Attrition
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Attrition , livre ebook

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Description

2017. Vincent, quadragénaire parisien en instance de divorce, dirige une agence de communication digitale. Marqué par le départ de sa femme, dépassé par les évolutions sociétales, il perd lentement ses repères. La dépression l’isole. A la fois connecté et obsolète, nostalgique et révolté, il est la proie d’un cynique orgueil ; celui qui pousse aux pires initiatives.


Presque trente ans après l'état des lieux dressé par Michel Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte, Frédéric Decourt dépeint avec lucidité l'essor effrené de la doctrine libérale moderne et l'aggravation de ses effets : la raréfaction des relations humaines, l'individualisme-roi et la perte de sens. Attrition est aussi le roman de la déconnexion, l'histoire de la démission d'un employé de la "start up nation" et de son retour à l'authenticité, au sacré et à la tradition. Avec ce premier roman, Frédérix Bécourt étonne et rejoint la vague montante des romanciers antimodernes.



À la sortie de la salle une jeune femme de style plutôt bohème, en jeans et chemisier à fleurs, s’approcha de moi.



« Bonjour Monsieur Sorgue, je me présente : j’accompagne l’association Paris Mécénat Solidarité dans
le développement de ses ressources, afin de financer et soutenir les projets portés par les associations d’Île-de-France. Notre objectif est de fédérer les PME et TPE du territoire autour de solutions innovantes de lutte contre les précarités. »



Je souris aimablement et lui donnai ma carte. Elle avait de jolies dents.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 octobre 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782491517250
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Sommaire Couverture Sommaire Page de titre Mentions légales I. II.
Points de repère Couverture Page de titre Début du texte Mentions légales

Déjà paru
Wisielec, Hardcore ou la Tribulation
Jérôme Delclos, Vingt Leçons de philosophie par le meurtre
Jacques Barbaut, Alice à Zanzibar. 238 limericks suivis de leurs règles, d’une postface et d’un index
Laurent Thinès, La Vierge au Loup. Récit d’un psychopathe
Jérôme Delclos, Cendrillon en Pologne
Laurent Robert, Sonnets de la révolte ordinaire
Alexis Legayet, Bienvenue au paradis
Marie-Hélène Moreau, Quartier des Innocents
Olivier Massé, La Chienne
Christophe Esnault, Lettre au recours chimique
Xavier Serrano, The Dead Letter Society. La bibliothèque imaginaire de Roland Bartleby
Guillaume Decourt, À 80 km de Monterey
Alexis Legayet, Délivrez-nous du mâle
Muriel de Rengervé, Nos paradis perdus
Faux titre
Attrition
Page de titre
Frédéric Bécourt
Roman
Mentions légales
©Æthalidès, 2021
ISBN : 978-2-491517-13-7
ISBN numérique : 978-2-491517-25-0
www.aethalides.com
L’ attrition est un terme peu usité dans son sens original, à savoir l’usure par frottement. Il est désormais essentiellement employé en économie comme étant la perte de clientèle, de substance ou d’autres éléments non forcément matériels. C’est l’inverse de la rétention. L’attrition peut aussi être le regret d’avoir offensé Dieu.
Wikipédia, Attrition
 
 
Il faut avoir le courage de l’avouer, Madame : longtemps nous n’avons point compris la révolution dont nous sommes les témoins ; longtemps nous l’avons prise pour un événement . Nous étions dans l’erreur : c’est une époque  ; et malheur aux générations qui assistent aux époques du monde.
Joseph de Maistre, Discours à Madame la Marquise de Costa sur la vie et la mort de son fils Eugène
I.
Midi et quart, l’heure de décès d’une nouvelle matinée oiseuse. Qu’est-ce que j’avais pu faire jusque-là ? Aucune idée. Aucune importance. Lorsqu’on s’obstine à vouloir tuer le temps, c’est bien souvent qu’il est déjà mort. Il était donc midi et quart quand je m’éclipsai de l’agence pour rejoindre Chantal. Elle m’avait confirmé sur WhatsApp que « la voie était libre », son mari parti déjeuner avec ses associés. Le coquet pavillon de banlieue donnait sur les bords de Marne, dans un quartier huppé de Maisons-Alfort. Trente-deux minutes de route selon Waze ; trois de plus d’après Google Maps. Le trafic semblait étrangement fluide sur le périphérique parisien, bien plus qu’un mardi ordinaire en tout cas. Certainement l’effet des ponts du mois de mai ; les gens fuient la ville quand il fait beau au mois de mai.
Je garai la Mini en bas de la rue, afin de ne pas éveiller la curiosité des voisins, puis remontai d’un pas nerveux vers la petite maison bourgeoise. La porte d’entrée bâillait, et je distinguai nettement la silhouette gironde de Chantal dans le vestibule. Elle m’accueillait cette fois en nuisette noire à dentelles. Comme si la voir en déshabillé pouvait m’affrioler. Elle aurait pourtant dû le savoir, je n’accordais aucune attention aux effets de lingerie ; d’autant moins sur le corps décati et trop bronzé d’une cougar de cinquante-deux ans. Je l’embrassai discrètement comme on embrasse sa tante, puis entrai en hâte en claquant la porte derrière moi.
Après un bref coït sur le canapé du salon, elle se mit à préparer ses tagliatelles alla carbonara . Je lui en dirais des nouvelles. Il s’agissait tout compte fait d’un simple plat de nouilles garni de crème fraîche et de lardons, plutôt écœurant et trop salé. Une véritable sauce carbonara se composait principalement d’œufs et de pancetta , même moi je le savais. Décidément, je comprenais mieux pourquoi son mari préférait déjeuner à l’extérieur.
« Tu t’en vas déjà ? » demanda-t-elle, alors que j’attrapais ma veste à peine quelques bouchées englouties.
« Désolé, j’ai la visite d’un client à quatorze heures à l’agence. Je dois préparer la réunion, imprimer des documents… Enfin, le boulot quoi. »
Naturellement, il n’en était rien, je ne comptais pas m’attarder. Comme chaque fois dans pareille situation, je me sentais un peu minable. Voilà donc à quoi se résumait ma vie affective désormais. Triste tableau… Généralement ces remords s’effaçaient assez vite, comme d’ailleurs toute pensée élaborée, dès lors qu’un semblant de libido reprenait le dessus. Après tout, cette vie-là constituait le meilleur compromis possible, une forme de quotidien prosaïque et supportable. J’avais bien essayé de rencontrer des jeunes femmes, plusieurs fois depuis ma séparation, mais ça ne dépassait que rarement le stade du deuxième rendez-vous. Elles me trouvaient le plus souvent triste et ennuyeux, et elles avaient raison. Je pense que j’étais devenu totalement insensible aux petits bonheurs simples d’une vie de couple. Structurellement incapable de « faire des projets ».
Heureusement les nouvelles technologies permettaient facilement aux éclopés sentimentaux dans mon genre de se rencontrer. Mieux, elles leur donnaient de la visibilité et, ce faisant, adoucissaient un peu leur misère en la banalisant. C’est ainsi que j’avais déniché Chantal mais aussi Sylvie, Aline et quelques autres. Des ménagères de cinquante ans, plutôt aisées, le genre qu’affectionnaient particulièrement les gigolos et les publicitaires. Je me sentais détendu à leur contact. Des femmes douces, maternelles mais surtout peu exigeantes. En parsemant de rendez-vous codés mon agenda de petit chef d’entreprise, elles me donnaient l’illusion d’avoir une existence bien remplie.
« On se revoit bientôt ? Tu sais, Jean-Marc part en séminaire à Biarritz à la fin du mois. Ce serait l’occasion de passer plus de temps ensemble. D’apprendre à se connaître…
— Peut-être, oui. On verra. »
Il devait bien faire trente-cinq degrés dans cette cuisine, mais Chantal ne semblait pas affectée par la chaleur. Peut-être un effet de la ménopause.
Je crois que je m’étais inscrit sur tous les sites de drague, en tout cas les plus réputés, de Meetic à AdopteUnMec en passant par Tinder. Les jeunes quadras comme moi y étaient légion. La plupart d’entre eux disaient rechercher « le grand amour », support nécessaire pour enfin démarrer « une nouvelle vie ». Ils se présentaient d’ailleurs ainsi, comme des êtres neufs. Qu’importe si les gosses vivaient encore à la maison, ou si l’ex rôdait toujours dans le coin, espérant un retour de flamme ; il fallait se montrer libre, dynamique et désirable en tous points. Dans ce domaine, mon profil nécessitait peu d’efforts cosmétiques. Sans enfant, en instance de divorce mais pleinement autonome dans mon loft de quatre-vingts mètres carrés au troisième étage d’un immeuble haussmannien, je ne manquais pas d’arguments pour attirer ces dames. Deux selfies , dont l’éclairage avait été savamment étudié, mettaient en avant mes traits fins et mon allure élancée. C’était amplement suffisant. Inutile de remplir sa fiche en détail, les visiteuses ne regardaient que les photos. D’ailleurs les prétendantes virtuelles se bousculaient, et je n’avais que l’embarras du choix.
Un réel embarras à vrai dire, car tous les profils féminins se ressemblaient. Certaines formules revenaient systématiquement («  carpe diem , la vie est trop courte pour se prendre la tête »), trahissant parfois une certaine amertume (« je ne sais pas ce que je veux, mais je sais ce que je ne veux plus »). Même les visages et les corps se distinguaient difficilement d’un profil à l’autre. Les « duckfaces », ces selfies avec la bouche en cul de poule, constituaient désormais la norme. Certaines, soucieuses de mettre en avant leurs courbes toujours avantageuses, s’affichaient en maillot de bain. Elles avaient pris soin au préalable d’effacer leur ex-compagnon de la photo de vacances prise quelques années auparavant sur une plage de la Costa Brava.
En presque neuf mois de fréquentation assidue de ces sites de rencontres, j’avais décroché une vingtaine de rendez-vous. Un bon rendement, me rassurais-je, même si la majorité d’entre eux n’avait pas connu de suite. Il faut dire que, passé les premiers échanges gênés et courtois, je m’épanchais diligemment sur ma funeste condition depuis le départ de ma femme. Mes prétendantes devaient ensuite endurer le récit détaillé de notre rencontre dix ans plus tôt puis une longue énumération de souvenirs doux-amers et sans grande valeur dans le fond, même pour moi.
Les plus résistantes me rappelaient généralement le lendemain pour me proposer une sortie au cinéma suivie d’un dernier verre chez elles. Elles ne s’y trompaient pas. Les salles obscures, en facilitant le rapprochement des corps dans le partage d’émotions simples, leur permettaient d’arriver plus vite à leurs fins. Tout le monde y trouvait son compte, échappant ainsi aux silences pesants et aux discussions convenues d’un dîner au restaurant.
« Vincent, tu sais il n’y a pas que le sexe dans la vie. Même si j’aime faire ça avec toi, je voudrais aussi que l’on partage autre chose. Des restos, des balades, ce que font de vrais amants, quoi… Tu me diras quand tu es disponible à la fin du mois ? Qu’on passe au moins une belle journée ensemble. C’est important pour moi. »
Cette fois Chantal était allée trop loin. Elle rompait avec l’engagement tacite de ne pas transformer ces rendez-vous occasionnels en une quelconque relation. J’allais devoir la laisser tomber en douceur. Pour l’instant je me contentais d’opiner et de promettre de la rappeler le lendemain. L’heure tournait, je ne pouvais pas rester une minute de plus. Et puis il régnait une chaleur insoutenable dans cette cuisine. Hirsute et débraillé, je décampai de chez Chantal en bras de chemise, la veste à la main et l’âme éteinte.
Étrangement, cette belle journée de printemps renforçait encore ma mélancolie. Céline m’avait quitté, il est vrai, un radieux mardi de juin. Quelques semaines seulement après notre mariage. Après surtout une décennie de complicité fusionnelle, souvent prise en exemple et secrètement jalousée. Alors même

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