Dernier Retour
330 pages
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Description

Avec un style romanesque qui va puiser ses racines dans la littérature sud-américaine de Marquez, Borges, Amado, l'auteur tisse l’histoire d’une famille dont les différentes générations doivent affronter leur destin avec un courage qui naît de situations exceptionnelles.

À Cuba pendant les guerres d’indépendance, sur les terres vierges de Saskatchewan au Canada lors de la fondation de la communauté de Montmartre, pendant les deux dernières guerres mondiales et la guerre d’Algérie, mêlant le réel, l'imaginaire et la fiction, sans que l’on ne sache plus où se situent leurs frontières, Dernier Retour pose la question essentielle du destin : le subissons-nous ou le dessinons-nous par nos choix ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 juillet 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332781222
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0112€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright














Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-78120-8

© Edilivre, 2014
Première partie Montmartre en Saskatchewan
1 Les oiseaux du Saint-Laurent
Emmitouflée dans son manteau de laine lui-même enrobé d’un cocon de traînées blanchâtres tressé par la buée de sa respiration, Cécilia se tenait debout à la proue du Prince of Wales dont la fumée se mêlait à la brume pour coucher sur le paysage un nuage aussi laiteux que le thé encore brûlant auquel elle réchauffait ses mains.
Quelques autres émigrants, engoncés comme elle dans des carapaces laineuses afin de se protéger de la fraîcheur matinale de ce début du mois de juin, se pressaient sur le pont du navire pour dévorer des yeux le panorama tant attendu, maintes fois peint et repeint sur la toile de leur imagination : l’embouchure du Saint-Laurent. Au jour levant, ils avaient doublé sur bâbord les îles de la Madeleine et se glissaient maintenant entre l’île d’Anticosti à tribord et la presqu’île de la Gaspésie. Devant eux s’ouvrait le fleuve majestueux qui devait les conduire jusqu’à Québec, premier terme de leur voyage vers les nouveaux territoires du Nord-Ouest.
Les femmes étaient rares, les hommes jeunes, quelques adolescents au visage encore imberbe accompagnaient leur père ou leur grand frère, un seul enfant se blottissait sous la fourrure de renard argenté d’une jeune élégante à capuche qui semblait s’être trompée d’histoire. Partie rejoindre son mari, pionnier de la création du petit Montmartre sur les anciennes terres indiennes de Piapot, elle devait se croire encore à Paris. Du gamin casquetté comme un gavroche ne dépassait que la frimousse piquetée de taches de rousseur, glissée entre les deux pans du manteau, eux-mêmes écartés entre deux boutons de corne.
Joseph serra Cécilia dans ses bras et posa son menton sur la toque d’astrakan blanc qui couvrait le chef vénitien de sa jeune épouse. C’était un homme plutôt grand, à la fois svelte et fortement charpenté, avec de larges épaules. Il portait fièrement une moustache noire courbée en guidon de vélo, dont il se plaisait à retrousser les pointes et à les rouler de ses longs doigts toujours parfaitement manucurés.
Les yeux émeraude de Cécilia brillèrent plus intensément au contact de l’être chéri. Elle se remémora avec émotion leur cérémonie de mariage, célébrée deux mois plus tôt en l’église du Sacré-Cœur de Montmartre. En la conduisant devant l’autel où l’attendait déjà son futur époux, son père Augustin Derobert tremblait comme une feuille d’automne agitée par la brise. Des larmes furtives brouillaient ses yeux gris acier d’ordinaire si froids et secs. Sa mère Hortense, agenouillée au premier rang, la tête rentrée dans les épaules dépassant à grand peine de son châle pourpre, ne pouvait refouler des sanglots qui inondaient toute l’église d’une étendue d’eau salée, prémices du beaucoup plus vaste océan qui la séparerait prochainement de sa Cécilia. Les petites bêtes à Bon Dieu qui avaient élu domicile dans l’édifice religieux s’accrochaient à tout ce qui pouvait flotter pour échapper au déluge.
Augustin et Hortense Derobert ne pouvaient contenir, malgré la joie de cette union, la tristesse de savoir leur enfant bientôt éloignée d’eux, d’abord confrontée aux fortunes de mer d’une traversée qu’ils imaginaient porteuse des plus grands dangers, puis perdue dans l’immensité de ce pays d’outre-atlantique qu’ils avaient toujours tenu à l’écart de leurs préoccupations avant que Cécilia et Joseph ne leur confient leur projet.
C’était il y a un peu plus de trois mois. Joseph Cartemeyer venait d’être nommé sous-directeur adjoint de l’établissement bancaire du Crédit Ottoman dans lequel il travaillait depuis deux ans. Fier de ses nouveaux attributs et fort de ses nouveaux émoluments, il avait enfin répondu aux espoirs que Cécilia Derobert portait secrètement en elle depuis de nombreuses années et avait officiellement demandé sa main.
Quelques jours plus tard, il était arrivé fort agité au rendez-vous qu’ils avaient dans la petite salle enfumée du Café de Flore. L’établissement créé quelques années plus tôt sur le boulevard Saint-Germain était vite devenu le lieu de ralliement de Joseph et de ses amis étudiants, et ils y avaient gardé leurs habitudes une fois entrés dans la vie dite active. Joseph aimait y retrouver sa fiancée pour déjeuner quand son directeur voulait bien lui accorder une pause un peu plus longue que d’habitude. C’était le cas ce jour-là.
Il déposa sur le plateau de marbre de la petite table ronde le journal qu’il tenait dans la main.
– Regarde qui j’ai reçu ce matin dans mon bureau ! »
Joseph ouvrit l’Aurore à la page dont il avait méticuleusement plié le coin supérieur et pointa du doigt un entrefilet titré : La Société Foncière du Canada crée une communauté montmartroise dans l’Ouest canadien.
– « Messieurs Louis Gigot et Auguste Hayman – lut-il – représentants à Paris de la Société Foncière du Canada, ont annoncé la création d’une communauté de Montmartre dans la région de Wolseley, district d’Assiniboine, au cœur des territoires du Nord-Ouest ouverts à une nouvelle colonisation française. Cinq de nos compatriotes, conduits par monsieur Pierre Foursin, secrétaire de monsieur Hector Fabre, Premier Haut Commissaire canadien à Paris, ont établi les bases d’une colonie agricole française sur les terres les plus fertiles de cette région. La Société Foncière du Canada cherche des volontaires entreprenants pour aller renforcer cette communauté.
– Ils ont ouvert un compte au Crédit Ottoman ?
– Mieux que cela, ma chérie. Ils m’ont offert la chance de notre vie.
– Ils veulent te confier un gros portefeuille ?
– Ils proposent de nous prêter trois mille francs et de nous attribuer une concession de soixante-cinq hectares de terres pour nous installer. Te rends-tu compte avec quoi nous pourrions démarrer ? Même en restant plus de dix ans dans ma banque, je ne gagnerai jamais assez d’argent pour investir dans une affaire aussi intéressante.
– Tu voudrais qu’on aille vivre au Canada ? »
Cette perspective la bouleversa tout d’abord. Comment Joseph pouvait-il envisager de lui faire quitter son pays, sa famille et ses amis ? Que savait-il vraiment de ce qui les attendrait là-bas ? Et puis d’abord, il n’était pas question qu’elle accepte. Si Joseph l’aimait, il devrait abandonner cette idée folle.
– « Rends-toi compte ma chérie. Soixante-cinq hectares de terres parmi les plus fertiles, sur lesquelles nous pourrons élever un gros cheptel de bétail et cultiver du blé. Nous serons avec d’autres colons comme nous, tous venus de Paris. A nous les grands espaces, les forêts, les montagnes de neige, les bisons et les caribous, la pêche au saumon, les promenades en traîneau derrière des chiens, tout ce qu’on ne connaîtra jamais ici… Et dont je ne pourrais même pas rêver dans mon petit bureau à la banque. La Société Foncière du Canada finance tout : le voyage, la construction d’une petite maison pour s’installer, les premiers équipements de la maison, les premières provisions, le matériel agricole, le bétail, les semences. Nous la rembourserons sur le produit de notre travail. Nous n’aurons rien à dépenser avant, ce qui nous permettra de mettre de côté ce que nous avons déjà. Jamais nous n’aurons une autre occasion comme celle-là ! »
L’enthousiasme communicatif de Joseph et l’amour qu’elle lui portait eurent finalement raison des doutes de Cécilia et de ses craintes malgré la totale méconnaissance qu’ils avaient tous deux de la vie de cultivateur. Le vingt-neuf mars de cette année mille huit cent quatre-vingt-treize, ils signaient un contrat avec la Société Foncière du Canada, fixaient la date de leur départ et celle de leur mariage.
Devant les passagers assemblés sur le pont du navire défilaient maintenant les rivages du golfe du Saint-Laurent. Au sud, plongeant dans les eaux grises, s’élevaient les falaises abruptes de la Gaspésie prolongées par les grands plateaux menant à la baie des Chaleurs qui sépare cette presqu’île des territoires du Nouveau-Brunswick. Le mont Albert, fier de ses mille deux cent soixante-huit mètres, dressait sa silhouette patricienne au-dessus de cette plèbe sans relief. Ça et là, une habitation perchée au-dessus du fleuve regardait de ses fenêtres grandes ouvertes le lent passage des bateaux chargés de relier Québec au reste du monde. Un grand cormoran, reconnaissable dans sa livrée noire à cache-col blanc, plongea de la falaise la plus proche pour se dégourdir un peu les ailes. Satisfait, il enchaîna quelques loopings destinés à impressionner sa compagne puis retourna rapidement auprès d’elle pour ne pas l’abandonner à la convoitise de ses semblables.
Au nord, la côte en pente beaucoup plus douce étendait à perte de vue ses immenses forêts de mélèzes, de bouleaux et de trembles. De nombreux oiseaux de mer allaient et venaient le long du rivage, s’en éloignant de temps en temps pour espionner l’îlot à moteur peuplé d’humains qui se frayait un passage au milieu de leurs eaux de pêche. Ils faisaient quelques secondes de surplace au-dessus de cette curieuse île qui avançait, le temps de s’imprégner du cliché, puis se laissaient dériver le long du sillage blanc tracé par le navire et s’appuyant sur une aile ou sur l’autre, effectuaient un grand virage pour retourner à leur base raconter à leurs congénères ce qu’ils avaient pu observer.
Des patrouilleurs plongeons catmarins, fous de bassan, guillemots à miroir, goélands marins, sternes arctiques, cormorans à aigrettes, océanites cul blanc, quittaient ainsi régulièrement leur base côtière, isolés ou par petites escadrilles. Ils venaient se faire admirer par les nouveaux venus, puis s’en retournaient, curio

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