La dernière ruse de Compère Araignée

Josette Abondio Desclercs

Description

Si vous donnez le choix à notre ami Araignée, il vous dira qu'il préfère tisser sa toile à l'ombre des habitations, des vérandas et des arbres, mais point dans la fournaise des cuisines où à tout moment l'on risque de se bruler une patte.

Informations

• Publié par: Les classiques ivoiriens
• Date de parution: 01 octobre 2013
• Nombre de lectures: 68
• EAN13: 9791090625242
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Josette Desclercs Abondio

LA DERNIÈRE RUSE DE COMPÈRE ARAIGNÉE

Illustrations: Yapo Yapo Martial ( Yapsy)

CIV 524

10 bp 1034 Abidjan 10 - Côte d’Ivoire • Tél : [phone] Fax : [phone] • [e-mail]

Si vous donnez le choix à notre ami Araignée, il vous dira qu’il préfère tisser sa toile à l’ombre des habitations, des vérandas et des arbres, mais point dans la fournaise des cuisines où à tout moment l’on risque de se brûler une patte.

Ne vous en étonnez pas.

Oh, bien sûr, souvent il se languit de la douce chaleur au coin du feu et des conversations animées de personnes repues aux joues rebondies et aux ventres bien bombés !

Seulement voilà, il se souvient encore de ce qui est arrivé à son ancêtre, il y a très, très longtemps ; au temps où les hommes et les animaux vivaient en bonne intelligence dans la brousse mais aussi dans les villages, surtout quand ils parlaient et se comprenaient tous également.

Mais ce temps-là est révolu !

Les animaux préfèrent se taire car ils ont appris à se méfier des hommes et de leur cruauté. Ils préfèrent parler aux cœurs des êtres humains ; c’est là que se cache le meilleur en eux.

Chut ! Ne nous égarons pas ! Revenons à notre compère Araignée.

2

Etait-ce vraiment à son ancêtre que cela était arrivé ?A le voir toujours égal à lui-même, on se demanderait si Araignée n’était pas immortel. Bref, Ancêtre ou pas, Araignée n’était pas du genre à fuir ses responsabilités.

Revenons donc à l’époque où se passait cette histoire.

3

4

I.

Un jour que la famine faisait rage sur la terre… Un jour terrible qui marquait le début d’une longue série de jours de plus en plus difficiles ! Depuis belle lurette, chacun s’était mis, le dernier grain sous la dent ; les sauces avaient perdu leur fumet délicieux car il n’y avait plus rien à cuire dans les casseroles. Surtout ne vous trompez pas ! Les hommes et les animaux vivaient ensemble, certes, mais Dieu les avait créés de telle manière qu’il y avait des carnivores, des omnivores, des herbivores, des… Que sais-je encore ? C’était à chacun de faire en sorte de vivre en bonne intelligence avec ses voisins. Cependant, Dieu lui- même n’interdisait pas aux uns et aux autres de se régaler de son mets favori.

Un jour, comme un autre, dis-je, mais un jour long comme un jour sans pain, Araignée prit la résolution de manger à sa faim car il avait subitement eu une idée. Une idée qui l’avait laissé pantois tant elle était audacieuse et surtout périlleuse. Pour la première fois, Araignée fut impressionné par son propre génie. Ce jour-là, il décida de ne plus subir la famine.

-ç a ne peut plus durer, fit-il en tendant le poing, se parlant à lui-même, il faut que cela cesse, foi d’Araignée ! A partir d’aujourd’hui, je mangerai à satiété ! Et il ricana, sans doute à cause du mauvais tour qu’il mijotait.

5

Une entreprise difficile par ces temps de disette, me direz-vous. Mais, à cette époque, tout était possible ; Dieu exauçait les prières car sa demeure céleste était encore très proche de la terre, à portée de pilon, si vous voyez ce que je veux dire... Et il entendait la moindre des prières des habitants de la terre. Alors, il les exauçait tout simplement.

Les gens n’avaient pas encore donné le coup de pilon fatidique dans le ciel qui avait précipité sa montée, loin, très haut, hors de la portée des turbulentes créatures de Dieu, mais ce n’est pas là notre propos, n’est-ce pas ? Même si la conséquence immédiate de ce malheureux coup de pilon fut d’éloigner Dieu et de le rendre parfois inaccessible aux terriens.

Ne nous égarons pas ! Nous parlions d’Araignée. Et il se trouve qu’il faisait partie des privilégiés de la planète. Il avait reçu tous les dons de Divine Providence. Pourquoi ? Nul ne pouvait répondre à une telle question. Les voies de Dieu ont toujours été impénétrables, n’est-ce pas ?

Araignée était particulièrement fier d’avoir reçu la vélocité en cadeau, un merveilleux cadeau divin. Il se déplaçait plus vite que le vent, encore plus vite que la pensée. Même l’œil le plus exercé ne pouvait le suivre tant il courait vite. Il donnait l’impression à tous, d’être partout en même temps.

6

Et comme il mettait tout à profit, il se disait qu’un jour, cette qualité lui servirait.

Il ne croyait pas si bien dire… Mais n’anticipons pas sur notre histoire.

...........

En ce temps-là, compère Araignée était un beau mâle, plein de charme et de prestance. La tête et le corps bien proportionnés, il se promenait fièrement, le torse bombé, le bassin bien dodu en faisant admirer sa belle taille, et ses yeux brillants d’intelligence. Bref, il était l’animal le plus malin et le plus beau de toute la planète. Chacun se plaisait en sa compagnie même si de temps en temps, on devait souffrir des mauvais tours qu’il jouait aux uns et aux autres.

Que voulez-vous, il était si vaniteux et si désireux de démontrer la supériorité de son intelligence !

Enfin, pour lui, il faisait bon vivre sur la terre et il ne s’en privait pas. Ses ruses provoquaient ses éclats de rire qui égayaient la communauté des hommes et des bêtes ; même ses victimes ne lui en tenaient pas rigueur. A quoi bon !

Il avait beaucoup de défenseurs. Il était si beau parleur ! Son charme faisait le reste, sans compter

7