5-15-19-43-47
99 pages
Français

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5-15-19-43-47 , livre ebook

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Description


Faut-il toujours saisir sa chance, peu importe à quel prix ?




Quand le destin dynamite des décennies d’habitude, c’est une nouvelle vie qu’il faut construire. Pascal Mandragout, expert-comptable depuis toujours, résigné mais heureux, découvre alors que la richesse n’est pas un gage de réussite, qu’il lui faut apprendre les codes et les contraintes d’un nouveau statut, au risque de se fourvoyer et de constater que l’enfer n’est jamais très loin du paradis que l’on pensait trouver.



Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 juin 2021
Nombre de lectures 1
EAN13 9782381536385
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

5-15-19-43-47

 
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu'ils produisent à la demande et pour le compte d'un auteur ou d'un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité

Laurent Corric
5-15-19-43-47


 
À Thomas
Un
C’est un matin comme je les déteste. Un vendredi froid, gris et humide de début décembre à Paris, à l’heure où la lumière du soleil ne parvient pas à s’imposer face à un ciel si chargé et si bas qu’on peut presque le toucher en se hissant sur la pointe des pieds.
Comme chaque jour de la semaine depuis près de vingt-cinq ans, je remonte l’avenue Pierre Grenier pour aller prendre le métro place de la Porte de Saint-Cloud. Ce trajet m’est tellement familier que je suis certain, à quelques secondes près, de savoir combien de temps il me faut pour atteindre le quai. Je connais chaque mètre de ce parcours que je pourrais faire les yeux fermés, comme un film vu en boucle dont on sait toutes les scènes, toutes les répliques.
Pour briser cette routine sans intérêt et suivant mon humeur, je traverse l’avenue pour passer de l’autre côté, sur le trottoir de droite, celui du bistrot où j’achète parfois le journal et où je m’amuse à constater que certains commencent la journée, accoudés au bar, avec un ou plusieurs verres de vin. Quelle vie faut-il avoir pour attaquer au pinard à huit heures du matin ?
Tant que je ne suis pas arrivé au bureau, je m’interdis de penser au boulot, aux dossiers qui m’attendent, aux problèmes qu’il faut impérativement régler, aux clients à qui je dois parfois annoncer de mauvaises nouvelles, aux montagnes de chiffres que je vais ingurgiter, comprendre, analyser et traduire en mots simples.
Je suis entré au cabinet d’expert-comptable Malgoire&Fils à l’âge de 21 ans, fièrement auréolé d’un BTS comptabilité et bien décidé à révolutionner le milieu. J’avais mille idées pour améliorer ce métier. Mais, malgré mes certitudes et ma détermination, je suis resté plusieurs années à compiler des factures, trier des chiffres, remplir des tableaux qui étaient ensuite traités par des comptables plus chevronnés. Peu à peu, ma motivation s’est muée en résignation et même si, au fil des ans, j’ai gravi les échelons pour occuper désormais la fonction de contrôleur général, je ne suis finalement qu’un pion sans importance qui contribue seulement à enrichir son patron.
Et pourtant, Henri Malgoire semble m’apprécier, probablement sensible à ma fidélité même si je n’ai jamais eu la moindre opportunité, ni même un début de velléité de changer d’employeur. Je suis installé dans un confort sommaire qui me suffit. Pas plus heureux qu’un autre, mais pas moins non plus.
Je pense souvent au dicton qui affirme que le premier pas pour obtenir ce que l’on veut, c’est d’avoir le courage de quitter ce que l’on ne veut plus. Moi, je n’ai jamais eu cette force, préférant me contenter d’une vie sans éclat où mes idéaux se sont estompés en quelques années, soigneusement rongés par la réalité d’une société sans pitié.
Il m’arrive pourtant de me souvenir du jeune homme que j’étais, un chef de file entouré et sollicité, un meneur gavé d’ambitions et de rêves, capable en quelques mots d’obtenir l’adhésion des plus réticents, prêt à déplacer les foules et les montagnes, enchaînant les expériences, les voyages avec un simple sac à dos et des trésors d’imagination pour survivre et financer mes expéditions. Je ne m’interdisais rien. Quelles que fussent mes envies, je ne me demandais pas si c’était possible, mais comment j’allais faire pour y parvenir. J’étais invulnérable.
Et puis, insidieusement, la machine à broyer s’est mise en marche. Comme la plupart de mes amis, je me suis marié, j’ai eu deux enfants et les semaines se sont succédé sans que je les voie passer.
Je me lève le matin pour justifier ma paie, et j’ai peu à peu perdu l’envie de sortir le soir, de partir en week-end, d’improviser des virées comme je l’avais fait si souvent auparavant. Et même si je le voulais, nous n’en aurions pas les moyens. Ma femme est professeur d’histoire dans un sinistre collège de banlieue et nos deux salaires cumulés nous permettent à peine de vivre convenablement dans un modeste appartement défraîchi.
Au pays de l’assistanat, nous n’avons pourtant droit à aucune aide, trop aisés pour pouvoir y prétendre, mais trop pauvres pour envisager autre chose que travailler-manger-dormir. Comme quelques millions de Français, je ne suis rien d’autre qu’un rouage anodin noyé dans la masse, le ventre mou de la société, simplement destiné à alimenter le système et à en assurer la pérennité par ma descendance. Je n’ai aucun plan de carrière, aucune alternative crédible, aucune possibilité de modifier ce médiocre quotidien.
Bien sûr, j’ai de l’admiration pour ceux qui décident de tout plaquer pour changer de vie, ceux qui défient le destin en se jetant dans l’inconnu pour espérer des jours meilleurs, mais je ne m’en sens ni la force ni le courage, c’est trop périlleux.
La routine a minutieusement et définitivement sapé mon énergie et, comme dans mon travail, je suis devenu spectateur de ma vie, vidé d’ambition et de conviction.
Je n’ai qu’une seule fierté, une unique réussite : ma famille. Marie, l’amour de ma vie, à mes côtés depuis plus de vingt ans, Bastien, mon grand et brillant garçon qui vient de commencer des études de droit après avoir obtenu son bac avec mention et Julie, ma merveilleuse petite fille de quinze ans, élève studieuse, éternellement gaie et curieuse de tout. Jamais ils ne se sont plaints de la modestie de leur condition, conscients que, aujourd’hui, on doit déjà se réjouir d’avoir un toit et de la nourriture tous les jours dans son assiette.
D’ailleurs, malgré la morosité de mon quotidien, j’attends avec excitation chaque dîner, c’est le rayon de soleil de mes ternes journées. Ce moment où nous nous retrouvons autour de la table familiale, pour manger bien sûr, mais surtout pour échanger, pour écouter les anecdotes des enfants et avoir ainsi l’impression de garder un pied dans la jeunesse, dans leurs histoires bien plus passionnantes que les nôtres. Malgré leur légitime désir d’émancipation, ils restent très proches de nous et j’ai la sensation que notre relation est indéfectible, basée sur une confiance réciproque que rien ne peut altérer.
Rien d’autre que ma famille n’a d’intérêt dans ma vie, à part, dans une moindre mesure et dans un autre registre, mes entraînements de foot le samedi matin, plus pour la convivialité du moment que pour la pratique de ce sport populaire. Sur le terrain, il n’y a plus de chefs d’entreprise ou d’ouvriers, plus de catégorie sociale, seulement des hommes plus ou moins doués, qui forment une équipe, si possible solidaire, pour essayer de marquer des buts. C’est ma parenthèse sportive hebdomadaire dans laquelle je m’implique sans réserve, puisant dans mes ressources physiques pour me dépenser et me défouler sans compter, comme pour évacuer sur le terrain mes turpitudes de la semaine. J’en reviens toujours épuisé… c’est probablement le seul combat que je continue de livrer.
Deux
Comme tous les matins à cette heure, le quai est bondé et chacun joue discrètement des coudes pour se frayer un chemin à l’arrivée du métro, oubliant toute forme de courtoisie pour s’assurer d’être à l’intérieur. La tête basse, je me laisse porter par le flot et, pour la petite dizaine de stations que j’ai à supporter, j’ai pris l’habitude de me réfugier entre deux wagons, à l’endroit où l’on est le moins dérangé par les gens qui entrent ou qui sortent.
Je suis toujours consterné par l’ambiance pesante du métro qui présente le triste privilège d’afficher une densité digne d’un concert de Beyoncé, en nettement moins festif puisque personne ne s’adresse la parole. Les voyageurs éphémères semblent s&#

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