Deci-delà (puisque rien ne se passe comme prévu)
86 pages
Français

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Description

De Rio de Janeiro à Quimper, des hauteurs de Montmartre aux ruelles lisboètes, il se balade deci-delà, sans but précis ni bannière, observant la folie qui gagne et les belles âmes qui résistent. Aux nouvelles d'une société qui se perd mais, pudique, préfère souvent en rire.

Informations

Publié par
Date de parution 24 juillet 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312035215
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Deci-delà
Frédéric L’Helgoualch
Deci-delà
(puisque rien ne se passe comme prévu)

Nouvelles










LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
A Vidji, mon tambi
(couverture : « Cortex », huile sur toile d’Erwann Tirilly)




















© Les Éditions du Net, 2015
ISBN : 978-2-312-03521-5
Sommaire
Sommaire
Gringo VS Favela’s Kid
Bonjour, bonjour, les hirondelles
Orfèvrerie
Marions-les !
La danse de Ganesh
Le roquet
Sortilèges cariocas
Des gens bien
Oye !
Un fâcheux oubli
Mercenaires
Emmenez-moi…
Affleurement
Le syndrome de la bernique
Les plaisirs de famille
Baiser volé
Vous voulez de l’argent, oui ou non ?
Flèches perdues
Des mots et des poisons
Quitter Lisbonne
Désillusions
Marianne, bouffonne…
Tartare délirant
Les fauves du bout du monde
Chimère ibérique
Ambitions fumeuses
Les nouvelles suivantes ont été publiées sur le site littéraire La Revue des Ressources
– Emmenez-moi
– Affleurement
– Orfèvrerie
– Le Roquet
– Un fâcheux oubli
– Gringo VS Favela’s kid
– Tartare délirant
– La danse de Ganesh
– Sortilèges Cariocas
– « Désillusions », « Des mots et des poisons », « Vous voulez de l’argent oui ou non ? » et « Des gens bien » ont été publiées sur le Huffington Post
Gringo VS Favela’s Kid
Le type n’a pas dix-sept ans. Il a surgi de je ne sais où. Torse nu, short dégueulasse, yeux vaporeux : un gosse de favela. Bordel ! Il est quinze heures, un soleil de plomb, la plage de Botafogo est déserte (personne, à Rio, ne vient plus s’y baigner, l’eau y est trop polluée). Bordel de bordel ! Je ne le regarde pas mais, je sens qu’il me fixe. Dans ces moments de tension, lors de ces rencontres aussi inopinées qu’indésirables, l’animalité reprend spontanément le dessus. Tels des primates belliqueux, les yeux se font arme ou bouclier, les regards appellent à la guerre ou à l’apaisement. Mon crève-la-dalle n’a rien d’un bonobo ni moi d’un gorille. Bordel ! Carte bleue à droite, cigarettes et billets à gauche. La poche arrière de mon bermuda contient mon I-phone. Sac en bandoulière, blanc comme un linge (Paris, mois de janvier, 4°C), je peux difficilement être confondu avec un carioca. Nous longeons tous les deux l’écume, le tête-à-tête est inévitable. Ses yeux, je le perçois, ne me lâchent pas. Coup d’oeil discret aux alentours : pas un chat. Bordel de bordel ! La plage est séparée de la ville par une autoroute à six voies, continuellement en mouvement. Mes Havaianas ne me sont pas encore familières, les premières cloques entre les orteils ont fleuri telles des champignons. Sentiment honteux et rageur d’être considéré comme une proie. Impression désagréable d’être un plouc de touriste bientôt dépouillé par un gamin rachitique et ce, au bout de deux jours de présence seulement dans la cité. Ca y est, on y est. Il m’interpelle. Je comprends qu’il me demande des cigarettes. Visage fermé et indifférent, je refuse de la tête et continue, démarche assurée (autant que faire se peut, avec ces saloperies de claquettes et ce sable trop fin), mon chemin. La partie a commencé. Dans mon dos, la voix se fait plus insistante. Sa tonalité est maintenant clairement agressive. L’assaut est lancé. Je me retourne et évalue mon adversaire. Il lance ses menaces (dont je ne capte que pouic) en remontant lentement vers moi, décidé, le visage en feu, les lèvres hideusement déformées par ses litanies incompréhensibles. Le décalage entre son attitude prédatrice et son physique grotesque me frappe alors. Un chiard, un chiard sans doute camé, maigrelet et aisément vincible aux poings. Mon inquiétude ne vient pas de sa corpulence adolescente mais, plutôt, de ce que contient sa poche déformée, dans laquelle se balade nerveusement sa main droite. Couteau, canif, arme à feu ? Rio n’est pas Paris. Les dérapages sanglants ne sont pas des fantasmes mais, un fléau quotidien. Bordel, bordel, bordel ! Des mots qui sortent de sa bouche, je n’en comprends qu’un, le plus récurrent : « telefono ». « Telefono, telefono, telefono ». Telefono ? Mon nouvel I-phone 6 ? Plutôt crever ! Dans un ultime geste de conciliation, je sors mon paquet de clopes et lui en tends deux. Chose intrigante, il ne m’arrache pas le paquet en jurant mais, se saisit délicatement des cigarettes offertes. Puis, repart de plus belle avec ses « telefono, telefono » délirants. Doté d’un sens de l’orientation hors du commun, sorti du métro « Flamengo », dans les parages duquel se situe mon hôtel, je suis parti à la recherche de celui-ci dans la direction inverse à celle voulue par la raison. Atterrissant devant la plage de Botafogo en moins de deux (quartier résidentiel ni plus ni moins dangereux que Flamengo), en arrêt devant la vue extraordinaire sur le Pao de Açucar et ses téléphériques en lévitation. Traversant en courant les voies surchargées, sous les klaxons colériques, un sentiment d’allégresse (enfin, les vacances !) m’a envahi. Eté austral, panorama splendide, plage déserte. Dégainant mon I-phone afin d’immortaliser le « Pain de sucre » et pouvoir faire aussitôt (vanité immature, vaine mais, jouissive) le kéké sur Facebook. Je n’ai pas perçu la présence du voleur. Peut-être me guettait-il déjà depuis l’autre bord de l’autoroute. Le fait de l’avoir vu surgir sans crier gare, d’un coup d’un seul, sur cette plage dénuée de dunes, complètement plate, me fait craindre l’apparition soudaine « d’équipiers » de fortune. La suprématie des forces adverses serait alors clairement établie. Il est chétif, seul. Je l’imagine armé, accompagné. « Telefono, telefono, telefono ». Donne, donne, donne ! Cette haine, ce saccage de MON moment : me voilà étouffant d’un cri mes craintes d’être saigné comme un porc, tondu comme un mouton passif. Je beugle, je gueule, j’éructe. Je perds une sandale dans l’énervement. Si je dois courir, pas pratique. M’en fiche. Je hurle à la face de ce morveux décontenancé, qui ne comprend rien : - « Putain, au prix que j’ai payé ! Tu vas pas m’emmerder, connard ! Au prix que j’ai payé ! Ah, non ! J’te crache à la gueule, connard ! » J’ai le vocabulaire assez pauvre lorsque je m’emporte. Point d’armée de gueux sortant de la mer, nulle lame venant se planter dans ma gorge. Juste un gamin pitoyable, les bras ballants, me contemplant avec des yeux ronds. Ma décision est prise : il aura ma compassion mais, rien de plus ! Je re-fourgue mon pied dans ma putain d’Havaiana tombée et me dirige vers l’autoroute, en beuglant toujours. Surpris par son inaction, je me retourne pour le surveiller, songeant (prudence, idiotie ?) à un revolver braqué sur moi. A portée de voix encore, il se touche le ventre et me dit (je le comprends sans rien entendre au portugais) : - « J’ai faim », d’une voix maintenant geignarde et infantile. Puis, de sa poche droite, sort un sac en plastique, qu’il porte à son nez. Il me fait alors songer à un jeune enfant frustré saisissant machinalement son doudou-somnifère. Je me dépêche de rejoindre la ville, ses distractions touristiques organisées, sa foule protectrice. Je l’abandonne, lui, à sa colle. Je le laisse à ses inhalations morbides. Je le laisse, me sentant en colère, un peu ridicule et, complètement désemparé.
Je le laisse. Je le laisse mais, je crois, je ne l’oublierai pas.
Bonjour, bonjour, les hirondelles
Moi qui ne prends jamais le bus, je ne suis pas déçu du voyage. Pendant ma semaine de travail, je saute d’un métro à l’autre pour gagner du temps. Peu de problèmes, chacun, urbanité oblige, s’en tient souvent à regarder ses chaussures ou le plafond, collé à ses voisins, contrôlant sa respiration, en attendant de pouvoir s’élancer dans les couloirs tel le Lapin Blanc de Lewis Caroll, « je suis en retard, je suis en retard, ouh là là, je suis en retard ! » Mes jours de repos, je slalome en Velib (lorsque j’en trouve un qui n’a pas encore été saccagé) entre les piétons qui passent au rouge sans se presser, menton levé et assurance en bandoulière, les voitures qui freinent bru

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