Un, deux, trois... sommeil !
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Description

Dans son bureau du commissariat central de la rue O'Quin à Pau, le commissaire Jens Holtan peine à sortir de sa longue hibernation.


Les affaires se suivent et se ressemblent, maussades et ennuyeuses comme un cortège d'après-midi pluvieuses.


Ce qu'il ne peut deviner, c'est que dans moins d'une minute, la lieutenante Inès Nieves va surgir dans son bureau.


Dans l'enveloppe qu'elle lui remettra, l'attend la photographie d'un corps inerte. Un notable du coin. Sans vie.


Un corps allongé dans une posture étrange à même le cuir fauve de son canapé de standing.


Et s'il n'était que le premier de la liste...


Sur la ville prête à sombrer dans la torpeur de l'été, un vent de panique, surprenant comme l'orage, s'apprête à tout balayer sur son passage.


Quant au commissaire Holtan, les jours qui vont suivre ne sont pas près de s'effacer de sa mémoire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 octobre 2022
Nombre de lectures 13
EAN13 9782374539874
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

P RÉSENTATION
Dans son bureau du commissariat central de la rue O’Quin à Pau, le commissaire Jens Holtan peine à sortir de sa longue hibernation.
Les affaires se suivent et se ressemblent, maussades et ennuyeuses comme un cortège d’après-midi pluvieuses.
Ce qu’il ne peut deviner, c’est que dans moins d’une minute, la lieutenante Inès Nieves va surgir dans son bureau.
Dans l’enveloppe qu’elle lui remettra, l’attend la photographie d’un corps inerte. Un notable du coin. Sans vie.
Un corps allongé dans une posture étrange à même le cuir fauve de son canapé de standing.
Et s’il n’était que le premier de la liste…
Sur la ville prête à sombrer dans la torpeur de l’été, un vent de panique, surprenant comme l’orage, s’apprête à tout balayer sur son passage.
Quant au commissaire Holtan, les jours qui vont suivre ne sont pas près de s’effacer de sa mémoire.
 
*
 
Après 33 ans dans le Nord et onze ans à Marseille, Gilles Vincent a décidé, en 2003, de poser valises et stylos dans le Béarn.
Depuis vingt ans, il consacre le plus dense de sa vie à l’écriture.
Il est aussi l’animateur d’ateliers d’écriture en milieu scolaire, en prison, à l’hôpital.
Pour son plus grand bonheur, il a plusieurs fois été récompensé.
UN, DEUX, TROIS... SOMMEIL !
Gilles VINCENT
Les Éditions du 38
I
Pau, lundi 3 juin 2013,
8 heures 30
 
Une heure, immobile, calé dans son fauteuil, à observer le bleu du ciel à travers la fenêtre coulissante.
Une heure à guetter l’arrivée improbable d’un nuage, à attendre, sans un bruit, sans un mouvement, une once de perturbation dans ce satané ciel d’été. Une vague promesse d’assombrissement.
Chaque année, même chose, même phénomène. Une humeur maussade, envahissante, en identique répétition. Le commissaire Jens Holtan avait toutes les peines du monde à s’extirper de l’hiver. Ce qu’il aurait souhaité, en fait, c’est que le temps se fige une bonne fois pour toutes sur les printemps glacés et les brouillards sans fin.
Chaque année, il redoutait le jour où, sans préavis, le bleu s’installerait à la verticale. Immuable.
Il savait que c’était parti pour trois mois, parfois même au-delà de la Toussaint. La chaleur plomberait les épaules, grillerait les nuques, dans les voitures, les habitacles seraient accueillants comme des fours et on se cramerait les doigts au plastique surchauffé des volants et des tableaux de bord…
Le commissaire Holtan quitta son fauteuil, fit quelques pas jusqu’à la baie vitrée. En bas, de l’autre côté de la rue O’Quin, le jardin de Radio France Bleu Béarn semblait bénéficier d’une fraîcheur provisoire. Au-dessus des immeubles, la silhouette des Pyrénées. Des cimes lointaines, bientôt noyées dans les brumes de chaleur annonciatrices d’orages. C’est ce que Jens Holtan appréciait de la saison : l’instant où le ciel craque et déverse sans prévenir de l’eau en trombe sur les corps desséchés par les vacances et tout ce temps perdu.
Dans la pièce d’à côté, il avait reconnu le pas d’Inès Nieves, jeune lieutenant de police qu’il avait dans les pattes depuis quelques jours.
Se serait bien passé de cette fliquette aux talons claquants comme pour un tour de piste, mais rien à faire. Les consignes, c’étaient les consignes : intégrer la jeunesse, la former, la traîner sur le terrain et lui apprendre le job en évitant les balles et les coups fourrés. Ça venait de là-haut, du ministère : fallait assurer la relève. Point barre.
On frappa à la porte.
Holtan regagna son fauteuil, laissa s’égrener les secondes, compta dans sa tête jusqu’à quinze. Il attendit qu’on frappe à nouveau, quelques coups d’index, un peu plus appuyés. Presque impatients.
— Entrez !
Inès, bermuda au ras des genoux, nu-pieds à talons, débardeur bleu marine, s’avança jusqu’au bureau, une enveloppe à la main.
— C’est pour vous, Monsieur.
— Pour moi ?
— Oui, c’est indiqué là.
Holtan saisit l’enveloppe qu’il posa devant lui, côté face, là où on avait griffonné son nom.
— Merci. Vous pouvez disposer. Je vous fais signe dans dix minutes, on ira faire un tour en ville. Apparemment, rien d’urgent ce matin. Alors, en ville ou ailleurs…
Elle disparut, fesses ondulantes, épaules déjà brunies.
Jens Holtan se dit que l’été ne faisait que commencer et qu’il allait lui falloir prendre son mal en patience. Jusqu’en août et le voyage que Lise leur avait concocté. Deux semaines en Écosse. L’eau sombre des lacs glacés, les prairies d’herbe jaunâtre livrées aux vents du Grand Nord et le soir, au fond des pubs enfumés, les vapeurs de vin chaud, le Scottish coffee et les whiskies bruns aux parfums de glaise trempée… Grand Dieu, pourvu qu’il pleuve ! Et que sous la tente, ils grelottent au fond des sacs de couchage.
 
*
 
À peine l’enveloppe ouverte, Holtan sut que le jour avait changé de couleur. Sur sa nuque, un frisson, un tremblement des chairs, ténu. Et si l’hiver n’avait pas dit son dernier mot…
Dans le pli qu’il venait de décacheter, pas de courrier, ni de mots écrits à la va-vite, pas d’écriture à déchiffrer. Juste une photo noir et blanc, format 10x15.
Sur le cliché, le docteur Jean-François Lauga, inerte sur un canapé. À voir l’homme étendu de tout son long, on pouvait le croire endormi. À l’apparente légèreté de ses paupières, on pouvait imaginer qu’il rêvait, que l’inertie de ses membres reflétait la simple décontraction de la sieste. À l’arrière-plan, nonchalante, une plante verte grimpait le long du mur et attirait le regard.
Les yeux d’Holtan se fixèrent à nouveau sur le corps immobile, sur le bras qui pendait jusqu’au sol, jusqu’à la flaque répandue sur le carrelage.
À regarder fixement tout ce sang écoulé, il se dit que le noir et blanc n’empêchait pas de discerner les couleurs. Le gris foncé s’interprétait en rouge profond, les nuances plus claires du carrelage laissaient deviner les teintes terre de Sienne du dallage de la pièce.
Holtan se souvint avoir pris l’apéritif, une fois ou deux, c’était il y a quelques années, dans le vaste salon du Docteur Lauga. Il n’avait pas oublié les poutres de la charpente qui perçaient le plafond, les plantes discrètes et les toiles aux murs. Des œuvres abstraites, griffes noires, couleurs écartelées, collages tendances que le médecin, c’est ce qu’il avait précisé d’un air gourmand, avait dénichés dans les galeries de Berlin ou de Nagasaki. Jens Holtan n’avait pas oublié non plus le fauteuil grand confort dans lequel Lauga l’avait installé. Puis, le médecin avait pris place, un verre de cristal à la main fleurant bon le scotch vingt ans d’âge, dans le canapé lui faisant face.
Holtan sortit de sa rêverie. L’affaire qui s’annonçait n’était pas ordinaire. Qu’un médecin mette fin à ses jours, pourquoi pas. Qu’il choisisse de se trancher les veines, procédé des plus hasardeux pour mourir en un temps record, passe encore. Mais qu’un individu se positionne à moins d’un mètre du cadavre, fige ce cliché de profil et le lui envoie, à lui, Jens Holtan, sans même un commentaire, là, ça commençait à sentir l’embrouille.
II
8 heures 50
 
Le lieutenant suivit comme elle put la silhouette du patron qui s’enfonçait dans les escaliers.
Holtan était sorti de son bureau comme une balle.
— Laissez tomber tout ça, Nieves. C’est pas l’heure du p’tit-déj.
Envie de lui dire qu’elle venait tout juste de se faire couler un café, que dix minutes plus tôt, il avait programmé un simple tour en ville. Alors, s’il pouvait la lâcher cinq minutes.
Elle avait abandonné son gobelet fumant, s’était encombré la bouche d’un reste de croissant, avait enfoncé ses clopes dans la poche arrière de son bermuda, et suivi Holtan en ravalant son envie de l’envoyer bouler.
Ils traversèrent le parking au pas de charge avant de grimper dans le break 407 et de faire gicler les gravillons.
Moins de dix minutes plus tard, le véhicule stoppa net devant une somptueuse villa, sur les allées de Morlaàs.
— Vous êtes souffrant, Monsieur ?
Holtan continua de marcher et répondit sans même ralentir le pas.
— Un : c’est pas parce que je m’arrête devant chez un médecin que je suis malade. Deux : va falloir arrêter de poser des questions idiotes. Trois : vous êtes ici pour apprendre votre métier. Aussi, vous ouvrez grand les yeux et surtout, vous vous taisez. Poisson mort, bouche cousue, tout ce que vous voulez, mais je veux vous entendre le moins possible.
Le commissaire s’avança jusqu’à la cloche qui pendait à l’aplomb du portail en fer forgé.
— Désolé si je vous bouscule un peu, lieutenant, mais c’est l’été, j’y peux rien.
— L’été ?
— Oui , l’été. Jamais supporté ça. Un père et des ancêtres norvégiens, qu’est-ce que vous voulez, ça laisse des traces. Alors, les premières chaleurs, ça me met un peu à cran, et il faut bien que je passe mes nerfs sur quelqu’un. Mais vous inquiétez pas, ça ne dure que quelques jours.
Inès Nieves se dit qu’elle allait prendre son mal en patience. Inutile de se mettre cet énervé à dos, surtout si l’énervé en question devait être son patron pour les mois à venir. Et puis, après tout, malgré ses vingt-quatre ans, elle en avait déjà dompté plus d’un…
En l’absence de réponse, Holtan poussa le portail qui s’ouvrit à la première sollicitation. Quelques mètres sur l’allée de graviers jusqu’aux escaliers qui mènent au cabinet. La porte qui donnait sur la salle d’attente n’offrit pas plus de résistance. Sans un mot, ils traversèrent la pièce, puis franchirent sans encombre l’ouverture suivante qui ouvrait sur la salle d’auscultation.
— On rentre comme dans un moulin, ici, murmura Inès.
Holtan se posa un index sur les lèvres.
— Chut… Écoutez…
Imitant son supérieur, le lieutenant Nieves s’immobilisa quelques secondes.
— J’entends rien, Monsieur.
— Moi non plus. D’habitude, j’aime plutôt le silence, mais là, franchement, je ne sens rien de bon.
Après avoir observé la photographie sous tous les angles, le commissaire avait fini par se dire que, peut-être, tout cela n’était que du théâtre. Une soigneuse mise en scène pour une farce idiote. Peut-être un coup monté

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