Équation
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Description

« J'avais tort de rigoler ! Robin m'a mis en garde contre le féminisme radical de ce mouvement qui avait dépassé le concept d'égalité entre les sexes pour réclamer une misandrie compensatoire à l'exploitation millénaire des femmes ; je devais être conscient de leurs revendications : promotion des femmes encore stigmatisées comme lesbiennes, prostituées, transsexuelles, obèses, etc., rejet des images féminines dans la publicité, des défilés de mode, du matraquage de l'industrie cosmétique, accessoirement athéisme militant. Il m'a cité des slogans tels que “no brain in balls”, “un spermatozoïde oui, un homme non” ou encore “gay we can”, “épilation égale extermination”, “God in my ass”. Il fallait que je me méfie, m'a-t-il dit, car ces hommes déshabillés s'étaient vus exposés aux sanctions applicables à l'exhibition sexuelle dans un lieu public. — Ça peut mener loin, tu sais ! Surtout avec l'ampleur que prend le Mouvement olympien... Au lycée, le règlement peut être remis en cause, ça te concerne ! » Sociologue de renom, Claude Souallemecq s'essaye à un genre nouveau, le roman, et audacieusement se glisse ici dans la peau d'un homme confronté au basculement du paradigme des sexes, souhaitant signifier à tous, sans se départir d'un humour bienveillant, que les temps vont devoir changer... S'appuyant sur les avancées de la condition féminine, l'auteur livre un pastiche habile d'un certain best-seller pour imaginer à son tour la scène sociopolitique française d'aujourd'hui et de demain. Drôle, maniant finesse et provocation, un exercice de style osé et parfaitement réussi.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 octobre 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342057225
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Équation
Claude Souallemecq
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Équation

Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
« L’implosion brutale du système d’opposition binaire centre-gauche – centre-droit qui structurait la vie politique française depuis des temps immémoriaux avait d’abord plongé l’ensemble des médias dans un état de stupeur confinant à l’aphasie. »
Michel Houellebecq, Soumission
 
« C’est une étrange expérience pour un individu qui s’éprouve comme sujet, autonomie, transcendance, comme un absolu, de découvrir en soi à titre d’essence donnée l’infériorité : c’est une étrange expérience pour celui qui se pose pour soi comme l’Un d’être révélé à soi-même comme altérité. »
Simone de Beauvoir – le Deuxième sexe, II – pages 51
 
« Ô cendre !
Pourquoi suis-je née telle que je suis ? C’est moi.
Je suis la souveraine de cette saison qui finit !
Qui m’appelle reine, sinon la reine des choses passées
Ou des feuilles dans l’instant qu’elles nagent dans l’air poussiéreux ? »
Paul Claudel – Tête d’Or – La princesse – page 245
I
I-1
Pendant toutes les années de ma vie professionnelle , en dépit d’une assez longue période durant laquelle j’ai cessé toute activité, Simone de Beauvoir est restée pour moi une compagne encombrante, une présence inopportune. Toujours j’ai éprouvé une gêne, j’ai souhaité l’oublier, qu’on ne m’en parle plus ; tandis que je m’éloignais de l’enseignement, quand j’ai eu l’occasion de m’occuper autrement, on m’a renvoyé vers elle : aujourd’hui encore je suis le référent dans mon voisinage, le spécialiste auquel on pense en cas de besoin. Je dois admettre que ma vie continuera (se terminera sans doute) avec elle, qu’il y a des malentendus sans solution.
Durant mon enfance et mon adolescence, choyées et solitaires, j’aimais lire, écrire un peu aussi, voyager dans le temps et dans l’espace depuis ma chambre au rythme des années scolaires, entrer en contact avec une autre personne, sans qu’elle m’ait vue, connaître ses peines et ses joies, ses peurs et ses audaces, comprendre comment elle affrontait ou subissait la vie, comment elle faisait avec – avec sa liberté et sa conscience, ses limites et ses talents, les écueils placés sur sa route, les coups de chance aussi.
Jusqu’au concours d’agrégation de lettres, mes inclinations m’orientaient vers les poètes anciens, grecs et latins, ou modernes depuis le Moyen Âge jusqu’au siècle dernier, de langue française exclusivement, ma préférence allant à Paul Claudel dont l’écriture m’a toujours semblé un mystérieux alliage du sens et du son, d’intelligence et de mélodie. Ensuite, ayant été recalé au concours, j’ai compris que je serais professeur de lettres au lycée pour toujours, que ce serait ça et rien d’autre, que je devrais dès lors m’en tenir au programme des classes qui me seraient confiées, en travaillant dur pour dominer les sujets et accompagner au mieux les élèves dans leur scolarité en vue des examens qui la ponctuaient et tenter au passage d’éveiller leur sensibilité littéraire, un espoir de fantaisie en eux. Adieu les travaux savants à propos de l’auteur de Tête d’Or  !
Il en est ainsi de tous les projets professionnels : jeune, on formule un vœu, puis arrive l’heure de la sélection, des notes moyennes aux examens, de l’échec au concours majeur, de l’orientation forcée ; ainsi recadré, on s’adapte au long cours.
De cette façon ma carrière de professeur de français dans l’enseignement secondaire aura donc été curieusement placée sous le signe de Simone de Beauvoir… La hiérarchie, les collègues et même les parents d’élèves savaient que j’étais un genre de spécialiste de son œuvre et j’en ai bien profité en donnant l’image d’un homme ouvert au « deuxième sexe », à son émancipation, à la promotion de qualités supérieures et néanmoins dévaluées, à la parité avec les hommes dans tous les domaines de la vie sociale ; sans compter que je me classais par définition à gauche ce qui n’engage pas à grand-chose, mais reste fort utile pour être tranquille dans le milieu.
Pendant près de vingt ans, car j’ai eu une carrière courte, j’ai été appelé à donner chaque trimestre à la Revue sartrienne un « Billet du Castor », chronique des jours présents à la lumière des écrits de la grande écrivaine. Les huit années suivantes, au cours desquelles j’ai souhaité être mis en disponibilité de l’Éducation nationale, on m’a davantage sollicité, en particulier en me demandant de participer à des conférences ou à des travaux éditoriaux ; depuis deux ans que j’ai repris mes cours au lycée, principalement auprès de classes de 2 de et de 1 re , je n’ai gardé que ma contribution trimestrielle.
En tant que professeur de lettres, j’avais la volonté, surtout au début, d’aller en priorité au texte de l’auteur étudié ; en général je photocopiais un extrait de l’œuvre au programme et je cherchais un volontaire pour le lire en cours, ensuite j’interrogeais la classe pour que soit identifié le thème, mais aussi le style, ses figures et ses tours grammaticaux ; souvent je demandais que soit recopié par tous un paragraphe, parfois je le dictais, en espérant que chacun s’imprègne de l’ordre des phrases et des mots ; nous avions aussi un jeu consistant à poser soi-même la ponctuation sur un passage que j’avais préalablement reproduit en excluant tous les points, virgules, points-virgules et autres signes : le résultat comparé à l’original stimulait et donnait une idée de la force de l’écriture des maîtres…
Au début, je n’avais que des classes de 2 des littéraires et je rencontrais l’adhésion de mes élèves. Plus tard, j’ai eu de tout, des 1 res et des scientifiques ; aussi ces méthodes dictées par mon envie de faire partager le goût de la littérature ont été mises en retrait, tous les candidats au bac cherchant le moyen de retenir l’essentiel et de marquer des points à l’examen, les scientifiques quant à eux abordant le domaine comme n’importe quel autre, se concentrant sur des fiches-résumés à apprendre par cœur.
D’autre part, graduellement, les manuels sont devenus d’étranges outils, qui discernent des objets d’étude obligatoires, piochant dans la poésie, le théâtre, l’épistolaire, le biographique (dont l’autofiction), qui effacent donc la chronologie en mêlant les périodes au sein d’un objet, en mélangeant les mouvements littéraires et culturels (est proposé un chapitre intitulé « Écrire pour quoi ? », sans qu’on juge nécessaire d’aborder le symétrique « Lire pour quoi ? », ce qui représente quand même la question pour la majorité). L’illustration des livres de français est devenue envahissante, hétéroclite, alliant les photos de peintures ou les plans de films, des fac-similés de documents se rapprochant des sujets évoqués, citant des écrivains de langue étrangère en appui de certains sujets ou de certaines époques.
L’intention est louable, cependant j’ai toujours pensé qu’en voulant rendre séduisante la matière, on la trahit ; quand on demande aux lycéens d’absorber un savoir encyclopédique recouvrant les arts plastiques, l’histoire des idées, la littérature internationale, on la complique… Ce qui m’étonnait par contraste, c’est que le « Livre du professeur » indique des méthodes fort classiques en partant du texte écrit par l’auteur, en analysant les thèmes et les acteurs, les techniques d’expression, en interrogeant le champ littéraire, lequel suggère des questions difficiles, comme de distinguer le texte de poésie et la poésie, prenant par exemple le fameux poème de Voltaire sur le Désastre de Lisbonne , informatif et analytique, guère poétique :
[…] Platon dit qu’autrefois l’homme avait eu des ailes, Un corps impénétrable aux atteintes mortelles ; La douleur, le trépas, n’approchaient point de lui. De cet état brillant qu’il diffère aujourd’hui ! Il rampe, il souffre, il meurt ; tout ce qui naît expire ; De la destruction la nature est l’empire. Un faible composé de nerfs et d’ossements Ne peut être insensible au choc des éléments ; Ce mélange de sang, de liqueurs, et de poudre, Puisqu’il fut assemblé, fut fait pour se dissoudre ; Et le sentiment prompt de ces nerfs délicats Fut soumis aux douleurs, ministres du trépas : C’est là ce que m’apprend la voix de la nature. J’abandonne Platon, je rejette Épicure. Bayle en sait plus qu’eux tous ; je vais le consulter : La balance à la main, Bayle enseigne à douter, Assez sage, assez grand pour être sans système, Il les a tous détruits, et se combat lui-même :
Semblable à cet aveugle en butte aux Philistins Qui tomba sous les murs abattus par ses mains. […]
On est ici, c’est sûr, loin de l’art poétique de Charles d’Orléans ou de Rimbaud.
Bref on aurait dit que les instances de l’Éducation nationale n’oubliaient pas les principes essentiels, tout en s’efforçant de les transformer pour les rendre accessibles à un prétendu esprit de la jeunesse contemporaine. Parfois j’ai osé la transgression de recommander l’usage des vieux Lagarde et Michard qui eux respectaient les siècles, équilibraient le texte et les commentaires, l’œuvre et l’histoire de l’auteur, inséraient timidement quelques gravures d’époque ; néanmoins, j’étais honteux d’inciter les familles à faire la dépense de livres que je réputais mieux utiles à leurs enfants, en sus de l’encyclopédie culturelle dont elles étaient équipées .
Toujours est-il que Simone de Beauvoir m’est tombée dessu

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