À coté de la plaque
108 pages
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À coté de la plaque , livre ebook

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Description

Si la vie n’est pas un long fleuve tranquille c’est parce que, dans toutes les situations, il y a toujours un trublion qui n’a rien compris ou qui n’a pas envie de comprendre. C’est l’égocentrique qui suit obstinément sa route quoiqu’il arrive. C’est le naïf respectueux des codes qui en découvre soudain la vanité et l’hypocrisie. C’est celui ou celle qui rêve d’autre chose ou d’autres êtres humains. C’est celui ou celle qui ne maîtrise plus rien et qui fait n’importe quoi. C’est le petit peuple des inclassables, ceux qui ne sont pas d’accord, ceux qui ne correspondent à rien de connu, ceux qui font comme ils peuvent, ceux qui sont toujours « à côté de la plaque ».

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 décembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334016803
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright
Cet ouvrage a été composér Edilivre 175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50 Mail : client@edilivre.com www.edilivre.com
Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
ISBN numérique : 978-2-334-01678-0
© Edilivre, 2015
Deux hommes sur un banc
Prosper vient de prendre place sur le banc en bois du parc. Toujours le même, celui dont la peinture verte n’est pas écaillée. Le plus propre. En fin d’après-midi, il aime s’installer là. Tony est en retard. Prosper observe une colonne de fourmis s’infiltrer dans le sol jonché de feuilles jaunies. Il passe sa main sous son menton : il a en core oublié de se raser aujourd’hui. Par moments, il aplatit ses cheveux ébouriffés de s es doigts noueux. Ses yeux bleu clair et ahuris scrutent l’allée par laquelle Tony arrivera. Le début d’octobre est humide, mais aujourd’hui le temps paraît hésiter. La pluie de la veille a lessivé le ciel. On dirait qu’il a retr ouvé sa limpidité de l’été, à la différence près que la fraîcheur saisit le promeneur et que de s nappes de brouillard se faufilent entre les futaies. Il faudrait que Tony se hâte, sinon la nuit va tomber. Prosper rajuste sa parka. Il a pris soin de glisser son écharpe de laine bleue dans son cou décharné. C’est le cache-nez des temps heur eux. Il ne sent jamais le froid lorsqu’il s’entoure de ce cadeau de Marika. Elle lu i avait acheté à Copenhague ou à Montréal. Il ne se souvient plus. La démarche claudicante de Tony se présente enfin a u bout du chemin. Avec sa canne dont il joue avec aisance, sa silhouette flue tte dessinée par son long manteau noir, et son feutre déposé sur le sommet de son crâ ne, Tony affecte une grande élégance. On dirait le propriétaire de ces lieux. L orsqu’il approche de Prosper, son visage impassible s’anime. Ses yeux gris s’éclairen t derrière ses lunettes d’argent. Prosper aime bien l’air distingué de Tony. Avec lui , il a l’impression d’être entre hommes du monde. Son ami prend place à ses côtés en gardant sa canne entre ses mains. C’est une canne recourbée, en bois d’amourette. Prosper adore ce mot d’amourette. Tony ne s’en sépare jamais, de cet objet fétiche. Prosper p ense qu’il n’en a pas besoin pour marcher. Prosper et Tony se sont découvert un point commun. Ils ont un don d’ubiquité. Au même instant, ils peuvent être ici et là. Une telle faculté est très rare. Ça rapproche les hommes qui en bénéficient. Les médecins se perdent en conjectures sur l’origine et la nature de cette particularité. Prosper raconte à son ami qu’aujourd’hui, il se tro uve chez sa belle-sœur et son frère. Ils viennent de terminer une pétanque. En ra justant son foulard pour lutter contre l’humidité qui l’assaille, il dit qu’il fait beau, que ce soir ils dîneront sous la tonnelle. Pierre, installe déjà son barbecue. On boira du ros é frais. On rira. Tony demande s’ils sont mariés depuis longtemps. Prosper répond par l’affirmative. Josy et Pierre forment un couple très uni. Certes, ce n’est probablement plus le grand amour. La raison et la sagesse ont pris le pas sur la passion, et c’est mieux ainsi. Tony appuie ses deux mains sur le pommeau argenté d e sa canne. Il marmonne. Il faut qu’il fasse attention, car il est actuellement à Java, dans une jonque, seul avec une jeune indigène. L’embarcation glisse sur l’eau grise tandis que l’adolescente le dévore des yeux. Tony n’est pas un de ces touristes occidentaux qui voyagent dans des pays lointains pour assouvir leurs fantasmes au près de jeunes filles pauvres. Il ne doit pas abuser de cette situation. Comme chaque jour, Prosper et Tony plongent dans le urs délires communs. Prosper et Tony se sont rencontrés à Sarajevo penda nt la guerre. Enfin… c’est ce que leur pouvoir de dédoublement leur permet d’affi rmer. Peu de gens comprennent le récit de leurs aventures. En fait, l’un était à Paris dans son bureau, et l’a utre à Carpentras chez sa mère. Mais ils étaient aussi à Sarajevo. Ils se sont réfu giés au même moment dans le même trou d’obus. Ni Prosper ni Tony ne se souviennent d u camp auquel ils appartenaient.
Ils en ont profité pour sympathiser. Plus tard, ils se sont croisés à plusieurs reprises dans les endroits les plus inattendus. Ils se sont revus à Buckingham Palace. Prosper fais ait son jogging au bois de Boulogne, tandis que Tony donnait son cours d’œnolo gie à l’université des vins du Roussillon. Mais leurs présences furent remarquées par la presse people, au même moment, auprès de la reine d’Angleterre lors d’une cérémonie protocolaire. Voici que sur ce banc anonyme, les deux hommes sont saisis de nouveau par leur étrange pouvoir. Leurs chemins se séparent. Prosper fait partie de l’armée colombienne. Il est, à l’heure où il parle, en pleine jungle à la poursuite de trafiquants de drogue extr êmement dangereux. C’est dur, mais la santé des jeunes de la planète dépend de sa comb ativité et de celle de ses camarades. Tony, lui, tout en posant délicatement son feutre s ur le banc de bois, se voit dans le métro de Moscou. Il est un espion international pay é par le gouvernement russe pour mater les agissements de la mafia dans les bas-fond s de la capitale. Tony se tourne vers Prosper. Il dit qu’il a du mal avec les gros bonnets, il faudrait que Prosper vienne l’aider. Armé de sa Kalachnikov, ce serait bien. Être à plusieurs endroits à la fois, c’est amusant, mais ce n’est pas de tout repos, grogne Prosper. D’autant plus que les deux hommes p euvent se trouver au même instant à deux époques différentes. Tony est justement pris d’un soubresaut. Tout en ré glant le sort des mafieux russes, il est en train d’arrêter les Sarrasins à P oitiers, en 732, sous les ordres de Charles Martel. L’assaillant est organisé, la batai lle est rude. Prosper remarque qu’on avait une drôle de façon de traiter les problèmes d ’immigration à ce moment-là. Ce n’était pas très humain. Tony s’aperçoit soudain que son ami sourit béatemen t, comme s’il avait une vision. Prosper se sent transporté dans un monde meilleur o ù tous les hommes sont égaux en droit. Tony s’interroge : – Ce n’est pas possible ! On peut avoir une place ? Il faut réserver ? Deux silhouettes blanches surgissent au bout du che min forestier alors que le crépuscule brumeux enveloppe la nature. Robert s’approche des deux hommes assis. Il domine son entourage de ses deux mètres. C’est une ancienne gloire des tatamis, Robe rt. Le contrarier, c’est courir un danger. Gus le suit comme son ombre. Il est petit, mais sec et nerveux. Avec Robert, il se sent en sécurité. Il peut donner libre cours à s on exubérance habituelle. – Messieurs, il faut rentrer, ça va être l’heure du dîner ! Le quatuor se met en marche à travers les bois aux couleurs pourpres et majestueuses. Au détour d’un chemin, la demeure de Saint-Gratien apparaît. C’est une bâtisse basse, de plain-pied, construite par un gén éral de la garde impériale. On imagine sans peine les longues soirées solitaire s et romantiques de la langoureuse châtelaine dans l’attente de son hussar d préféré, occupé à en découdre sur tous les champs de bataille d’Europe pour la gl oire de l’Empereur. Et puis, un jour, le héros apparaît au bout de l’allée principale, sa nglé de son habit d’apparat, chevauchant son meilleur destrier. La belle éplorée accourt alors, toutes voiles dehors pour s’effondrer dans ses bras. Tout ça, c’était bien avant qu’un riche mécène ne r achète la propriété pour en faire une maison de « repos » pour hommes d’affaires « fa tigués » par les tensions quotidiennes de la crise internationale des années 2000-2010 qui fit des ravages sur la santé des habitants de la Terre. Comme chacun sait.
Marc Berton, vendeur
Pdans le gros électroménagerendant quelques mois, j’ai été vendeur, spécialisé chez Darcy. Au début, affublé d’une splendide chemi se jaune fluo, je paradais fièrement au milieu des rangées de frigos, prêt à f ondre sur mes premiers clients, dans l’atmosphère douce et feutrée d’un grand magasin de banlieue. Plein d’enthousiasme, j’avais suivi deux semaines d e formation aux techniques de vente. Les stagiaires étaient censés retenir une id ée générale : l’acheteur ne connaît rien au principe du réfrigérateur et encore moins à celui de la cuisinière ou de la machine à laver. La conséquence directe, c’était qu e l’employé n’avait pas besoin d’en savoir beaucoup plus. Par contre, il devait se donn er l’apparence de la compétence. Un homme moustachu et bedonnant, d’environ quarante -cinq ans, fut ma première cible. Probablement célibataire. Dans le cas contra ire, madame accompagne toujours Monsieur pour surveiller l’investissement du couple . À sa tenue et à son pantalon tire-bouchonné, j’estimais le pouvoir d’achat de mon int erlocuteur assez faible. Il avait sans doute usé son réfrigérateur jusqu’à la corde avant d’envisager son renouvellement. Après avoir tourné misérablement dans les rayons, i l m’aborda timidement : – Ce serait pour un renseignement… – Bien sûr, Monsieur, nous sommes là pour ça ! – Voilà, je dois changer mon frigo… Après ce court dialogue d’une banalité désolante, l ’homme m’entraîna insensiblement vers un appareil milieu de gamme. Il avait déjà choisi. Il s’agissait simplement de le rassurer, exercice maintes fois ré pété dans notre formation. – Mais c’est une excellente décision, Monsieur, nou s en vendons beaucoup… Leçon apprise : le consommateur n’aime pas l’aventu re. Notre devoir est de le convaincre que tout le monde achète ce qu’il achète . Si ça ne suffit pas, le vendeur peut déclarer qu’il a acquis le même appareil pour lui-même. – J’ai le même à la maison… En un mois, j’ai affirmé posséder douze frigos et q uatorze marques différentes de four à micro-ondes dans mon petit studio de 30 m². Puis, j’accueillis une brave mère de famille à qui il a fallu lire l’étiquette du produit qu’elle convoitait. Oui, oui, le chargement était f rontal. D’ailleurs, elle pouvait le constater. Oui, oui, la machine tournait vite et sa ns bruit. Oui, oui, nous faisions la garantie étendue à cinq ans. La garantie s’avérait un point capital pour évaluer la prestation du salarié. Pour deux ans, elle était comprise dans le prix. Au-delà , elle pouvait être portée à cinq ans, mais c’était cher. Et surtout très profitable pour l’entreprise. Le bon vendeur devait réussir à caser le maximum de garanties de long ter me. Lorsque le client régulier et un peu finaud commençait à se douter que l’assurance é tendue servait rarement, il suffisait de l’inquiéter un peu. – Vous savez, depuis dix ans que je suis dans la ma ison, j’ai vu se multiplier le nombre d’interventions sur ce type d’appareils. En proférant quelque chose comme ça d’un air assuré , vous aviez une chance de susciter l’adhésion. Même si, comme c’était mon cas , vous n’aviez pas beaucoup d’ancienneté dans la profession. Il y a des moments où la technique commerciale doit l’emporter sur toute autre considération. Bref ! Pendant un mois, je réalisais un chiffre d’a ffaires mirobolant sans connaître grand-chose à ce que je vendais. J’appliquais à la lettre les recommandations des formateurs. Le plus difficile de mon travail était de lire les notices du constructeur que le client pouvait lire aussi bien que moi. Et puis, je plaçais habilement quelques garanties de longue durée dont l’utilité m’apparais sait plus que douteuse. Gérard, le responsable de magasin, se répandit en l ouanges à propos de mes prestations. Grâce à un usage intensif de gel coiff ant pour les cheveux et de savons
qui font la peau douce, je m’illustrais aussi par u ne présentation impeccable. Sur les réelles finalités de mon travail, je ne me posais p as de questions oiseuses, et puis surtout, je n’en posais pas aux autres. Arriva ce funeste jeudi matin où je l’aperçus navig uant entre les machines à laver haut de gamme. Pour mon malheur, le propriétaire de cette silhouette reconnut immédiatement la mienne. – Berton !! Vous ici… À ce cri qui traversa le magasin, plusieurs clients et vendeurs tournèrent la tête. La voix caverneuse de Morissier, mon prof de français de terminale, a terrifié des générations de lycéens. Il bondit, me prit aux épau les, les secoua un peu comme pour s’assurer de la réalité de ma présence. Je ne pensa is pourtant pas avoir marqué l’histoire de mon établissement scolaire par des ex égèses particulièrement brillantes des textes de Montesquieu ou Molière. Peu importe, la mémoire pachydermique de Morissier n’oubliait aucun visage. Il se souvenait du nom de chacun de ses élèves pendant plusieurs années. Il faut dire que célibata ire endurci, il n’avait pas grand-chose d’autre à faire que de les apprendre par cœur. Sexagénaire récemment mis à la retraite par l’éduca tion nationale, il promenait sa panse ronde, légèrement adipeuse, distinguée néanmo ins, dans le quartier où je travaillais. Habillé à l’ancienne, d’un costume san s couleur bien définie, d’un gilet barré d’une montre à gousset, il donnait l’impression de cultiver son aspect ringard. Il soufflait comme un bœuf en se déplaçant, mais, d errière ses lunettes à monture d’écaille, brillait le même regard bleu qu’autrefoi s. Je reconnus sans plaisir ses cheveux gris rejetés en arrière et ses bajoues qui tremblotaient lorsqu’il déclamait du Racine ou enguirlandait l’un d’entre nous pour un d evoir négligé. – Berton !!! hurla-t-il… Alors toujours aussi nul s ur les participes passés ? Sa voix puissante venait de révéler à la moitié du personnel l’une de mes grandes faiblesses grammaticales. D’un ton misérable, j’ess ayais vaguement de détourner la conversation : – Je peux vous être utile, Monsieur ? Mon offre de services l’indifféra complètement. L’a ssistance put profiter d’un long exposé de mes diverses insuffisances scolaires. Apr ès vingt minutes de cette diatribe, je réussis à le raccompagner à la porte du magasin : – Je reviendrai Berton, je reviendrai, finalement v ous êtes très sympathique… Le chef n’apprécia pas l’incident. Je dus m’expliqu er dans son...
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