L heure entre chien et loup
90 pages
Français

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L'heure entre chien et loup , livre ebook

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Description


Ombres et lumières de la vie




Les 46 fragments qui composent ce livre sont centrés sur des expériences sensibles en relation avec les lieux, la lumière, la mer, les paysages.


Ils évoquent la petite enfance de la narratrice ainsi que des moments clefs de sa vie adulte et constituent un témoignage sur la façon dont une enfant, puis une femme, fille unique de parents âgés, se construit après une enfance surprotégée.



Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 novembre 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782381538846
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ISBN : 9782381538846
 
L’œuvre présente sur le fichier que vous venez d’acquérir est protégée par le droit d’auteur. Toute copie ou utilisation autre que personnelle constituera une contrefaçon et sera susceptible d’entraîner des poursuites civiles et pénales.
 
 
L’heure entre chien et loup
 
 
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu’ils produisent à la demande et pour le compte d’un auteur ou d’un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité.
 
Annie Pibarot
L’heure entre chien et loup

 
Le temps comme Heure crépusculaire. L’heure entre chien et loup (entre dents et crocs, où on régresse de l’animal domestique au fauve, de l’animal parleur à l’affamé rêveur).
Où l’homme régresse du Passé au Jadis.
Pascal Quignard, Abîmes
 
 
La maison de la mer
J’essaie vainement de trouver le sommeil dans la maison où j’habite désormais. Hier, en grimpant sur le mur de clôture dans le but de repérer l’agencement des propriétés voisines, j’ai fait une chute et me suis cassé un os du pied. Il y a eu ensuite une longue attente aux urgences, puis une nuit de quasi-insomnie suivie d’une journée harassante passée à surveiller et accompagner le transport des meubles et des cartons. Mais aussi quelques bons moments comme le partage du café et des croissants avec les déménageurs ou encore quand l’un d’eux, sans craindre la colère de son chef, a tout laissé tomber pour s’installer devant le piano électrique et jouer quelques airs de blues. Une sorte de miracle au milieu du stress et de la poussière, vite interrompu par des ordres, la nécessité de ne pas traîner, ne pas terminer trop tard.
Je suis épuisée et pourtant ne dors pas. Mon pied n’est plus douloureux, car rapidement traité par des antiinflammatoires. Je ne porte même pas de plâtre, juste un pansement et ai l’obligation de me déplacer avec le pied dans une chaussure dite de Barouk, en déséquilibre, ma jambe gauche prenant appui sur le talon. Le soulier en question a disparu, malencontreusement poussé sous le lit rapidement installé dans la nouvelle chambre. Les draps sont les mêmes que ceux que nous avions dans la petite maison louée pour quelques mois. Leur odeur est familière. Je me dis qu’elle devrait m’aider à m’endormir. Pourquoi le changement, même voulu, est-il aussi troublant ? On dit qu’un déménagement est le troisième traumatisme dans une vie humaine. Le premier est certainement le deuil, mais quel est le second ? J’essaie de trouver la réponse, me rappeler où je l’ai lu et surtout comprendre comment on peut bien mesurer ce genre de chose. Combien de fois ai-je déménagé dans ma vie ? Vingt fois ? Trente fois ? Je ne le sais plus. En essayant de compter mes adresses successives et de les retrouver complètes : pays, ville, rue, numéro, compagnons, contexte, je m’endors un court moment. Pour cependant m’éveiller peu après et reprendre ma liste.
Cette maison est tellement différente de celle où j’ai vécu précédemment… Les odeurs sont étranges : si l’on excepte les quelques traces de parfum issues des draps, je perçois des relents de moisissures bien que le lieu ne soit pas resté longtemps inhabité, une odeur inexplicable de plastique brûlé, celle des produits ménagers utilisés par les précédents propriétaires, la poussière liée au déplacement des meubles. Comme souvent lors d’expériences fortes ou troublantes, j’ai l’impression de revivre dans des moments d’insomnie ce qui s’est passé durant le jour et d’être d’une certaine façon trop proche des événements diurnes pour me laisser aller au sommeil. Des fragments de phrases résonnent encore à mes oreilles, des bruits de choc, des cris, des appels. Je sens encore le poids des quelques cartons que j’ai aidé à déplacer, prenant appui sur mon seul pied valide. Mon bras droit est raide, douloureux si je le plie.
Des souvenirs à peine plus anciens m’habitent, la visite en un an d’un grand nombre de maisons, la déception souvent à trouver des lieux hideux, bruyants, des maisons mal situées ou en mauvais état. Des images de l’ancienne maison refont surface, dans le dernier état où je l’ai vue : les pavés sales, les moutons de poussière, les murs aux tapisseries claires, laissant apparaître en creux la trace des meubles, la forme des tableaux. Mais aussi tous les souvenirs heureux du temps où j’y habitais, le soleil entrant à flots dans les chambres et le salon, la cheminée qui tirait si bien, devant laquelle j’aimais lire, écouter de la musique.
L’achat de la nouvelle maison… un projet hasardeux… avec un homme connu récemment, le désir d’essayer sans perdre de temps puisque l’âge… mais aussi la crainte d’une erreur, au moment même où je commençais à prendre plaisir à la solitude. L’image est encore proche, une autre maison, plus loin dans le passé, celle qui avait été construite dans les années soixante, achetée aussi à deux, nos deux mains sur la serrure, tournant une dernière fois la clef, fermant la porte sur le décor familier, le cœur serré, la peur de faire mal aux enfants, même grands. L’impression de revenir en arrière, ou plutôt de zigzaguer, d’avancer dans toutes les directions à la fois, inquiète de cette chose si simple, la vie, les changements, le risque des fausses routes, des erreurs de parcours.
Je n’arrive vraiment pas à trouver le sommeil. On est tout près de la mer. Sans doute pourrais-je l’entendre si j’ouvrais la fenêtre. Il fait froid bien qu’on soit au printemps. Peu de bruits d’origine humaine sont perceptibles, rares passages de voiture sur l’avenue à proximité, bruit d’un train au loin, mais feutré, à peine audible. L’espace sonore est dominé par les cris des oiseaux, je sais que ce sont des goélands, peu sympathiques car éventreurs de poubelles et voleurs de biscuits ou de sandwichs. Les bruits qu’ils émettent sont difficiles à qualifier, longs hurlements, plus proches de la plainte que du chant, un bruit impérieux, désagréable. Mon compagnon respire régulièrement, semble dormir. Je me lève avec précaution, pose mon pied valide sur le sol froid, clopine vers la pièce voisine, dont les volets sont ouverts, regarde par la fenêtre. Le jardin est vivement éclairé : la lune, pleine cette nuit-là, brille, plus fort que le prétentieux lampadaire de la petite rue. Son image à côté des grands arbres de la maison voisine et des petites lumières visibles à quelques fenêtres évoque un tableau de Magritte.
Je descends tant bien que mal l’escalier en essayant de ne pas faire grincer les marches de bois dont l’usage ne m’est pas encore familier, avance clopin-clopant dans la grande pièce aux trois quarts remplie – heureusement en son centre, ce qui me permet d’en faire le tour – de cartons et de meubles démontés, remarque qu’il pleut légèrement, vais examiner la chaudière, m’interroge sur son fonctionnement. La chienne, qui comme moi n’arrive pas à rester en place dans cet espace inconnu me suit, le museau tourné vers le haut.
Saisie par le froid, je regagne le lit et, enfin indifférente à l’étrangeté du lieu et des odeurs, m’endors profondément.
 
 
Nomade par défaut
J’habite maintenant depuis plusieurs semaines près de la mer. La phalange brisée de mon pied gauche a fini par se solidifier, j’ai retrouvé l’habitude de beaucoup marcher et ai plaisir à le faire à proximité de la mer. Un après-midi où les températures sont quasi estivales alors qu’on est au mois d’avril, je quitte la maison en milieu d’après-midi avec la chienne, rejoins rapidement la plage avant de me diriger vers l’ouest. Les promeneurs sont nombreux, mais il y a aussi des personnes allongées sur le sable et même des baigneurs. Les enfants s’éclaboussent, jouent et crient au soleil, semblent ivres de lumière. Les chiens courent énergiquement dans tous les sens. La mienne me suit docilement et nous marchons plus loin que d’habitude sur la grande plage de Sète. Plus nous nous éloignons de la ville, plus les p

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