Charlite - La rage au cœur
312 pages
Français

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Charlite - La rage au cœur , livre ebook

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Description

« — Bonjour, ma belle, tu as l'air bien ! Je crois qu'il est temps que tu rentres à la maison, moi je t'ai pardonné. Va chercher tes affaires, j'attends. Son mari lui faisait la conversation, comme si rien n'était survenu dans leurs vies. C'est facile de passer l'éponge quand c'est l'autre qui souffre. — Je pense pas, Charlite, je vais rester ici encore un peu, j'ai rien à faire chez vous. Et Charlite, de répondre innocemment : — Il y a le jardin à faire et la lessive et le grand ménage du printemps... — O.K., j'ai compris, alors je rentrerai peut-être avec toi quand tout cela sera fait. Reviens pas avant un bon mois. En attendant, je me repose encore un peu. Tu vois bien que je manque de couleur. » Dans le Québec de la deuxième moitié du XIXe siècle, le long du Saint-Laurent, Charles Arcand, dit Charlite pour le différencier de son père qui porte le même prénom, vient d'hériter des terres les plus riches du comté. Il va épouser la belle Estelle, par convenance plus que par amour. Un désastre annoncé, d'autant plus que le rustre ne connaît rien à la vie de couple... Chronique rurale teintée ici et là d'un humour acide, cette rage au cœur au goût souvent amer s'appuie sur le portrait d'un couple mal assorti, aussi pittoresque que désespérant, venant illustrer avec légèreté les mœurs d'un autre temps.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 mars 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342048469
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Charlite - La rage au cœur
Michèle Gauthier
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Charlite - La rage au cœur
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
 
 
Chapitre un. La demande
 
 
 
Cinq heures du matin à Neuville, petit village le long du Saint-Laurent, un soleil un peu frileux en ce début de septembre inonde déjà les terres d’une douce lumière. Un homme de trente ans se tient les jambes légèrement écartées sur la galerie de sa maison à flanc de coteau, il remarque un petit bateau qui passe sur le fleuve en bas, juste devant lui et inconsciemment admire ce domaine qui est maintenant le sien.
Charles Arcand, dit Charlite pour le différencier de son père qui porte le même prénom, vient tout juste d’hériter de tout ce qui s’étale devant ses yeux. Près du fleuve, ce sont des terres, qui chaque printemps se regorgent d’eau. Mais ce sont aussi les plus riches de tout le comté. Les dépôts laissés par les eaux qui se retirent nourrissent les semences sans aucun ajout d’engrais. Le blé et l’avoine y poussent dru et fort. L’ensemencement de ces terres se fait plus tardivement, mais la récolte rattrape vite le temps perdu.
Le coteau, lui, abrite les bâtiments et la grosse demeure de deux étages, solide et confortable. Une source souterraine alimente en eau pure et glacée toute la maisonnée. Le terrain plat, au-dessus de la colline, abrite l’érablière et une forêt qui fournissent le bois de chauffage et le petit gibier quand la viande vient à manquer chaque fin d’hiver.
Charles Arcand cède les rênes à son plus jeune : l’âge et le désintéressement en sont les principales causes. Les deux frères aînés de Charlite ont déserté la maison comme des rats : Antonin a ouvert une tannerie et Joseph un atelier de ferronnerie, l’un à côté de l’autre, au bout du village. Quant à Miranda, la plus vieille, elle a déjà une trâlée d’enfants. Celle-ci trouve qu’elle a suffisamment donné dans cette maison, qu’il est grand temps que ses frères se marient ou qu’ils fassent la besogne eux-mêmes.
Elle a signifié ouvertement à son frère et à son père qu’elle pouvait mettre la main à la pâte pour cet été, mais qu’il ne fallait plus compter sur elle pour être l’esclave dans cette maison qui sent « le chausson et la vieille pipe ». Ce sont ses propres mots.
Depuis les propos acerbes de Miranda, Charlite jonglait à longueur de journée. Il lui fallait une femme et vite. Avant, cela n’entrait pas dans ses priorités : le travail à la ferme, les parties de chasse, les discussions avec ses frères étaient les seules choses qui illuminaient ses petits yeux bleus.
À part la politique et « passe-moi le beurre », les conversations tombaient à plat dans la maison. Une idée avait germé, il se savait agréable à regarder, mais peu loquace et austère : il allait y remédier. L’homme était prêt à fournir un effort, nettoyer la maison et se mettre un peu en valeur : se laver, se peigner et changer de chaussettes, c’était un bon début.
Charlite voulait demander à Estelle Naud, en haut du village, de l’épouser. Pas de fréquentations, ce serait selon lui, une perte de temps, puisqu’ils se connaissaient depuis la petite école. C’est-à-dire très peu, le jeune homme ne montrait presque jamais le bout de son nez dans la classe de mademoiselle Roux.
Estelle, beau brin de fille, brune, délicate et raffinée aidait son père à élever trois enfants plus jeunes. Mais Adalbert s’était remarié, donc elle n’avait plus sa place dans la maison. La belle Estelle avait dépassé l’âge d’espérer un mariage d’amour, elle avait fêté la Sainte-Catherine au début de l’année.
Selon Charlite, cet arrangement était tout cuit dans le bec. Il attendait sur le perron que huit heures sonnent à la grande horloge. Charlite attela le cheval, mit un gallon de sirop d’érable, une peau de vache fraîchement tannée et un gallon de vin de pissenlit dans la charrette. Avec sa cargaison, il monta au village. Si une fille l’avait vu de si bonne heure, bien propre, les cheveux lustrés, un petit sourire aux lèvres et les yeux pétillants, il aurait eu toutes les chances de lui plaire.
Charles Arcand était grand, mince, avec un physique agréable. Ses cheveux au soleil devenaient blond cendré : fins et soyeux, ils virevoltaient à la moindre brise. Mais un air désintéressé et supérieur en faisait fuir plus d’une. On disait dans le village qu’il avait la hargne facile et le poing rapide. Les femmes dans la quarantaine lui trouvaient beaucoup de charme et se fichaient bien de son air maussade, ce n’était pas ce côté du jeune homme qui les intéressait, souvent, elles lui faisaient des avances qu’il accueillait comme un dû, mais il restait toujours à bonne distance de ces créatures trop faciles.
Il arriva enfin au magasin général, se frotta les mains et y pénétra sûr de lui. Le propriétaire, Baptiste Paquin, connaissait tout le monde, et les Arcand faisaient partie des fondateurs du village.
— Hello, Charlite, qu’est-ce qui t’amène, crêté de même ?
— Je viens acheter un de tes chiots, pour la chasse.
— Wow, wow ! ils sont tous réservés, espère pas, t’aurais dû y penser avant, mon Charlite.
— Fais-moi ton prix, ce sera le mien.
— Tu comprends pas, sont vendus mes chiots ! Pis t’as pas une cenne qui t’adore, Charles Arcand.
Charlite, de rétorquer :
— Je les ai vus dans ta cour avec la chienne, sont juste en âge de partir.
Baptiste changea d’humeur, il commença à empiler des poches de farine. Sur le point de perdre patience, il tournait volontairement le dos à Charlite. Personne ne voulait se mettre Baptiste à dos, grand, tout en muscle avec un cou de taureau, il ne rechignait pas à se joindre à une petite bagarre. Alors Charlite changea de tactique, juste à temps avant de se faire mettre dehors.
— Écoute, Baptiste, c’est pour moi le chien, pis c’est pas pour moi : tu vois comment je fais le frais ce matin, ben je veux l’offrir à Estelle Naud et la demander en mariage. Je peux pas arriver les mains vides, batèche. Je ne sais pas quoi lui dire.
— Charlite, c’est pas un chiot que ça te prend, c’est une bague, imbécile !
Mais Baptiste s’était adouci, et Charlite réussit à l’amener jusqu’à la charrette.
— Tu vois ce qu’il y a dedans, c’est à toi.
Baptiste, que l’appât du gain rendait plus jovial, hésitait encore. Mais Charlite avait gardé une arme de dernière minute, il sortit le gallon de vin de pissenlit, caché sous le siège. Le marchand, reconnu pour faire cul sec, quand Albina sa femme ne le regardait pas, ne pouvait résister à une telle offre :
— Je suis beau joueur, Charlite, choisis-en un et décharge ton boghey, pour la belle Estelle, je peux pas refuser.
Baptiste, qui regardait avec envie le gallon de vin, espérait que Charlite décolle du magasin au plus vite. Il ressentait soudain une petite soif…
Charlite choisit, parmi une dizaine de chiots, un golden retriever de deux mois, tout rond, tout blond. La bête lui avait coûté cher, mais il entrerait dans son argent en faisant de l’accouplement. Jamais il ne lui était venu à l’idée qu’Estelle garde le chien et puisse refuser sa demande en mariage.
Il remonta dans sa carriole, satisfait et fier de lui. Les manigances devenaient de plus en plus sa spécialité. Rendu à la maison, il prit un panier à pique-nique en osier, y déposa un linge à vaisselle tissé par sa mère, il y coucha le chiot. Charlite était prêt pour la conquête d’Estelle. Et heureux, il fredonnait.
* * *
Estelle regardait par la fenêtre de sa chambre cette aurore un peu triste. Le soleil paresseux qui faisait le bonheur de Charlite en ce même matin, à quelques milles de distance, l’attristait.
La grisaille automnale ressemblait à ce que tout son corps ressentait. Depuis le mariage de son père, Adalbert, avec Gertrude Paquin, elle ne trouvait plus aucune raison de commencer sa journée. Tout le travail de la maison, sa belle-mère le faisait, et très bien même, trop bien, elle n’avait plus sa place. Comme le soleil, elle se demandait pourquoi se lever.
Sa mère très malade était décédée après quelques années de souffrance, Estelle sans s’en rendre compte l’avait remplacée. Cela faisait maintenant sept ans qu’elle s’occupait de ses frères, maintenant qu’ils aidaient à la ferme et dans la maison, son père la mettait au rancart.
Elle entendait toute la maisonnée qui s’agitait pour le déjeuner, elle descendrait la dernière pour la première fois depuis bien longtemps. Doucement, elle fit son lit, une toilette rapide, et le cœur gros ouvrit le coffre au pied de son lit. Vide, vide, vide, comme son avenir…
Quatre taies d’oreiller oubliées dans le fond, en attente d’être brodées, jaunissaient. Bien maigre butin pour la plus jolie fille du village. Elle n’avait pas eu une minute à elle depuis des années.
À dix-sept ans, Estelle fréquentait le beau Wilbrod Perreault, celui-ci avait fait sa grande demande, Adalbert avait refusé net :
— Veux-tu tous nous faire mourir ? Je ne te la donne pas pantoute mon Estelle, j’en ai trop besoin. Trouve-toi une autre belle fille du village, mon gars.
En même temps qu’Adalbert refermait la porte derrière Wilbrod, il fermait aussi celle du cœur d’Estelle. La jeune fille ressentit le claquement dans tout son être. Et ce matin, tous ces souvenirs lui revenaient en force. Jamais elle n’aurait abandonné sa famille, mais maintenant, il était trop tard pour elle.
Estelle descendit quand

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