Cette année s’envole ma jeunesse
64 pages
Français

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Cette année s’envole ma jeunesse , livre ebook

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Description

Dans ce récit touchant, Jean-François Beauchemin relate en quatre temps le deuil de sa mère, le tout modulé par les saisons. L'auteur y aborde la conséquence de la perte mais surtout l'héritage qu'il a reçu de cette femme à qui il voue un immense respect.
Par l'auteur de La Fabrication de l'aube - Prix des librairies 2007, finaliste au Prix du Gouverneur général et finaliste au Combat des livres 2009 de la Société Radio-Canada.
Dernier volet d'une trilogie commencée avec La Fabrication de l'aube et poursuivie avec Ceci est mon corps, ce livre est moins l'histoire d'un deuil que celle d'une transformation. Dans ses pages se mêlent avec lucidité le souvenir, le temps présent et une perspective apaisée de l'avenir. Il tient à la fois de l'essai, du journal et de l'autobiographie. Mais il constitue surtout le témoignage spontané, libre et touchant d'un homme parvenu à cette étape cruciale où toute existence, parce qu'elle se découvre si éphémère, se modifie en profondeur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 11 septembre 2012
Nombre de lectures 1
EAN13 9782764417096
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L i t t é r a t u r e d’ A m é r i q u e
Collection dirigée par Normand de Bellefeuille et Isabelle Longpré
Du même auteur

Du même auteur

Ceci est mon corps, roman, Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, Montréal, 2008.
M ENTION D'EXCELLENCE DE LA S OCIÉTÉ DES ÉCRIVAINS FRANCOPHONES D' A MÉRIQUE
Quand les pierres se mirent à rêver , essai, Le Noroît, Montréal, 2007.
La Fabrication de l’aube , récit, Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, Montréal, 2007.
P RIX DES LIBRAIRES DU Q UÉBEC 2007
Voici nos pas sur la terre , poésie, Le Noroît, Montréal, 2006.
Le Jour des corneilles, roman, Les Allusifs, Montréal, 2004.
P RIX F RANCE- Q UÉBEC/ J EAN H AMELIN 2005
P RIX DU LIVRE FRANCOPHONE DE L'ANNÉE 2005, I SSY- L ES- M OULINEAUX, F RANCE
Turkana Boy , roman, Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, Montréal, 2004.
Le Petit Pont de la Louve , roman, Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, Montréal, 2002.
Mon père est une chaise , roman jeunesse, Québec Amérique, coll. Titan, Montréal, 2001.
Les Choses terrestres , roman, Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, Montréal, 2001.
Garage Molinari, roman, Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, Montréal, 1999.
Comme enfant je suis cuit, roman, Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, Montréal, 1998.
Cette année s'envole ma jeunesse
Crédits
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Beauchemin, Jean-François
Cette année s’envole ma jeunesse
(Littérature d’Amérique)

ISBN 978-2-7644-0691-5
ISBN 978-2-7644-1347-0 (PDF)
ISBN 978-2-7644-1709-6 (EPUB)

I. Titre. II. Collection : Collection Littérature d’Amérique.
PS8553.E171C47 2009 C843’.54 C2009-940385-4
PS9553.E171C47 2009


Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

Les Éditions Québec Amérique bénéficient du programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada. Elles tiennent également à remercier la SODEC pour son appui financier.

L’auteur remercie le Conseil des arts et des lettres du Québec pour son aide financière.

Québec Amérique
329, rue de la Commune Ouest, 3 e étage
Montréal (Québec) Canada H2Y 2E1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Dépôt légal : 3 e trimestre 2009
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada

Mise en pages : André Vallée — Atelier typo Jane
Révision linguistique : Diane Martin
Direction artistique : Isabelle Lépine
Conversion au format ePub : Studio C1C4

Pour toute question au sujet de ce ePub : service@studioc1c4.com

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

©2010 Éditions Québec Amérique inc.
www.quebec-amerique.com
Jean-François Beauchemin
Cette année s’envole ma jeunesse
récit
Exergue 1




Sur le bord de la Loire, en France, Jacques Bertin écrit des chansons depuis quarante ans. Toutes n’ont cessé de m’émouvoir. Je le remercie de m’avoir si aimablement autorisé à utiliser pour ce livre le beau titre de l’une d’entre elles.
Exergue 2




Renonçons à trouver un sens à notre vie : elle n’en a pas. On s’y fait facilement et on ne s’en porte pas plus mal, au contraire. Nous pouvons remplacer la recherche du sens, qui est vaine, par un effort sur la vie elle-même. Remplacer le pourquoi vivre par le comment vivre. Et là, il y a beaucoup à dire, beaucoup à faire.

Jean-Claude Carrière
Fragilité
Je frappais à sa porte
J e frappais à sa porte. J’entendais venir du fond de la maison cette femme presque toujours occupée à quelque travail ménager. Elle interrompait tout, et bientôt le grincement de deux vieilles chaises succédait au bruit des chaudrons. Je n’eus jamais à m’expliquer longuement. J’avais pris l’habitude de ces pâles yeux verts qui ne fouillaient pas, qui trouvaient pourtant. Il est vrai que mes joies ressemblaient aux siennes : c’étaient celles, au fond, des petits enfants. Mes erreurs quant à elles étaient jugées sobrement, sans excessive réprobation et sans la nuisible tolérance des parents qui veulent oublier leur rôle de soutènement. Sa tête penchée au moment de mes confidences reflétait une pensée parfois inquiète, mais jamais dépourvue de ce discernement permettant une sagesse simple. Lorsqu’à son tour elle se trompait, je me souvenais des paroles mesurées qu’elle avait prononcées pour moi, jeune homme impétueux, trébuchant dans sa maladroite quête de bonheur. Je ne lui répétais pas ses propres mots, inappropriés pour elle dont les fautes étaient alors celles de la maturité. Mais j’aimais entre nous cette entente tacite qui m’autorisait à ne pas tenir pour acquis la supériorité de l’expérience. J’observais ces paupières : l’âge redessinait en le précisant le regard tendre que la jeunesse avait esquissé, et ensuite abandonné.
Puis, tout cela prit fin.
J’avais écrit quelques pages, déjà, sur cette mort qui n’eut, dans ma vie, aucun équivalent. Le travail, le temps qui fuit, les hasards toujours moins purs qu’on ne le croit, m’auront empêché jusqu’ici de décrire avec le soin qui s’impose la transformation décisive qui s’amorça en moi dès mon retour du petit cimetière. Je ne veux pas dire que le chagrin et l’absence sont formateurs. Ils ne le sont jamais. C’est la profondeur qui nous forme. Et j’ai ressenti que la perte de ma mère avait été, avec la rencontre de l’amour, l’expérience de la douleur physique intense et la découverte d’une joie innée dans le corps, l’un des événements les plus profonds de mon existence. J’étais toute ma vie facilement entré en moi-même : cette familiarité avec un homme toujours assoiffé ne m’effrayait pas. Seulement, j’éprouvai tout à coup que l’espèce de puits auquel j’avais bu ne me suffisait plus. Ce n’était pas que son eau fût moins bonne. Mais le souvenir d’un visage aimé me poussait à présent vers de plus secrètes sources.
J’ai sur la majorité des hommes un avantage : je connais ma mort. Je me suis couché sur ce lit duquel, le plus souvent, on ne se relève plus. Je sais à quoi ressemble cette mystérieuse absence de tout : j’y étais. J’ai raconté cela ailleurs. Mais l’écrivain Jorge Semprun a mieux parlé que moi de ces choses que nous ne voulons pas voir, et qui pourtant ne me paraissent pas justifier une telle peur : Une idée m’est venue, soudain — si l’on peut appeler idée cette bouffée de chaleur, tonique, cet afflux de sang, cet orgueil d’un savoir du corps, pertinent — la sensation, en tout cas, soudaine, très forte, de ne pas avoir échappé à la mort, mais de l’avoir traversée. D’avoir été, plutôt, traversé par elle. De l’avoir vécu, en quelque sorte. Je n’ai lu nulle part ailleurs que dans L’écriture ou la vie une description plus juste d’un homme conscient de marcher aux côtés de sa mort. Il me faudra bien un jour, quant à moi, cesser d’écrire à ce sujet. Ce sera lorsque j’aurai assez dit à quel maître désormais je dois l’essentiel de ma force.
Je m’étonne de n’avoir pas encore de la mort de ma mère une idée aussi nette. La pensée ne tient pas beaucoup de place dans ces décombres puissants qu’a laissés derrière elle une absence jamais comblée, même par les jours heureux. J’ai fini par découvrir qu’au-delà de la désolation qu’il a d’abord semée sur son passage, ce deuil a sans doute été le premier des pas que j’ai faits dans ce grand continent de ma propre mort. J’avais cru pourtant bien connaître cette compagne fidèle. Elle m’avait depuis longtemps été plutôt familière, me frôlant même parfois d’assez près. Et cependant, cette entente que j’avais crue réciproque ne l’était pas. J’allais mourir un jour, c’est entendu. J’acceptais cela, comme on finit par accepter tout ce qui se dissimule dans les approximations de l’avenir, comme on souscrit, en somme, à ces vérités insolites qui n’existent pas encore et qui pourtant finiront par nous perdre. Mais je n’y souscrivais que par la seule ressource de mon esprit. Je me trompais. Le corps s’interroge, s’étudie, puis se mesure mieux aux faits, aux circonstances. Une intelligence qui lui est propre semble le conduire. Il cherche quelque chose. Par cette introspection qu’il encourage, il nous indique où regarder. C’est par lui, toujours, que nous nous découvrons nous-mêmes, et que nous découvrons le monde. Des années d’observation attentive m’en ont convaincu : le corps apprend, croit, feint, s’émeut, s’indigne, exige. J’ai ressenti aussi qu’il se résout, et même à son anéantissement. Mais j’ai dû admettre que l’esprit dont il est à la fois l’hôte et l’otage lui ment, parce que l’esprit ne sait pas bien ce que c’est que de mourir. La pensée se croit souveraine. Elle ne l’est pas : elle ignore comment regarder sa mort en face. Le corps le peut, je le sais pour avoir été conduit par lui, déjà, jusqu’aux limites de cet espace sans bruit, sans souvenir et sans avenir, et où j’ai aperçu les premiers signes de ma fin.
Il m’a toujours semblé qu’on demandait trop tôt aux malheureux d’être courageux. Ce n’est pas de courage mais de patience qu’ils ont besoin sur ce lit où les forces les ont abandonnés, dans cette chambre où sont restées fermées de lourdes tentures. Le courage sera nécessaire plus tard, lorsque le corps sera remis de sa blessure et qu’on sera redevenu soi-même. On consentira alors à ce que les choses, désormais, aient changé et ne soient sans doute plus jamais les mêmes. Cela ne survient que longtemps après, lorsque la joie simple de se sentir vivre resurgit enfin, au terme d’une longue attente. Un soir, ma mère est morte. J’ai attendu longtemps, après cela, le retour de la joie. Je l’ai sentie à la fin se faufiler dans l’étroit passage vers le jour qu’avait aménagé en moi une patiente douleur.
Comme tous ceux qui sont forcés aux adieux, je me suis senti trahi. Au petit

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