Pour Clara. Nouvelles d ados. Prix Clara 2022
79 pages
Français

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Pour Clara. Nouvelles d'ados. Prix Clara 2022 , livre ebook

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Description

« L’écriture fait partie de moi. C’est le petit coin personnel où on peut créer, être libre, s’échapper dans un lieu où l’on choisit tout, voyager dans un univers que l’on découvre en même temps qu’on le crée. Ça ouvre un monde de possibles. »

Six jeunes auteurs nous proposent dans ce recueil de nouvelles talentueuses et singulières de voyager dans leurs univers de fiction. Leurs voix contemporaines nous embarquent dans des textes empreints d’une grande lucidité sur le monde qui nous entoure, secoué par les guerres, les tragédies humaines, les catastrophes climatiques, et sur l’interrogation en son avenir que porte chaque adolescent aujourd’hui. Mais dans ces nouvelles, on peut aussi y lire la résilience, l’espérance et l’espoir que demain nous offrira un monde meilleur…

Ce prix a été créé en mémoire de Clara, décédée subitement à l’âge de 13 ans des suites d’une malformation cardiaque. Destiné aux adolescents qui, comme elle, aiment lire et écrire, il est décerné par un jury présidé par Erik Orsenna et composé de personnalités du monde des lettres et de l’édition.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 novembre 2022
Nombre de lectures 18
EAN13 9782215182085
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0374€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Julie Rosiaux
Je m'appelle Julie et j'ai quinze ans. J'aime penser qu'écrire me représente : l'écriture a toujours été présente dans ma vie ; d'une certaine façon, on met un peu de soi-même quand on écrit, avec ses émotions, ses opinions et ses rêves. C'est un long chemin que j'ai parcouru depuis que j'ai commencé, un chemin bordé d'histoires inachevées, de personnages créés pour rien, mais aussi de petites réussites, de courts textes écrits dans le bus, en classe, à deux heures du matin lors d'une insomnie... L'écriture, une vraie aventure ! Depuis que j'ai découvert le monde des mots, je m'y suis sans cesse réfugiée. J'ai toujours aimé lire et la lecture a toujours fait partie de moi. Petite, on m'a beaucoup lu d'histoires, et dès que j'ai réussi à faire la différence entre lettres et mots, j'ai lu seule. Puis le monde des livres n'a rapidement plus suffi. Des petites histoires se créaient dans ma tête. Alors j'ai écrit ma première histoire. Une page double, une princesse, une sorcière et des oiseaux. C'est là que tout a commencé. Et je n'ai jamais arrêté de créer, d'écrire. Je le savais, plus tard, je voulais être écrivain. Le prix Clara s'est présenté plusieurs fois à moi en quelques mois. D'abord, ma meilleure amie qui m'a toujours soutenue m'en a parlé, mais je ne pensais pas pouvoir y participer. Puis quelques mois plus tard, je suis allée pour la première fois au Salon du livre de Paris et j'ai trouvé le recueil 2021 du prix Clara. Immédiatement acheté, immédiatement lu, immédiatement charmée. J'étais décidée, j'allais y participer. J'avais commencé la veille à écrire un petit texte, quelques lignes griffonnées avant de dormir. C'est après que j'ai repris ces petites lignes et créé cette nouvelle. Le prix Clara m'a permis de réaliser mon rêve. L'écriture fait partie de moi. C'est le petit coin personnel où on peut créer, être libre, s'échapper dans un lieu où l'on choisit tout, voyager dans un univers que l'on découvre en même temps qu'on le crée. Ça ouvre un monde de possibles.
C harlie aimait observer les gens par la fenêtre. Cela peut sembler bizarre, mais elle aimait découvrir ce petit bout d’humanité cachée. Ce n’était pas spécialement les gens qui l’intéressaient en réalité, mais plutôt les voir être eux-mêmes. Elle connaissait maintenant les fenêtres qui constellaient l’immeuble en face de chez elle. Elle trouvait ça beau, des mondes à part entière, si uniques et naturels pour chacune des personnes qui y vivaient. Des mondes si différents qui se côtoyaient d’une fenêtre, d’un étage à l’autre. Des mondes séparés par de simples murs.
Ce qu’elle préférait, c’était regarder par la fenêtre la nuit. Là, elle avait l’impression que les fenêtres illuminées étaient ses constellations à elle, des étoiles lointaines qui éclairaient des univers incomparables. Tous les soirs, elle observait ces univers.
De temps en temps, la lune se dévoilait entièrement et Charlie acceptait de lui accorder son attention pour la nuit. C’était alors un dialogue de regards silencieux qu’elles s’échangeaient jusqu’à ce que l’astre pâlisse à la lueur du soleil resplendissant. À ce moment-là, Charlie fermait les volets.
Mais lorsque la lune, à l’image de tout le monde, ne montrait qu’une partie d’elle-même, Charlie regardait la façade d’en face, appuyée contre le petit rebord de sa fenêtre. C’était mieux ainsi.
La plupart du temps, elle observait les fenêtres dans leur globalité, ne s’attardait sur aucune en particulier, ses yeux volant de l’une à l’autre en accordant à chacune la même importance. Une par-ci, une par-là. Il arrivait que ses yeux glissent vers le ciel, vers les étoiles qui prétendaient exister encore alors que la plupart avaient disparu depuis longtemps, et elle faisait son petit clin d’œil à la lune, comme pour lui dire « On se voit bientôt ».
Mais certains soirs, elle se concentrait sur une fenêtre en particulier et scrutait en détail l’intérieur, la décoration, l’ameublement et les gens, quand ils entraient dans son champ de vision. Elle les connaissait tous, à force, mais il y avait toujours ces petites choses qui changeaient.
Les fleurs du vase qui avaient fané et qu’il fallait changer, la commode qui était surchargée, il fallait jeter les bibelots et ne garder que les photos de famille, et puis la statue en plâtre de l’enfant du quatrième étage qui était tombée et qu’il avait fallu réparer en catastrophe parce que, même si elle était moche, c’est le petit qui l’avait faite, alors c’était la plus belle du monde.
Il y avait aussi les grands changements, les déménagements et les « On change la déco, je n’en peux plus du gris, on repeint les murs en bleu ». Charlie aimait voir ce genre de détails, mais elle appréciait tout autant laisser ses yeux glisser avec paresse sur la façade et voir les couleurs varier, remarquer les différents tons de luminosité des ampoules, tantôt un blanc froid, d’ailleurs il faudrait la changer, cette ampoule, on se croirait dans le métro, tantôt une couleur plus chaude et reposante. Et puis il y avait les gens. Les gens qui chez eux se comportaient sans fard, qui avaient déposé les couches de mensonges et de faux airs, qui font pour chacun office de maquillage au quotidien, dès qu’il s’agit d’interagir.
Malgré tout, Charlie ne se mentait pas. Les masques étaient lourds. Elle avait vu des gens pleurer. Pas pleurer devant un film lorsque le chien du héros meurt. Non, elle avait vu des vrais pleurs, ceux qui déchirent le cœur. Ceux qui disent « Pourquoi ? ». Ceux qui laissent des traces même après que les larmes ont séché. Elle avait été témoin de disputes aussi, elle avait même eu peur quelques fois. Les cris, les portes qui claquent, elle connaissait.
Mais malgré un sentiment de culpabilité qui la tenaillait parfois, elle ne pouvait s’empêcher d’observer ces gens à leur insu, car apercevoir ces personnes et leurs appartements lui donnait un sentiment d’humanité si profond qu’elle se sentait exister. Et elle savait qu’elle n’était pas seule car elle voyait tous ces gens exister eux aussi. Exister sans mentir.
Alors elle levait les yeux, comme un rêveur regarde le ciel pour surprendre l’infini des possibles. Charlie s’arrêtait pour sa part au dernier étage de l’immeuble d’en face.
Les étages les plus hauts étaient les moins prometteurs, elle n’apercevait qu’une portion du plafond, parfois le haut d’un meuble. Elle ne s’attardait jamais sur ceux-là. Enfin, il y avait quand même cette femme qu’elle apercevait de temps en temps ouvrir sa fenêtre une tasse à la main, du café peut-être, ou du thé. Elle avait toujours l’air fatigué, pourtant elle était si belle et si jeune. Cette fatigue était bien trop prématurée. Chaque fois elle s’accoudait sur le rebord de la fenêtre et fixait l’horizon. D’où elle était, Charlie ne voyait pas ce qu’elle regardait. Peut-être ne regardait-elle rien du tout. Fixer l’horizon permet de s’échapper. On se dit qu’on regarde le bout du monde. Au dernier étage, il y avait aussi ce balcon qu’elle aimait bien, avec plusieurs pots dans lesquels des arbustes exotiques s’élevaient, pleins d’espoir vers le ciel, sans réaliser qu’ils étaient si loin de là où ils auraient dû être. Et elle tournait tous les jours à 17 heures son regard vers le balcon pour voir un vieil homme venir s’occuper de ses plantes, une petite fille sautillant autour de lui. Même si ces arbres ne connaissaient pas le sort qui aurait dû leur être réservé, elle aimait assister à ce moment de complicité entre le vieil homme et la fillette.
Les appartements en face de sa fenêtre étaient parfaits. Elle avait une très bonne vue sur tout ce qu’il pouvait s’y passer. Il y avait cet appartement où les rideaux étaient toujours fermés, le matin, la journée, le soir, la nuit. Mais ces rideaux étaient des rideaux blancs, ni tout à fait opaques ni tout à fait transparents, juste assez pour piquer la curiosité de Charlie. Avec le temps elle avait réussi à deviner que c’était le salon et qu’il y avait un grand tableau qui recouvrait presque tout le mur de gauche. Tous les soirs, les habitants allumaient la télévision. Des couleurs, des formes floues et des ombres prenaient alors vie sur le tissu mystérieux. Charlie ne cherchait jamais à savoir quel programme était diffusé. Elle regardait juste le ballet brumeux sur le rideau.
Et puis il y avait son appartement préféré, un peu en contrebas, aux murs orange et la plupart du temps en bazar. Elle voyait le couple qui y vivait aller et venir sans arrêt et elle avait cru distinguer une chaise pour bébé dans la cuisine. Elle espérait bientôt voir le bébé pour confirmer sa théorie de l’enfant en bas âge.
Charlie savait que certaines personnes n’aiment pas le désordre. Elle, au contraire, adorait ça. C’est dans le désordre qu’on voit le plus ce qu’une personne est réellement. À ses yeux, ranger était synonyme de cacher. Ne surtout pas montrer aux autres qui on est. Faire en sorte que tout soit propre pour parfaire sa mise en scène et plaire aux autres. Elle savait que c’était une vision dure et qu’elle était proche de juger les autres. Mais elle ne voyait pas le monde autrement.
C’était pour ce désordre que cet appartement était son favori. D’accord, la table était ensevelie sous une montagne d’objets divers. Bon, le sol aussi. Et puis tous les meubles en fait. Mais à travers tout ça elle pouvait saisir les passions : des livres un peu partout, un peu dans tous les sens, un peu de toutes les tailles. Un énorme poster Star Wars que la femme avait déplié plusieurs fois sans jamais trouver de place pour l’accrocher. Le tiroir de la cuisine qui ne fermait plus car il y avait trop d’ustensiles de cuisine. Pour Charlie, c’était ça, la vie. Tous ces petits détails. Pas cachés. Cela lui faisait mal au cœur de voir le couple ranger sa vie dès que des amis venaient pour la soirée. Elle détestait voir tous ces gens cacher leur véritable identité. Enfin elle ne détestait pas. Ça l’attristait.
Alors elle avait préféré rester loin de tous ces gens pour les regarder, son r

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