Éclaire demain avec aujourd hui
106 pages
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Description

À 18 ans, Paule part pour la première fois en vacances à l'étranger. Son inexpérience et sa naïveté de jeune provinciale la font succomber à Pallas, qu'elle ne reverra plus après son retour en France. Elle épousera Emmanuel par obligation, qui lui cache lui aussi un secret. L'histoire débute par le retour de Paule, 30 ans après, dans ce pays qu'elle pense retrouver comme avant, pour se réconcilier avec lui d'abord. C'est aussi le temps des séparations ; avec son mari qu'elle hésite à quitter par habitudes prises, et avec sa fille qui la met au pied du mur. Dès l'atterrissage, elle se rend compte que le pays a changé, que tout est différent. En mieux. Grâce à Suzanne et Maximilien qui vont lui apprendre à gérer ses choix, ses habitudes, ses amours.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 décembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342046137
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Éclaire demain avec aujourd'hui
Dominique Malmazet-Grenard
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Éclaire demain avec aujourd'hui
 
 
 
Dieu a donné une sœur au souvenir, et il l’a appelée espérance.
Michel-Ange
 
 
 
Juin 2014
Paule avance d’un pas lent, elle semble épuisée mais ne l’est pas, elle est juste en phase avec ce lieu, qu’elle retrouve avec grand plaisir, qui lui parle de voyages, de vacances et d’un souvenir merveilleux, lointain mais toujours présent. Elle est apaisée plutôt, c’est cet apaisement qui ralentit son pas, pour mieux lui faire apprécier tout ça. Allure lente mais sûre ; titre d’une chanson dans la tête : Sors . La première fois qu’elle a pris l’avion, c’était en juin 1984, le siècle dernier, c’est son père qui l’avait conduite. C’est la seconde fois aujourd’hui, et c’est pour aller au même endroit. La destination a perdu de son cachet en faveur d’autres plus exotiques, mais elle se fout pas mal de n’être pas tendance avec ce bonheur décalé. Elle hésite quelques secondes dans cet espace qu’elle redécouvre, puis réagit, vite ; à son âge, elle n’a plus besoin de quelqu’un, du moins pour trouver sa place à l’aéroport. À bord de l’appareil elle se laisse guider, retrouve, émue, l’habitacle arrondi, les sièges généreux, et cette odeur indéfinissable de luxe qui l’avait bouleversée la première fois. Elle s’assied côté hublot, remercie l’hôtesse, lui sourit, la trouve jolie, se dit qu’elle ressemble à Pénélope dans sa gentille détermination. Bien à cette place, elle pousse alors plus loin la décontraction et délace discrètement ses ballerines. Parfaitement détendue, le sommeil la guette. Le voyage n’ayant pas trop d’intérêt, elle se laisse envahir par la fatigue et ferme les yeux.
« Comment s’appelait-elle déjà ? Christ… iane ? Christ… ine ? C’est ça, Christine ! »
Le visage de l’ancienne amie lui revient fugitivement à l’esprit.
« Qu’est-elle devenue ? »
Elle essaie de lui fabriquer une vie, puis s’endort.
 
Juin 1984… Paule n’avait que dix-huit ans. C’était la première fois qu’elle prenait l’avion, la première fois qu’elle quittait la France. Fière de se trouver dans cet objet volant identifié « qui tient tout seul en l’air avec le poids qu’il fait », elle croyait qu’elle devait absolument se comporter en parvenue, en cherchant la bonne attitude, celle qu’il faut adopter quand on se retrouve dans ce moyen de locomotion, à la fois banalisé et pas à la portée de toutes les bourses et de toutes les éducations. C’est-à-dire, le dos bien droit, la tête bien dans le prolongement du dos, les deux pieds collés bien posés par terre dans le prolongement du buste, les bras sur les accoudoirs, telle une reine assise sur son trône.
L’avion avait tardé à décoller. Où du moins l’avait-elle cru. Elle ne s’ennuyait pas mais s’impatientait. Le magazine, accepté pour bluffer l’attente, aurait dû normalement accaparer son regard, mais l’œil sombre, complètement désintéressé, le parcourait distraitement, préférant se perdre dans un ciel aussi sombre que lui, grande tache uniforme qui ne lui apportait rien, dont l’attrait n’avait pas vraiment d’explication, mais qui l’appelait pourtant irrésistiblement, parce qu’au fur et à mesure que l’avion avançait, le passé restait derrière, laissé pour compte. Elle avait l’impression que le temps passait plus vite à le regarder traverser ainsi. La nuit représentait pour elle ce laps de temps appelé transition, arrêt, coupure, sommeil ; temps mort suffisamment long qui permet de se déshabituer d’un morceau de vie qui finit et de se préparer à un nouveau jour, meilleur ou pire que la veille mais surtout différent. Sa première vraie et grande aventure commençait, elle maîtrisait mal sa nervosité, n’avait pas gardé l’attitude royale bien longtemps. Tout son corps semblait possédé d’une fièvre indocile, ses jambes tremblaient comme si elles étaient chargées d’électricité, elle les croisait, les décroisait, dessus, dessous, tantôt l’une, tantôt l’autre. Son crâne, comme son corps, bouillait. Son esprit se dispersait ; débandade au niveau des idées, qui dansaient, fuyaient, malignes, insolentes, puis revenaient, obsédantes, ne parlant que d’une seule chose : ses premières vraies vacances. Les images se succédaient, se superposaient, se touchaient, défilaient sans cesser, en dedans, derrière ses yeux ; images mélangées, confuses, floues, imprécises, produites par une imagination fertile, représentant des inconnus à rencontrer, des paysages à voir, des odeurs à renifler, des couleurs à peindre et à fixer à jamais dans un coin de sa mémoire… Souvenirs à venir auxquels elle repenserait chaque fois qu’elle aurait un vide à combler… Il n’y avait pas de bouton pour stopper le film qui se déroulait sur cet écran secret et qui concernait un tas de choses qu’elle allait découvrir. Elle les imaginait, mal sûrement, les choses ne sont jamais comme on les pense, ou rarement, mais cette extrapolation lui faisait un bien certain ; quoi qu’elle découvrirait, ça serait indubitablement plus coloré et plus amusant que son quotidien contraignant, et sans rebondissements. Voilà comment se traduisait le bonheur de Paule dans ce véhicule si particulier de nuit : surexcitation difficilement contrôlable, tout à fait incontrôlable de tout son être entier. Heureuse ! Elle était heureuse ! Heureuse d’être là, des fourmis dans les fesses et des bulles de champagne dans la tête ! Depuis qu’elle avait pris sa décision, elle n’avait cessé de la seriner à tous ceux qui voulaient bien l’entendre, surtout à ses collègues de bureau. Elle avait réussi sur son lieu de travail à créer une telle agitation, que son chef de service avait dû vertement hausser le ton pour la calmer. Bien calée dans le fauteuil de cuir blanc, elle ne se lassait pas de revivre l’anecdote en se promettant d’emmagasiner, et pourquoi pas, faire un coup d’éclat pour les épater toutes ! À cet instant, elle ne racontait pas l’aventure, elle la vivait ! Comment rester calme ? Elle se sentait comme un élastique trop tendu qui risque de craquer d’un coup. Son regard revenu à l’intérieur cherchait tout, curieux de voir et de savoir le clinquant. Avant de partir, elle avait promis à son père de « faire attention à elle ». En d’autres mots, « de ne pas faire de “bêtises” ». Oui, elle le lui avait promis . Était complètement sincère lorsqu’elle l’avait fait . Elle était moins sûre maintenant, mais dans le cas où elle désobéirait, ce serait par curiosité, par avidité de la vie, sûrement pas pour l’ennuyer. Et comme elle avait envie de désobéir ! Comment résister à tout ce qui allait s’offrir à elle ? Comment gérer la possibilité de faire un maximum de choses dans un minimum de temps avec la bénédiction paternelle ? Certes, elle était depuis peu majeure mais cette approbation accordée par amour, avec confiance, lui était apparue quand même comme une épaisse et lourde porte, hermétiquement close jusqu’à ce jour, ouverte d’un coup sur toutes les libertés. Elle ne s’en était jamais expliqué la raison, mais elle voulait connaître ce pays étranger, celui-là et pas un autre ; elle irait donc, et n’en avait jamais démordu ! Le confort et la générosité du fauteuil blanc associés aux pensées échevelées, augmentaient paradoxalement son ennui, son impatience et sa tension. Alors pour les tromper, elle s’amusait à décoller sa frange blonde, qui effleurait ses fins sourcils et agaçait son front, par de fréquents souffles dirigés, bouche un peu tordue, tics machinaux et inélégants.
 
L’hôtesse réveille Paule un peu énergiquement. Contact avec la réalité repris, du bout des doigts elle frotte délicatement son visage sans fard ; ses ongles, coupés court de la veille, caressent cils et sourcils. Elle apprécie vraiment d’être sans artifice, porte merveilleusement bien le naturel. Elle n’a rien perdu de sa beauté, juste deux légères rides partent de chaque côté de son nez jusqu’à sa bouche.
« Les plus belles, celles du sourire », comme dit Pénélope.
Elle se lève, de la main droite discipline quelques mèches de cheveux, également fraîchement coupés et teints en auburn, pour changer de couleur et surtout cacher les racines ; et de la gauche tente de défroisser sa jupe. Elle est heureuse d’être arrivée, fermement décidée à reprendre l’histoire là où elle l’avait laissée. Mais d’une façon différente : elle vient d’abord au rendez-vous manqué avec le pays…
 
Le charter avait touché le sol en souplesse, vers trois heures du matin, heure locale. Au moment de l’atterrissage, Paule avait éprouvé une sensation marrante tout droit sortie de cet éventail de frissons nouveaux ; elle avait eu l’impression que son cœur allait se décrocher, qu’il allait quitter sa place, chatouillement très bref mais intense qui l’avait surprise. Inconsciemment elle avait souri, petit sourire fugace, résultat de l’effet, aussi rapide que lui.
Au sortir de l’avion, les voyageurs s’étaient d’abord suivis, sans chercher à se dépasser les uns les autres ; rangs bien droits, bosselés mais dociles. Leur arrivée dans l’aéroport à cette heure matinale avait créé un mouvement de vie bien réconfortant. L’immense hall atteint, la grappe vivante fraîchement débarquée s’était alors soudainement éclatée en grains individuels. Ce déplacement échevelé avait réveillé, un peu brutalement mais sympathiquement, l’endroit endormi. Mais ce froissement de foule n’avait pas duré. Une fois les êtres éparpillés, le silence feutré, simplement ponctué par quelques bruits de pas discrets et quelques paroles échangées çà et

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