Les histoires extraordinaires de mon grand-père : Provence
154 pages
Français

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Les histoires extraordinaires de mon grand-père : Provence , livre ebook

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Description

Les histoires extraordinaires de mon grand-père : Provence - Rares sont les ouvrages qui vont chercher ce qui se cache derrière cette terre d'anciens clichés et histoires de veillées. Or cette vieille province de la Provence, possède bien d'autres trésors, bien d'autres richesses, un patrimoine oral particulièrement original et varié, transmis de génération en génération depuis ces temps que l'on dit "immémoriaux" ici racontés avec talent et humour par mon Grand-pères. Ce sont des histoires, à faire sourire, à faire peur, mais surtout à faire rêve... que nous racontaient nos grands-pères, et nos pères avant eux.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 janvier 2013
Nombre de lectures 70
EAN13 9782365729260
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Magali de Peypin


Les anciens de Peypin se souviennent de l’histoire de la jolie Magali, leur charmante concitoyenne à qui il advint les tourments incommensurables que l’on va lire ici.
Belle comme elle était, Magali avait su très tôt qu’elle n’aurait pas que des amis, et qu’elle devrait observer une prudence de tous les instants.
- Avec tout ce soleil dans tes cheveux, évidemment tu éblouis un peu en Provence, expliquait prudemment sa mère.
Car, bien sûr, on l’enviait, on la jalousait et parfois même on la détestait pour l’insolente beauté que la nature lui avait donnée. Si Magali était belle, en effet, elle était aussi d’une compagnie fort agréable. Il fallait donc beaucoup de rancœur accumulée et d’injustice pour vouloir lui nuire. Mais la sagesse n’est pas également répartie parmi les humains et certains ne savent ou ne veulent pas réprimer leurs mauvais penchants.
Les parents de Magali furent soulagés quand ils purent fiancer leur fille à un honnête garçon des environs de Crespin. Il devait être natif de Saint-Zacharie Il ne possédait rien mais il était travailleur, d’une bonne humeur constante et se nommait Marius.
Lorsqu’un enfant vint égayer le foyer, le bonheur du couple fut à son comble. L’un et l’autre redoublèrent d’entrain au travail. Les terres que Marius cultivaient étaient données en exemple, quant à la maison et au jardin potager sur lesquels veillait Magali, ils faisaient dans tout le pays l’objet d’une admiration générale. On voyait Magali arroser ses fleurs et ses légumes, s’affairer sans répit à la lessive et aux soins du logis.
C’est alors que débuta une sécheresse redoutable qui priva Magali de l’usage du puits situé dans le jardin, derrière la maison. Il fallait donc aller puiser l’eau ailleurs. Elle prit l’habitude de remplir ses seaux et ses cruches dans le puits des frères Fadet. Ils se faisait appeler ainsi parce que ça sonnait mieux par ici, mais leur vrai nom, c’était Fadetti.
La sécheresse, l’étiolement des fleurs, le jaunissement des plantes, les fatigants transports de l’eau, tout cela Magali le supportait aisément. Il suffisait qu’elle se parle à elle-même, qu’elle se dise combien ce travail était noble puisqu’il contribuait à nourrir sa famille, et tout de suite la peine était moindre, la besogne quotidienne plus légère. Le désagrément venait d’ailleurs.
Désormais, quand elle allait prendre de l’eau, un frère Fadet – le brun – s’y trouvait aussi et ne la lâchait pas des yeux. Il restait là, appuyé sur la margelle, à la regarder sans rien dire, mais avec une lueur inquiétante dans les yeux, une lueur à faire peur. Quand Magali s’en retournait au foyer, elle voyait que Fadet-Brun rentrait lui aussi. Il était donc certain qu’il sortait exprès pour elle.
En quelques jours, la corvée d’eau était devenue pour elle une très pénible besogne. Comment se débarrasser de ce malotru aux regards insistants ? Tant que durerait la sécheresse, Magali ne voyait aucune issue. Comme elle ne voulait pas mettre Marius dans de mauvaises dispositions à l’égard de leur voisin, elle s’abstint de lui raconter sa déconvenue.
Pendant des semaines, Magali endura seule la gênante confrontation avec celui qui leur donnait son eau. Cela se voyait, Fadet-Brun subissait le charme qu’exerçait bien involontairement sur lui la Magali. Sa beauté, ses cheveux, la magnifique ligne de son corps svelte, sans parler des traits de son visage, constituaient pour lui un véritable trésor vivant duquel il avait besoin de s’approcher pour le contempler. Cela le remplissait de bonheur et il ne songeait pas à se priver de cette félicité que lui procurait la venue fréquente de Magali sur son arpent de terre. Il savait certes qu’elle lui demeurerait inaccessible, sauf si Marius disparaissait un jour.
Conseillé par son frère, Fadet-Brun tenta très sincèrement, non pas d’oublier Magali, car cela lui était impossible parce qu’il l’aimait et parce qu’ils étaient voisins, lais au moins de faire disparaître de son esprit cette incessante préoccupation qui l’empêchait de penser.
Fadet-Brun s’en fut demander à Dame Nature qu’elle veuille bien lui sortir de la tête ses douloureuses idées d’amour. Fadet-Brun voulait en finir avec cette sensation permanente d’ébullition dans sa poitrine. Il prit son fusil et marcha très longtemps, chassant peu, se reposant souvent et méditant sur un avenir sans la tendresse de Magali, une perspective effrayante.
Au sortir des bois, Fadet-Brun arriva à la conclusion qu’il n’avait sûrement pas tout essayé pour gagner l’affection de Magali. Et au lieu de la boire des yeux béatement, peut-être fallait-il lui parler, lui permettre ce faisant de découvrir qui il était. Lui aussi, il savait être charmant quand il le voulait.
La sécheresse fut longue et dévastatrice, cette année-là. Magali usa encore pendant des mois de la générosité des frères Fadet pour remplir seaux et cruches. S’il lui arrivait de temps à autre de tomber nez à nez avec Fadet-Blond, elle s’était étonnée de ne plus jamais rencontrer Fadet-Brun, même si cela lui ôtait un lourd fardeau. Elle se garda bien de questionner Fadet-Brun sur son frère et se contenta de le saluer gaiement quand ils se croisaient.
C’était dans les derniers jours de l’été. Le vent s’était calmé après le coucher du soleil et une nuit d’encre enveloppait maintenant le village. Magali avait été occupée tout le jour par les soins de la maison. Marius était rentré des champs à la nuit tombante et, après avoir avalé un bol de soupe, il était tombé de fatigue sur son lit comme un fagot de bois mort.
Magali réparait les vêtements du petit quand elle entendit un doux chant dans le jardin. Elle tendit l’oreille et crut bien reconnaître le rossignol qui fréquentait leur maison depuis qu’ils s’y étaient installés, comme pour rajouter encore à la joie familiale.
Le roussignòu aimait cette maison, cela s’entendait aux merveilleuses inflexions de son chant. C’était un oiseau de bonheur qui ne pouvait que conforter la bonne fortune de ses occupants. Écartant le rideau, Magali essaya d’apercevoir sa petite tête dans la nuit. Mais aucune lueur n’aidait ses yeux. Se trouvait-il dans l’arbre ou sur le muret du jardin ? Le chant coulait comme une source pure dans les ténèbres. Avait-on jamais vu obscurité plus joyeuse ?
Magali se surprit à sourire au sujet de l’oiseau. Elle ouvrit sa porte et comme elle souriait encore, l’homme qui se trouva devant elle à cinquante centimètres de son visage sourit aussi. Partagée entre l’effroi et la crainte de réveiller enfant et époux, Magali se retint de crier. L’homme entra et alla s’asseoir auprès du feu.
Magali pensa qu’il était sage de ne pas protester puisque cet homme n’était autre que son bienfaiteur de l’été, Fadet-Brun. Elle prit sa quenouille et se mit à filer sans laisser paraître son trouble. Lorsque l’enfant parut être sur le point de sortir de son sommeil, Fadet-Brun commença à le bercer. Magali ne disait toujours rien.
Avec la longue cuiller en bois qu’il prit sur le manteau de la cheminée, Fadet-Brun se mit à tourner les mogettes qui finissaient de cuire sur le feu mourant. Magali le regarda faire avec étonnement mais elle ne dit rien. Lorsque, dans le meuble de la grosse horloge comtoise, un déclic se fit entendre, suivi de douze coups de carillon, Fadet-Brun se leva, vissa son béret sur sa tête et sortit tête baissée.
Magali demeura une partie de la nuit devant l’âtre à réfléchir. Que signifiait cette soudaine visite ? Pourquoi n’avait-elle pas protesté ? Fadet-Brun n’allait-il pas en conclure qu’elle l’autorisait à venir lui faire la cour jusque dans son propre foyer ? Pendant tout le temps qu’il était resté assis sur la chaise de Marius, elle n’avait pas prononcé un seul mot. Or, comme le veut l’adage, qui ne dit mot consent. Elle aurait voulu rattraper Fadet-Brun, hurler sa désapprobation. Mais il était trop tard. Plusieurs heures s’étaient écoulées. Fadet-Brun était rentré chez lui. L’incident était clos. D’ailleurs, était-il clos ? Et s’il s’avisait de revenir une autre fois ? Que faire alors ? Fallait-il en parler à Marius ? Le pauvre homme, quel souci cela serait pour lui ! Il ne supporterait pas qu’un homme vienne ainsi semer le désarroi sous son toit. S’il n’était pas violent, il pouvait le devenir. Comme il serait regrettable de mettre un homme si paisible sur la voie de la brutalité. Magali décida de se taire, pensant que s’abstenir de rapporter un fait n’était pas encore mentir.
Quand elle ouvrit le tiroir du buffet pour y prendre les couverts, elle y trouva deux pièces d’or.
Le lendemain soir, alors qu’elle s’apprêtait à rejoindre son époux déjà assoupi dans la chambre à coucher, Magali entendit ce que toute la journée elle avait redouté d’entendre : le chant du rossignol interprété par ce pignouf de Fadet-Brun. Le problème s

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