De loin et de près
146 pages
Français

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De loin et de près , livre ebook

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Description

Extrait : "Qui est-ce donc qui a publié dernièrement une histoire groënlandaise ? J'en sais une aussi, et je voudrais la raconter. – J'espère que ce n'est pas la même. – Il paraît que l'autre narrateur a pris, pour savoir son histoire, un procédé et un chemin tout différents des miens."

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 19
EAN13 9782335087383
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335087383

 
©Ligaran 2015

I Frédérique et Harald

Conte groenlandais
Qui est-ce donc qui a publié dernièrement une histoire groenlandaise ? J’en sais une aussi, et je voudrais la raconter. – J’espère que ce n’est pas la même. – Il paraît que l’autre narrateur a pris, pour savoir son histoire, un procédé et un chemin tout différents des miens. Il est allé dans l’océan Arctique – 70 degrés de latitude nord – et a subi les fatigues d’un rude voyage, tandis que, moi, j’ai lu autrefois mon histoire dans un bouquin au coin d’un bon feu de houille, ou couché sur l’herbe, du temps que j’habitais la France et la Normandie.
C’est à vous que j’adresse ce récit, habitants autochtones ou accidentels de ce doux pays de Nice ; j’espère qu’il vous fera apprécier l’hiver que vous allez escamoter.
Il y a fort longtemps – dans une partie du Groenland que ma mémoire ne me permet pas de déterminer d’une façon très précise – entre Julianeshaab et Egedesminde, vivaient deux jeunes gens, fille et garçon, d’une beauté si merveilleuse, que les habitants leur donnèrent les noms de deux de leurs ancêtres, qui, selon la tradition du pays, après beaucoup de hauts faits en tout genre, devinrent, l’un le soleil, l’autre la lune.
Malheureusement, j’ai oublié ces deux noms, et, doué de peu de facilité pour les langues, je n’ai jamais su le groenlandais ; cela me fait perdre beaucoup de couleur locale que je serai forcé de remplacer par d’autres procédés. Les appeler Lune et Soleil en français, comme il peut, au premier moment, paraître raisonnable de le faire, pourrait jeter sur mon récit une teinte à demi-grotesque que je veux éviter. – Nous leur donnerons, s’il vous plaît, des noms danois qui pourraient bien avoir été les leurs avant qu’on les eût nommés Lune et Soleil ; nous les appellerons Frédérique et Harald .
Frédérique était née sur la plage où se passe notre histoire ; Harald était venu récemment en canot de la partie la plus reculée ; on pensait qu’il avait, pendant une pêche lointaine, rencontré Frédérique avec ses parents, et que c’était l’amour qui lui avait fait quitter son pays.
Cependant, comme il arriva à la fin de l’été, qui dure six semaines, et que, à cette époque, on s’occupe opiniâtrement d’amasser les provisions de l’hiver, les deux jeunes gens ou ne se rencontrèrent pas, ou ne se virent que de loin ; mais bientôt commença l’hiver de dix mois et demi, et on se retira dans les habitations.
Ces habitations sont des souterrains creusés à efforts communs, et dans lesquels chaque famille se creuse dans une anfractuosité une petite hutte particulière, où l’on se renferme avec ses provisions. – Le froid devenait piquant : 45 degrés centigrades au-dessous de zéro.
Harald invita Frédérique et sa famille à un festin dans sa hutte. Frédérique se para de son mieux ; elle se peignit le front de jaune et les mains de vermillon ; elle serra autour de sa taille une peau de renne, passa dans son nez un large anneau de cuivre, mit son beau collier de dents de requin et ses bracelets de coquillages ; dans ses cheveux nattés et oints d’huile de baleine étaient attachés des morceaux de corail. La richesse, l’élégance et le bon goût de cette parure portèrent le dernier coup à l’indépendance d’Harald. En effet, Frédérique, sans être tout à fait l’esclave de la mode, sans en adopter les exagérations, la suivait cependant de façon à conserver la réputation qu’elle s’était acquise d’être la fille la mieux mise de la tribu.
Harald était riche : autour de sa hutte étaient rangés un grand nombre de vases pleins d’huile de phoque et de baleine ; des morceaux de ces mêmes poissons, desséchés à la fumée, étaient appendus aux parois, dans une telle profusion, qu’il était impossible qu’il consommât seul toutes ces provisions pendant l’hiver.
Harald était somptueusement vêtu d’un grand tapis formé de la peau de huit renards rouges ; il répondit avec modestie aux éloges que l’on fit de sa fortune, de façon à montrer qu’il ne s’en enorgueillissait pas ; il fit asseoir ses convives sur des lits de mousse sèche et de lichen, et le festin commença. – On plaça devant Frédérique une queue de baleine, morceau fort estimé ; on but de l’huile de baleine d’une fraîcheur exquise ; les têtes commençaient à s’échauffer, lorsque Harald se leva et récita un poème qu’il avait composé en l’honneur de Frédérique :
« Oh ! qu’il soit, après sa mort, enseveli sans son arc et ses flèches, sans canot et sans harpon, celui qui oserait me disputer la belle Frédérique ! qu’il erre dans l’autre vie, désarmé, au milieu des troupes de rennes et de lièvres blancs ! qu’il voie, du bord de la mer, se jouer, aux orages, des troupes de phoques, sans qu’il puisse les atteindre !
Que, dans les régions des âmes, ce séjour des bienheureux où il y a des étés de six mois, et où il ne gèle jamais qu’à 15 degrés, son crâne serve de coupe pour boire l’huile parfumée et enivrante des lampes célestes, à celui qui oserait arrêter sur elle des regards de convoitise !
Frédérique est plus belle que le premier soleil qui fond la glace, plus charmante que les premières mousses vertes du printemps. »
Cette poésie fut généralement admirée. Frédérique, en particulier, y fut sensible. En effet, on demandait un jour à une jolie femme :
– Lesquels aimeriez-vous mieux, des vers de Lamartine ou de ceux de Victor Hugo ?
– J’aime mieux, dit-elle, des vers de quatorze pieds faits par un nommé Gustave ; mais ils sont faits pour moi.
La famille de Frédérique fut enchantée de voir un pareil parti se présenter pour leur fille.
Harald offrit alors timidement quelques présents qui achevèrent d’émerveiller les grands-parents ; il voulut lui-même attacher à l’extrémité des longues tresses de Frédérique deux boutons de guêtre en cuivre avec le n° 19, désignant un régiment danois, qu’un soldat lui avait abandonnés contre la peau d’un renard blanc.
Il lui donna des aiguilles d’os de poisson et la peau entière d’un ours blanc pour lui servir de lit ; il lui donna encore une grande jarre pleine d’une excellente huile de baleine et quatre paniers d’œufs de poisson séchés.
Les parents les déclarèrent fiancés.
On comprend que l’amoureux Harald pressait le jour de l’hymen ; mais Frédérique, qui était coquette, et qui voulait encore jouir de sa liberté, exigea qu’on remît l’union à l’hiver suivant, lorsque l’on se renfermerait de nouveau sous la terre. En vain Harald supplia, en vain la famille de Frédérique se joignit à ses prières : elle fut inflexible.
L’hiver se passa ainsi ; la glace fondit, la neige laissa voir les lichens et la mousse ; on sortit des cavernes et l’on se mit en devoir de ramasser les provisions pour l’hiver, qui allait recommencer dans six semaines.
Personne n’était aussi ardent que Harald ; il ne s’agissait plus pour lui de subvenir à ses besoins ; il fallait que Frédérique fût heureuse et riche ; il voulut qu’elle pût manger des grillades de veau marin tous les jours, et eût de l’huile de baleine à discrétion pour assaisonner les mets, allumer les lampes et oindre ses beaux cheveux.
Mais, au plus beau moment de la pêche, il survint une tempête qui chassa tout le poisson de la côte. La plupart se résignèrent à vivre plus maigrement pendant l’hiver et à se contenter de ce qu’ils avaient pu prendre jusque-là ; mais Harald ne voulut rien écouter. Il décida qu’il partirait et suivrait le poisson sur une autre plage. Quelques autres pêcheurs résolurent d’imiter son exemple. Il alla trouver Frédérique et lui dit :
– Chère âme, je pars ; peut-être me sera-t-il bien difficile de revenir et la plupart de mes compagnons resteront, pendant l’hiver qui vient, sur les plages où nous allons pêcher. Sois ma femme, alors tu pourras venir avec moi.
Frédérique refusa opiniâtrement.
– Nous nous marierons cet hiver ; et, si tu ne peux revenir, nous nous marierons au printemps.

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