Ainsi fut-il...
226 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Ainsi fut-il... , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
226 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Tourmenté, névrosé, marginal, à cheval entre deux mondes, Vincent trottine de petits bonheurs en grands malheurs, en quête d’une inaccessible étoile. Il est de ces hommes profondément distraits qui pénètrent dans des trompe-l’œil et parfois n’en reviennent pas. Il y a chez lui du minéral et de l’évanescence, un peu de solide et beaucoup de friable. Peintre de petite notoriété, il est né dans la grisaille et a grandi dans la monotonie, jusqu’à sa découverte de Van Gogh qui deviendra son obsession récurrente : même prénom, né aussi un 30 mars, il vit à Auvers-sur-Oise avec Paule, fille de médecin. L’envie lui vient un jour de partir au soleil visiter ses maîtres italiens de la Renaissance. Mais il s’arrêtera au soleil du Midi, où il rencontrera une autre Rachel. Encore une coïncidence ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 août 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782334187985
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-18796-1

© Edilivre, 2016
Citation


Seuls l’amour et l’art rendent l’existence tolérable
Somerset Maugham « Servitude humaine »
En couverture « Drap blanc sur la neige » inspiré de « Carré blanc sur fond blanc » de Kasimir Malevitch huile sur toile de 79,4x79,4 cm (1918) exposée au Moma de New York.
1
Il est né dans la grisaille, il a grandi dans la monotonie et l’ennui, dans un hameau niché dans un creux des Montagnes Noires constitué de la petite ferme des grands-parents et de quatre maisons de granit grisâtre que n’avait pas épargné, au fil du temps, le ciel dur qui consume et qui lave.
Il fallait à Vincent, pour aller au plus court, marcher près de deux kilomètres à travers prés, lande et bruyères pour gagner le village et la petite école à la classe unique où mademoiselle Daoudal dispensait son enseignement à une quinzaine de gamins de six à onze ou douze ans. Elle n’était pas très belle, bouille ronde encadrée de cheveux bouclés blond-roux, grosses lunettes à monture rouge. Marguerite de son prénom, elle n’était plus connue de ses connaissances et amis que sous le diminutif de Gaète, ou Guite.
Son physique un peu ingrat, mais qu’est-ce qu’un physique sinon une apparence dont on ne saisit que l’immédiateté, une vitrine qui ne dévoile pas les trésors que recèle l’intérieur, l’arrière-boutique, voire le sous-sol, lui donnait l’allure d’une femme poursuivie par le temps qui passe. Mais converser avec elle était un ravissement. Outre sa culture générale étendue, elle avait des dons réels pour la poésie, le dessin et la peinture, avec un goût particulier pour Vincent Van Gogh dont elle avait copié certaines de ses œuvres les plus célèbres, les Tournesols, Nuit étoilée sur le Rhône, l’Église d’Auvers-sur-Oise, le Portrait du docteur Paul Gachet, entre autres. Ses copies, huiles sur toile de format respectable, d’environ 50x60 cm, étaient accrochées dans la salle de classe et l’occasion pour Gaète de dispenser à ses élèves une première initiation à la peinture dans une sorte d’indifférence générale. Á l’exception de Vincent qui, d’emblée et d’instinct, fut subjugué. Soudain le monde s’ouvrait à lui. La grisaille du jour devenait couleur, la noirceur des nuits se faisait lumière. Un simple trait pouvait créer des formes par la magie d’une craie sur un tableau noir, d’une tige de bois noircie au feu sur une page blanche.
Gaète s’attacha à lui, elle décela un potentiel chez ce gamin directement sorti de l’argile et de la lande stérile. Étonnée qu’un gamin si jeune s’intéresse davantage à Van Gogh qu’à une BD. Elle lui montra sur son ordinateur un petit panorama des écoles impressionniste, expressionniste, classique, surréaliste ainsi qu’un certain nombre des quelque 2 000 toiles et dessins de Van Gogh vers qui Vincent revenait inlassablement. Son enthousiasme allait grandissant.
– Et il s’appelait Vincent, comme moi !
Puis il découvrit qu’il était né le 30 mars 1853.
– Et il est né le 30 mars, comme moi !
– Pas exactement, petit bonhomme, c’est toi qui t’appelles Vincent, comme lui, et qui es né un 30 mars, comme lui. Et pas l’inverse.
– C’est pareil, mademoiselle, Van Gogh et moi on est pareils, on s’appellent Vincent et on est nés le même jour. Chouette !
Elle poussa un soupir de renoncement.
Puis lui enseigna les rudiments du dessin et de la peinture.
Ainsi commença de naître une vocation qui l’amena un beau jour à dire, à se dire, je veux être comme lui, je veux être LUI.
Quand vint le temps de la ville, avec son collège, sa mairie, son enclos paroissial, sa salle des fêtes, son bureau de poste, son hôtel, ses deux bistrots dont l’un faisait restaurant, et bien d’autres choses encore, tous ses services, toutes ses commodités et merveilles pour quelque 2 000 habitants, sans doute un peu plus de nos jours, tout ça à vingt minutes en car scolaire de la ferme qui se délabrait au fil du temps, Vincent s’aperçut alors qu’il ne savait rien, que ses lignes tracées sur le papier, ses couleurs brouillées, ses petites études à l’aquarelle et au pastel sous le regard lumineux et complaisant de Gaète, n’étaient que balbutiements et bidouillage, que le chemin à parcourir pour s’approcher de l’autre Vincent dont il connaissait par cœur l’œuvre et la biographie était un peu l’équivalent de la distance séparant la Terre de la Lune.
Mais on lui avait dit et redit qu’il était doué et qu’un jour, avec beaucoup de travail et de persévérance, lui aussi, Vincent, pourrait connaître la renommée… Enfin, peut-être !.
2
Il s’est planté derrière la large baie par laquelle la lumière du nord illumine son vaste atelier. Le soleil froid d’un automne précoce éclaire le jardin dans lequel Paule s’échine à nettoyer un fouillis de ronces et d’arbustes déjà déplumés.
Paule… sa Paule des bons et des mauvais jours, toujours en mouvement, pour qui inaction et immobilité sont des mots incongrus, dépourvus de sens.
D’un naturel plutôt contemplatif, porté à la réflexion et à l’abstraction, il avait toujours considéré, lui, Vincent, marqué par ses lectures décousues, dispersées, que la vie, selon Sénèque et les stoïciens, est inséparable d’une certaine immobilité, tandis que le mouvement est cause de mort. Il était tellement plus facile de contempler le monde s’autodétruire, protégé par le verre blindé de son bocal. Sa rencontre avec Paule l’avait amené à remettre beaucoup de certitudes en question. Sa tonicité, son dynamisme, son intelligence eurent tôt fait de le séduire, jusqu’au moment où les deux extrêmes furent irrésistiblement attirés l’un par l’autre. C’est un raisonnement de marmotte, lui déclara Paule un soir de discussion particulièrement enflammée, un peu agacée qu’elle était par sa propension à l’inaction et à la rêverie qui, bizarrement, se traduisait parfois par de surprenantes réalisations.
– C’est ton immobilité, mon doux, qui est le plus souvent source de mort. Tu sais qu’il existe sur la planète des zones arides où règne une intense sécheresse, les hippopotames n’ont plus que de vagues trous d’eau boueuse dans lesquels ils s’immergent pour se protéger des brûlures du soleil. Ce qui fut leur havre de vie n’est plus qu’un marigot et ils se battent à mort pour occuper les endroits où les dernières réserves d’eau sont les plus profondes. Les plus faibles, les vaincus, doivent se contenter des zones où le niveau est le plus bas, où leur dos va commencer à cuire. Mais ils sont à terme tous condamnés, les plus forts, les plus agressifs subiront le même sort dans leurs lacs en voie d’assèchement, car ils préfèrent s’entre-tuer en restant sans bouger plutôt que d’aller voir ailleurs. L’immobilisme causera leur perte. Plutôt crever que d’accepter le changement. Et tu es autorisé à extrapoler, parce qu’on vit plutôt dans un monde d’hippos, non ?
Il avait préféré ne pas répondre plutôt que de convenir qu’elle avait raison.
* *       *
Les jambes de son jean lacérées au milieu des aubépines déchiquetées, elle fauche à grands coups réguliers, les dents serrées, le regard absent, vêtue d’une chemise d’homme au tissu épais à l’épreuve des accrocs. Il reste à la regarder, un long moment, en veillant à ne pas se faire remarquer. Elle débroussaille avec une force patiente, obstinée, dégage une petite clairière dans la friche. Sa faux mal aiguisée hache autour d’elle en demi-cercles, heurte des pierres, se plante dans le sol. Elle s’arrête pour remonter une mèche, reprend en sens contraire sa rotation du buste. La chemise s’accroche aux tiges d’églantine, elle se dégage d’un mouvement des reins, dans les craquements de l’étoffe.
Vincent s’écarte et retourne se planter devant la grande toile à peine ébauchée, à moitié blanche, à moitié en panne. Ses esquisses sur de grandes feuilles de papier Canson n’étaient pas mal, mais le rendu sur la toile ne le satisfait pas. C’est peut-être une erreur, s’est-il déjà dit à deux ou trois reprises, de vouloir revenir à une néo-figuration avec cette parodie du Jugement dernier de Michel-Ange, copie inversée dans laquelle les diables sont au Paradis et les anges en Enfer.
Les lianes que sa faux balaie sans les trancher reviennent sur elle, les mûriers se redressent dans son dos. La sueur et la rosée l’ont trempée, collent sa chemise à son corps. Les buissons résistent, des flocons blancs s’échappent d’une plante au tronc noueux. Elle tousse, s’acharne sans violence, sans répit, sans méthode, avec un élan égal, un mélange de concentration et de détachement, entaillant obstinément les bois trop durs et hachant plusieurs fois les fougères déjà sabrées. La faux heurte un obstacle. Elle lâche le manche, s’agenouille et tente de dégager une grosse pierre avec les mains. Elle ne devrait pas s’en sortir toute seule. Elle va donc sans doute lever les yeux vers la baie. L’appeler…
Il a obtenu quelques succès d’estime au cours des dix dernières années avec ses paysages imaginaires, ses portraits, et puis ses fleurs, iris et tournesols principalement, peints sur les tôles rouillées de capots et portières de vieilles guimbardes, récupérées dans des casses et des déchetteries qu’il travaillait en mêlant les techniques de la gravure à l’eau-forte et de la peinture, avec des vernis, de l’acide nitrique, des laques et de la peinture epoxy. Mais son travail était devenu répétitif, il avait perdu la spontanéité et toute originalité.
Là, maintenant, il dodeline de la tête et se mordille les lèvres en pensant qu’il est grotesque de sa part de prétendre créer une parodie de la fresque de la Sixtine qui s’étale sur treize mètres de haut et douze de large, avec ses 400 personnages. Réduit au format de deux mètres cinquante par deux le sujet, si

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents