De peaux et de sang
142 pages
Français

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De peaux et de sang , livre ebook

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Description

De retour à Saint-Laurent, Guylène a repris le travail à l’agence, pour le plus grand soulagement de son assistante. Loretta est dans tous ses esprits, mais la vie continue. Guylène repense à son entretien psychologique avec Edouard, qui l’a beaucoup éclairée sur ses interrogations, sa souffrance, mais aussi sur son impuissance. Et c’est précisément sur ce dernier point que Guylène souhaite agir, en quelque sorte pour prévenir et sauver d’autres Loretta de cette descente aux enfers, ce scénario macabre...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 septembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332951885
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-95186-1

© Edilivre, 2015
Première partie Suffocation
 
 
 
E rgeline a mal. Il est trois heures du matin. Elle est seule, avec sa rage de dent qui fait des ravages dans sa tête. Au moins, elle ne pense plus à rien, ni à lui ni à sa propre peine. La douleur dentaire a fait taire la douleur ventriculaire, seulement, celle-ci à son tour, persiste et insiste.
Cinq heures du matin, Ergeline sent enfin ses paupières s’alourdirent, et la névralgie doucement s’estomper.
Voilà dix jours, qu’elle n’a pas bougé de cette chambre, de ce lit, ou plutôt de son taudis.
C’est donc vrai, se dit-elle, José est parti…
Et après, à quoi s’attendre maintenant, que faire ?
Ergeline chuchote à demi-endormie, groggy par la douleur ; la tête enfoncée dans son oreiller :
« A quoi bon, femme djok 1 , dibout’ 2 , verticale… Bla-bla, bla-bla… Servile et se taire ».
Un an plus tôt…
Au bureau des objets trouvés, à cette époque c’est là qu’Ergeline employée administrative y travaillait, lorsqu’un certain matin de grisaille absolue, elle entendit sa voix.
Une voix, qui sur le champ la surprit, somme toute agréablement.
Au bout du fil cette voix d’homme, chaleureuse, était celle de José.
Il était Voyageur Représentant Placier dans une grande compagnie d’assurance, il se disait courtier pour faire plus court. Et vrai, il avait un timbre jovial et avenant.
Ce mardi matin le responsable du service, monsieur Belqueu Alain s’était absenté, comme à son habitude d’ailleurs, sans prévenir. Il avait donné pour consigne à Ergeline de convenir d’un rendez-vous avec monsieur Galantine José, qui devait en principe lui téléphoner vers dix heures.
Dix heures cinq minutes, Ergeline regardait sa montre, songeant déjà à l’heure du départ qui tardait décidément à arriver, lorsqu’au même moment le téléphone sonna, elle décrocha. C’était lui, monsieur Galantine José. Habituellement la prise de rendez-vous durait à peine trois minutes, mais avec lui un bon quart d’heure s’était écoulé avant qu’elle ne raccrochât, sans qu’elle ne s’en aperçût du reste.
Ergeline qui riait si peu, surprit par ses éclats de voix, le reste de ses collègues de bureau, une équipe essentiellement féminine. C’est vrai définitivement, José était drôle, et d’une courtoisie, mes amis 3  !
“Eh Margo, a sa ki rivel” 4 , commenta Sidone. “Hum, la fin du monde ka préparé, ehehey ! 5 ” Renchérit Margo.
Ainsi, démarra un curieux rituel. Tous les matins, José même très brièvement contactait Ergeline au téléphone pour faire un brin de causette. Il égayait drôlement ses journées au boulot, qui étaient quotidiennement si monotones.
En effet, comme nombre de jeunes diplômés de sa promotion, elle s’était trouvée contrainte de saisir une fois sur le marché du travail, ce qu’il lui avait été proposé d’emblée : un job.
Si décevant soit-il, il lui permettait de payer son loyer, ses sorties nocturnes, et d’économiser pour financer des voyages qui lui faisaient tant miroiter.
Car, évidemment son salaire minuscule ne lui permettait pas de faire des extras, et de s’offrir le luxe du dépaysement. Le plus cruel dans tout ça, c’est qu’Ergeline n’avait pas ménagé ses efforts pour gagner ces extras de la société libérale. Elle qui avait consacré six ans après le bac à se former dans les villes européennes, dans le but en vérité d’occuper des fonctions bien mieux rémunérées, une fois revenue au pays. Ce pays, où le sentiment de l’urgence du retour, entretenu si ardemment s’apparentait davantage désormais à un fantasme grotesque et honteux.
La désillusion était complète, et Ergeline circonspecte demeurait dans une hébétude quasi permanente.
Tous ses projets, toutes ses aspirations semblaient paralysés par le Noyau. Le Noyau était pour Ergeline cette bête immonde, qui verrouillait habilement ce qu’il convenait d’appeler le système.
– Qu’importe ! Se disait-elle, du moins au début.
Que pouvait-elle faire d’autre, de toute façon. Sauf que le Noyau, lui était bien en place, et alimenté de l’apport des nouvelles recrues lourdement parrainées. Ces pistonnés étaient conditionnés afin de poursuivre le travail d’épuration contre ceux qui gênaient le système. Hors du Noyau, point de salut.
Où était donc l’erreur qui avait faussé à ce point les calculs d’Ergeline, la plongeant dans un quotidien professionnel tellement aberrant.
Alors, man’zelle Ergeline flottait en lévitation dans cette société à laquelle pourtant elle avait tant voulu appartenir, secouée à la fois d’indignation, et de consternation.
La sincérité d’antan de son sourire doublement affable et naïf, avait laissé place à un rictus hagard et triste. Voilà ce que ce système avait fini par faire d’elle : une paumée incapable d’être prise au sérieux, et à qui on pouvait proposer en dépit de son niveau d’ingénieur en aménagement du territoire, sans le moindre scrupule un emploi de frappe au kilomètre.
Et gare, vu le chômage qui touche plus de quarante pourcent des jeunes, elle serait jugée ingrate, suffisante, si elle se refusait à cette opportunité.
A ce stade-là, il ne lui restait désormais plus que la pitié. Ses forces mentales et intellectuelles avaient fini par être anesthésiées, à tel point que l’indignation et la consternation n’étaient plus à sa portée.
Alors, lorsque cette voix sonore et rassurante se fit entendre, la lumière fût dans l’obscur du cœur d’Ergeline, qui avait presque oublié la chaleur si singulière de celle-ci.
C’était convenu et décidé, il fallait qu’ils se voient de visu quand même. José invita donc un soir Ergeline au restaurant. Il lui laissa le choix de la table, mais celle-ci trop intimidée insista pour qu’il lui fasse des propositions. Finalement, ils optèrent pour quelque chose de classique. Une table spécialisée dans les plats de viandes grillées. José était très volubile, il ne laissait rien de côté. Sa vie, sa famille élargie, sa situation fiscale et même ses projets. Tout était revu et commenté, en détail. C’était son grand oral, il l’avait préparé avec soin, ça s’entendait et se laissait regarder.
Ergeline, parlait peu mais écoutait avec avidité, observait tous les faits et gestes de son interlocuteur, puis souriait et riait sans retenue.
Un jeune homme au visage d’ado, et une jeune femme aux yeux las et inquiets riant bruyamment, voilà un bien curieux duo, se disait Tiffany assise en face de Pierre, à deux tables plus loin du couple.
Cela faisait dix ans qu’elle vivait avec Pierre, les deux filles et leurs deux chiens. Leur couple était à l’instar de beaucoup d’autres : un foyer. Pierre était un bon père, les deux filles et les deux chiens l’adoraient. Ce n’était pas étonnant pensait Tiffany, il est si gentil.
Globalement et quotidiennement Pierre et Tiffany n’avaient presque jamais rien à se dire, et occasionnellement lorsqu’ils se parlaient en se croisant dans la maison, c’était pour exposer leurs désaccords sur le thème des enfants, ou des chiens.
Elle travaillait beaucoup parce qu’elle aimait ça, du moins le pensait-elle. Il était très rarement à la maison, pris dans ses activités associatives et artistiques, parce qu’il était fait pour ça, en était-il convaincu.
Une fois par mois juste après ses menstruations, Tiffany couchée auprès de Pierre dans leur lit king size taclait du pied, la cheville de ce dernier. C’était le code. Alors allongé sur le dos, il se retournait vers elle, et sans un mot la chevauchait. C’était ainsi.
Voilà c’est fait, rendez-vous aux prochaines règles, se disait Tiffany. Ce n’était pas déplaisant, mais… Si seulement je pouvais en être dispensée, se disait-elle encore, mais… Pierre est si gentil, il en souffrirait sans doute trop.
En plus quand il eut fini, il lui disait toujours merci. La politesse, ça doit pouvoir servir aussi à ça non ; ouvrir des portes.
C’était bien la première fois en six ans, exactement l’âge de la petite dernière, que Tiffany acceptait de se rendre au restaurant en tête à tête avec Pierre, son compagnon.
En fait, ce qu’elle craignait se produisit. Elle s’ennuyait et pour dissimuler cela, elle lui parlait de ses frères et sœurs, des histoires de cul de ses collègues, ce qui les amusa beaucoup au demeurant.
Quelle était cette atmosphère si étrangement sucrée et molletonnée qui était en train de s’installer là, pensait José. Décidemment, elle me plaît de plus en plus. Ergeline baissa pudiquement les yeux sous le coup de l’émotion, comme si elle pouvait lire dans ceux de José, tout ce qui les transportait à l’unisson précisément à ce moment-là.
Dans la même salle climatisée de ce restaurant situé dans le cœur historique de Cayenne, à une autre table était posé un autre couple qui s’apprêtait à passer commande, lorsque le mobile de la jeune femme se mit à sonner.
– Allô Loretta, mais qu’est-ce qu’il se passe ? Je ne comprends pas ce que tu dis, je suis au restaurant il y a un peu de bruit autour de moi.
Guylène a quand même décroché son cellulaire, malgré les gros yeux que lui faisait Edouard. Il ne pouvait pas comprendre qu’on ne puisse éteindre son téléphone portable même au restaurant. Cette mobile – pollution obsessionnelle de Guylène lui était de plus en plus insupportable.
Edouard et Guylène étaient au fil du temps devenus en quelque sorte des « sex friends » 6 . Leur amitié durait depuis plus de quinze ans, mais Edouard, malgré l’amour et l’admiration qu’il portait à Guylène, se refusait à quitter son épouse. Il lui devait tant à cette dernière, et puis jamais elle ne haussait le ton, il n’avait rien à lui reprocher, rien. Du moins c’est ce qu’il lui semblait.
Quant à Guylène, elle ne voulait pas s’embarrasser de sentimentalisme au rabais, lui laissant pour seule pers

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