Les Histoires extraordinaires de mon grand-père : Lorraine
133 pages
Français

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Les Histoires extraordinaires de mon grand-père : Lorraine , livre ebook

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Description

Les Histoires extraordinaires de mon grand-père : Lorraine - Rares sont les ouvrages qui vont chercher ce qui se cache derrière cette terre d'anciens clichés et histoires de veillées. Or cette vieille province de la Lorraine, possède bien d'autres trésors, bien d'autres richesses, un patrimoine oral particulièrement original et varié, transmis de génération en génération depuis ces temps que l'on dit "immémoriaux" ici racontés avec talent et humour par mon grand-père. Ce sont des histoires, à faire sourire, à faire peur, mais surtout à faire rêver... que nous racontaient nos grands-pères, et nos pères avant eux.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 janvier 2013
Nombre de lectures 92
EAN13 9782365729253
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La cigogne de Montmédy


Lorraine avait épousé Lorrain au printemps de l’année dernière.
Cela faisait maintenant vingt longs mois qu’elle attendait que cette union tant espérée fasse d’elle une mère. Oh ! Ce n’était pas très long, vingt mois. Il ne fallait pas désespérer, elle finirait bien par tomber enceinte, lui répétait sa mère. Cette dernière avait mis au monde huit enfants.
Peut-être, mais pourquoi Lorraine ne serait-elle pas aussi féconde que sa mère ?
– Vis ta vie et les choses se feront naturellement, assurait cette dernière.
Lorraine retrouva le calme pendant quelques semaines. Puis, peu avant le nouvel an, elle se résolut à consulter une voyante du village.
– Je n’en peux plus d’attendre. Et j’ai peur que Lorrain commence à s’impatienter lui aussi. Et quand les hommes s’impatientent…
– Ne crains rien. Dites-moi si les cigognes visitent votre toit.
– Oui. C’est bien cela qui me fait peur. Nous avons eu une cigogne noire dès le début de notre mariage. Cette année, elle est revenue. Alors j’angoisse. Elle pourrait revenir bientôt. J’ai voulu que Lorrain la tue avec son fusil de chasse mais il a refusé parce que pour lui ce serait un sacrilège.
– C’est vrai. Vous ne devez pas tuer une cigogne qui a choisi votre toit. Sous peine de déclencher des malheurs sans fin.
– Alors, que faire ?
– Attendre qu’elle soit blanche…
– La cigogne ?
– Oui. Au printemps prochain, si elle est blanche, vous pourrez enfanter. Si la cigogne n’apporte pas les enfants, c’est pourtant elle qui gouverne l’esprit de la grossesse en Alsace-Lorraine.

Lorraine raconta à Lorrain son entretien avec la voyante. De son côté, il avait pris la décision de partir en pèlerinage à Notre-Dame de Sion, à une cinquantaine de kilomètres du village. Il partirait tôt le matin et marcherait sans s’arrêter jusqu’à ce qu’il atteigne le monastère.

– Et pourquoi ne pas attendre la venue de la cigogne blanche, objecta Lorraine.
– Je vais implorer la sainte pour deux choses en même temps : que la cigogne blanche choisisse notre toit et que tu sois enfin grosse.

Lorrain fit comme il avait dit et quitta le domicile conjugal avant le lever du jour. Lorraine se rendormit et rêva que l’on déposait un beau bébé dans le berceau qu’elle tenait de sa mère et dont la présence au pied de leur grand lit était comme une provocation qu’elle ressentait chaque fois qu’elle entrait dans la chambre à coucher.
Quand Lorraine se réveilla de nouveau, elle se rappela ce que lui avait dit la voyante. Elle fit sa toilette et sortit pour examiner la partie du toit où la cigogne séjournait habituellement. Les ardoises étaient encore recouvertes de neige mais aucune trace du grand oiseau dont elle appelait l’arrivée de ses vœux.

Les semaines passaient lentement, trop lentement. Lorraine passait ses journées à soupirer devant la fenêtre. Un jour que le ciel était sans nuage et que quelque chose venait de changer dans la lumière, elle crut apercevoir l’ombre d’un grand oiseau. Elle se précipita à l’extérieur et jeta la tête en arrière pour voir, tout là-haut sur le faîte, si la cigogne daignait enfin honorer son foyer.
Et en effet : à dix mètres au-dessus du sol, un magnifique spécimen de ciconia ciconia se lissait les plumes contre la cheminée. Lorraine laissa échapper aaaah ! de bonheur puis joignit les mains devant la bouche en signe de reconnaissance. Enfin, enfin ! Lorrain serait heureux d’apprendre à son retour de Sion que leur souhait venait d’être exaucé.

Durant les semaines qui suivirent, Lorraine prit mille précautions pour ne s’exposer à aucun risque ni contrariété qui pût compromettre la maternité. Durant l’été, torride cette année-là, Lorraine évita de s’exposer aux rayons du soleil. Elle ne sortait que le soir, à la fraîche, brièvement. Quand vint le temps des vendanges, son ventre accusait déjà un très léger arrondi qu’elle poussait devant elle avec une fierté non dissimulée.

La cigogne s’en était allée depuis longtemps. L’hiver revint et Lorraine prit un embonpoint certain. Le mois de janvier passé, elle s’attendait à revoir la cigogne qui lui avait porté chance.
Elle se fit accompagner plusieurs fois par Lorrain mais l’oiseau tardait à revenir d’Afrique. Jusqu’au jour où Lorraine perdit les eaux et dut appeler la sage-femme de Montmédy.
Accourue en hâte, cette dernière fit une entrée intempestive en s’écriant : « ça y est, c’est le printemps ! vous avez une cigogne sur le toit ! »

Un sourire de bonheur passa sur le visage en sueur de Lorraine.
« Une grande cigogne noire ! »
Lorraine fit une moue de douleur que la sage-femme prit pour l’annonce du début des contractions.
« Détendez-vous, respirez bien ! »

L’accouchement se déroula dans les meilleures conditions. En moins de deux heures, l’enfant reposait à côté de sa mère exténuée mais comblée. L’enfant reçut le prénom de Marie-Cigogne, en hommage au bel oiseau voyageur venu apporter le bonheur dans la maisonnée.

Quand eurent lieu les relevailles, Lorrain fit servir un dîner de fête à l’intention de son épouse. Une tante maternelle invitée pour l’occasion de rendit dans la chambre de l’enfant dont on allait fêter la première semaine au monde.
– Nom dè zot! ! hurla-t-elle. Venez-voir !
Ceux qui étaient déjà présents dans la salle à manger rejoignirent la tante à l’étage.
– Regardez Marie-Cigogne !
– Quoi ?
– Regardez sa bouche !
Lorraine s’approcha de son enfant, passa l’index sur les lèvres de l’enfant et poussa un cri terrifiant.
– Non ! Non !
– Le diable est parmi nous ! hurla une grand-mère.

Les petites lèvres de Marie-Cigogne avaient durci et viré au rouge orangé.
– Mais c’est de la corne, sanglota Lorraine.
La bouche du bébé formait un O et se présentait comme la naissance d’un cône effilé.
– On dirait…., commença Lorrain la gorge nouée, on dirait… un bec.

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