercueil ? interrompt l’un des trois fossoyeurs.
Tandis qu’Adèle fustige le corps de sa sœur d’une dernière giclée d’eau bénite, mon bourru d’oncle opine du chef d’un signe péremptoire.
L’alpha a toujours raison, même campé dans un fauteuil roulant. Il s’est affranchi de l’homme, me disait-il. Mais songe-je en mon for : pas du sortilège de l’alcine.
Ainsi se clôture la mise en bière. Et le sarcophage est scellé ! Il ne tardera plus à rejoindre les pissenlits du cimetière de Sainte Rose et leurs succulentes racines. Sous les yeux incandescents des tisserins au plumage d’or, qui trament dans le chuintement des feuilles sèches, celles des hautes bambouseraies, leurs nids en forme de cœur.
Dans un coin pourpre du sofa, un grand félin blanc aux yeux vairons nous scrute silencieusement.
C’est Algol : le chat de la sorcière.
Sa fortune est elle aussi scellée. Sourd, les yeux jaune et bleu comme débordants de maléfice, qui d’autre qu’une magicienne aurait pu adopter cette autre âme mutilée ?
Pour lui aussi les patates douces sont cuites !
***
L’église de Sainte Rose se trouve juste en face du cimetière. Et c’est bien là l’antichambre de la mort.
Antiennes, patenôtres, ave maria, liturgies d’encensoirs et d’eau bénite, rosaires et bondieuseries en tout genre. Rien ne manque à la pièce montée, offerte avec tant de morgue aux bigotes et aux bernardines de cette société matriarcale.
Un authentique miroir aux alouettes en définitive.
Et cerise sur le gâteau : un glas qui sonne faux ! Faux comme la voix inaudible du marabout au timbre de gospel, strangulée par un micro mal branché.
Faux, comme tous ces rostres ajourés de moutons beuglants, penchés avec dévotion sur le vaste billot lustré du plancher.
– Regarde le plafond ! me lance distraitement ma jeune sœur, on dirait la coque d’un bateau !
– Je suis assez d’accord avec toi, Léa ! Mais j’hésite encore entre la Nef des Fous de Jérôme Bosh, ou alors le Radeau de la Méduse de Géricault !
Des légions d’âmes en perdition, sur une épave à la dérive, sur le servile océan de l’aliénation.
L’aigle de William Blake n’aurait jamais perdu autant de temps, qu’à écouter les sermons de ce corbeau !
Un arc-en-ciel au dehors est venu, heureusement, allumer sa flamme iridescente sur tout ce tas de fumier d’obscurantisme et d’inquisition. Et qui promène depuis deux mille ans déjà, à travers la noble Terre, sa sempiternelle mascarade fourchue.
Son indétrônable chasse aux sorcières.
Son marteau rouillé !
Il est pourtant une pluralité de mondes, clamait un philosophe italien des Lumières.
Une seule réponse de l’Assemblée, face à cet innocent et bredouillant néo-concept de pluralité : le bûcher de bois sec !
Non, une pucelle n’aura pas suffi !
La procession s’avance bientôt. La pluie tombe désormais à gros bouillons. Je vais ouvrir à mon tour mon parapluie irisé, au milieu de tout ce troupeau travesti de ténèbres, et qui verse des larmes hypocrites de caïmans noirs.
Nous nous empressons de suivre le corbillard sous le déluge, avant que la fosse creusée, presque à la verticale, ne s’effondre sous un amas de boue informe. Et sous les yeux rouges invisibles des oiseaux-béliers des bambouseraies adjacentes.
Je jette la première pelletée de terre, sur les fleurs déjà enfouies au milieu des décombres.
Sur les rudérales de son cœur.
On délègue alors le reste de l’inhumation à la mini pelle. C’est encore la machine qui l’emporte !
Que restera t-il de Madeleine Larouge et de son esprit ? Sous les coups de boutoir insensibles, et sous les larmes enlisées dans le déluge d’un ciel aveugle et sourd ?
Que restera t-il de la mémoire d’une sorcière réunionnaise et de ses vaines imprécations ?
La mort est toujours celle des au

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents