Cette fêlure comme un soleil
306 pages
Français

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Cette fêlure comme un soleil , livre ebook

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Description

« Julien n'avait plus d'appréhension pour aborder son frère. Il savait que l'entrevue pouvait être conflictuelle, mais sa volonté était clairement établie : en toutes circonstances, rappeler à Robert leurs liens familiaux indéfectibles et en même temps lui décrire son état de conscience. Pour avoir approché la bascule de la vie vers la mort, il ne voulait en aucune manière contribuer à l'injustice et à l'exploitation. Il savait que le monde des affaires cohabitait de moins en moins avec le devoir d'humanité. » De retour d'Afghanistan, le soldat Julien Digal est hébergé au Havre par son frère Robert, qui profite ainsi de sa pension d'invalide de guerre. En son absence, ce dernier a pris la direction de l'usine héritée de leur père. Julien découvre alors un univers vicié géré par l'hypocrisie, l'appât du gain, l'exploitation humaine et les réseaux de trafic financier en tous genres. Plongé dans une société corrompue aussi féroce que la guerre, devra-t-il se soumettre à la domination et au chantage familial ? Pourra-t-il reprendre pied dans l'entreprise ? Acceptera-t-il de vivre dans le mensonge des amours ? Depuis la blessure, la quête de la beauté chasse peu à peu les doutes et les ombres de son âme. Ira-t-il jusqu'au bout quel qu'en soit le coût ? Meurtre, trafic de drogue, blanchiment d'argent... Au-delà d'une variation sur le thème ancestral des frères ennemis, Paul-René Cousty orchestre un véritable thriller qui en dit long sur la déviance d'une société moderne malade, vorace jusqu'au point de non-retour.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 janvier 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342158526
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cette fêlure comme un soleil
Paul-René Cousty
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Cette fêlure comme un soleil

Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://paul-rene-cousty.societedesecrivains.com
 
« Je regarde ce que tout le monde regarde, mais personne ne voit ce que je vois. »
Chateaubriand – Mémoires d’outre-tombe

« Lire un livre ne va pas modifier le monde dans son ensemble, mais ça peut susciter un déclic dans l’esprit de quelqu’un, un lecteur anonyme qui est peut-être seul chez lui et qui lit silencieusement.
En vérité, cette phrase veut dire : si par ce livre j’ai réussi à modifier la manière dont une personne réfléchit au monde qui l’entoure, j’aurai gagné mon pari. »
Russel Banks – Entretien avec Didier Jacob –, 11 décembre 2016 à propos de la réédition de Continents en dérive.
 
Chapitre 1
Julien avait vingt-quatre ans. Il descendait de la ville haute vers la résidence familiale, rue Pierre Faure. Il vivait chez Robert depuis son retour d’Afghanistan. Il était tard. Les flammes des cheminées de la raffinerie portuaire embrasaient l’horizon et saturaient le coucher du soleil. Un immense cargo accostait en faisant hurler les sirènes. Il se souvint du jour où l’ambulance l’avait déposé. Il avait perdu les repères de la ville de son enfance : Le Havre.
Engagé, volontaire pour trois ans au premier régiment de hussards parachutistes (1er RHP) à Tarbes, son escadron fut envoyé en mission dans la région de Kaboul en deux mille huit. Julien est tombé, un an plus tard, dans une embuscade avec sa patrouille. Une balle dans la tête l’a sauvé. Le commando ennemi a cru qu’il était mort et les talibans ne l’ont pas mutilé. Ramassé par des paysans autochtones il fut rendu à son régiment. Rapatrié d’urgence à l’hôpital du Val de Grâce, il était resté deux mois dans le coma. Longtemps après, il avait subi une craniotomie. Les gens ont dit plus simplement : « Il est trépané. » Il fut ramené à la maison familiale en ambulance. C’était à la tombée de la nuit. De grosses fumerolles noires dansaient au-dessus des dépôts d’hyper carbures. Au loin , il entendait les appels d’une corne de brume. Sans doute un navire n’arrivant pas à trouver l’entrée du port.
Il avait quitté la famille quelques semaines après la mort du père. La hiérarchie l’avait réquisitionné pour lutter contre le terrorisme fanatique, selon l’expression consacrée. Son escadron intégra les FIAS (Forces internationales d’assistance et de sécurité) sous les ordres de l’OTAN. Avant son départ, il eut une semaine de permission. Sa mère, internée pour cause de syndrome cérébral organique, n’avait pas su le départ de son cadet pour faire la guerre. Elle décéda durant son séjour à l’armée.
Robert avait tout réorganisé pendant son absence : transfert de propriété de l’entreprise à son nom et acquisition de la maison de famille. Il était de dix ans son aîné, marié, deux enfants. Il avait horreur du régiment et avait échappé aux obligations de la souscription militaire grâce aux bonnes relations avec un général de l’Armée de terre, redevable de gracieux services rendus par les parents. Lors de l’hospitalisation de Julien à l’hôpital du Val-de-Grâce, il a accepté d’être tuteur de son frère, blessé de guerre. Avant le contrôle du degré de handicap, trois mois après le retour au Havre, il lui a imposé le mutisme face aux experts pour être sûr d’obtenir le taux de pension le plus élevé. Robert a réussi.
Julien avait subi et tout compris. Aujourd’hui, en prenant la rue la plus pentue, il contemplait, toujours , ce paysage tragique des installations portuaires figées sous les volutes rouges et noires enflammées. C’était beau ! Il porta la main à sa blessure cervicale et sourit. Le pire était peut-être ailleurs. Deux mille douze, trois années ont passé depuis son retour. Blessé de guerre, il était devenu paria de la famille. Il refaisait le parcours de son retour chez les siens. Sauvé de tant de malheurs, il était persuadé qu’un jour le temps lui réserverait une chance.
* * *
Les mois passant, les souvenirs transpercèrent le mur du traumatisme de l’oubli et de l’indescriptible douleur qui avait figé son existence. Il reconnut le dedans et le dehors de la gentilhommière que le père avait achetée grâce à un héritage d’un oncle et aux résultats de l’usine de parquets. Il l’avait agrandie et rendue plus profitable. Les rangées d’hortensias qui entouraient encore la maison lui rappelèrent les cris effarouchés de sa mère lorsqu’il cherchait dans leurs ramées les nids de chardonnerets ou de mésanges. Pour lui, la transgression de l’interdit maternel était impérative. Une jouissance viscérale l’envahissait lorsqu’il découvrait des oisillons affamés recevant avec frénésie la becquée de leurs géniteurs. Au milieu des massifs, il prenait plaisir à caresser les grosses fleurs pommelées roses ou bleues, si douces et au parfum si subtil.
À l’intérieur du manoir, la cuisine, le salon et la salle à manger, tout avait été conservé du temps d’avant son départ en Afghanistan. Pas un meuble, pas un appareil ménager n’avait été remplacé. Julien se surprit même, au fur et à mesure de son émergence à la situation présente, à attendre l’arrivée au salon de son père et de ses principaux responsables industriels pour fêter la mise au point d’un nouveau procédé technique ou la commande de trois tonnes de parquets vernis pour une grande chaîne de distribution. Réminiscences et séquences de vie furtives.
Enfin, c’est dans le hall d’entrée que le souvenir des adieux, le matin où il quitta la maison pour la mission afghane du 1er RHP lui parut, a posteriori , une alerte de retrait ou d’exclusion de la famille. Robert et Irène, sa femme, et leurs deux enfants, Raphaël et Justine, ne l’accompagnèrent pas jusqu’au taxi qui attendait au portail d’entrée du jardin. Dans l’obscurité matinale, sans le moindre éclairage du couloir de sortie, ils se tenaient tous les quatre, parents en peignoir et les petits en pyjama :
« Au revoir Julien, bonne chance. Sauve ta peau   !
— Robert, prends soin de notre mère. Je ne vous oublierai pas. Envoyez-moi des nouvelles. Je reviendrai.
— La vie continuera ici, Julien. Regarde mes deux gaillards. La maison n’est pas vide… L’avenir de la famille Digal est assuré. Si tu revi… Quand tu reviendras, tu pourras compter sur nous.
— Merci…
— En attendant, fais ton devoir de soldat, gagne la guerre contre les fanatiques   ! Tu n’as pas peur, j’espère   ?
— Ne m’oubliez pas   !
— Allez sois costaud, frangin. On t’écrira… Mais rappelle-toi aussi qu’avec tout ce travail à l’usine le temps nous manque. »
Irène renchérit :
« Ton frère s’occupera des affaires de la famille. Il fera le possible pour te dire ce qui se passe ici… »
Robert, pour éviter d’être emporté par l’émotion ou l’agacement, poussa chacun des enfants vers Julien :
« Embrassez votre oncle une dernière fois. »
Puis, il le saisit à hauteur des épaules et lui donna une rapide accolade. Irène lui tendit la main.
Cette scène de la séparation, en surgissant de sa mémoire, trois ans après son retour, le fit sortir définitivement de son amnésie. Un soir de novembre, au moment de prendre place pour le dîner, le rituel quotidien auquel il avait participé pendant les premiers mois de son retour confirmait les germes de son assujettissement à l’ambition perverse de son frère et de sa belle-sœur. Comme d’habitude, ils étaient déjà tous rentrés de leurs occupations : les ateliers, la banque, la fac, le lycée et le marché. Robert avait pris la place en bout de table. Il s’asseyait toujours le premier en faisant traîner sa chaise d’avant en arrière et de derrière en avant pour que le bruit du raclement les prévienne tous que le dîner pouvait commencer. Chacun devait s’approcher et se positionner devant la place qu’il lui avait attribuée. Personne ne savait depuis quand les emplacements avaient été établis, sauf Julien. Quand il était rentré de faire la guerre à Kaboul, Robert avait tout organisé et lui avait attribué la place du fond, celle où l’on ne pouvait s’asseoir autrement que sur un tabouret. Respect des préséances affectives. Raphaël, le fils aîné, Justine la cadette de chaque côté du père et Irène l’épouse, du côté des fourneaux à mi-longueur de la table. Un espace marquait la différence entre les quatre et le revenant. Peut-être un bon mètre de vide entre eux.
Il fallait accepter son sort.
Robert, de dix ans son aîné, avait pris les devants après la mort du père. Comme toujours. Il avait hérité du rôle de chef de la lignée : patron de l’usine.
Un ambitieux, filou et sournois.
C’était déjà bien qu’il héberge son cadet handicapé, à son retour.
Trépané ce n’était pas un atout pour faire valoir ses droits ni pour trouver une compagne, créer son propre foyer.
Julien n’avait qu’une assiette. Les autres en avaient deux : la plate et la creuse. Il n’avait que la creuse. Elle était différente et ne faisait pas partie du même service. C’était toujours la même. Il s’était assis le dernier. Il la prit en main et la retourna. Une vieille faïence de Gien.
Elle vaudrait combien dans une brocante   ?
Robert fut agacé de ce geste. Cette manie qu’il avait à chaque repas d’examiner le dos de l’ustensile. Une obsession pour une métaphore matérielle : elle était ébréch

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