À contre-langue
210 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
210 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

De Jacques Ferron on connaît bien sûr les écrits (romans, contes, poèmes, pièces de théâtre) et les prises de position politique (Parti Rhinocéros). Dans cet ouvrage, Richard Patry a choisi d'étudier l'oeuvre de cette figure marquante du paysage littéraire québécois selon deux angles bien précis: le vocabulaire francisé et les écrits polémiques. Le premier, qui avant aujourd'hui n'a jamais fait l'objet d'une étude exhaustive, est ici analysé en détail (« Nouillorque » [New York], « chéquenne » [shake hand]), tant de façon quantitative que qualitative. Le second se présente sous forme d'études de cas et regroupe les écrits à caractère historico-politique et les essais moins connus de l'auteur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760632790
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Richard Patry
À CONTRE-LANGUE ET À COURRE D’IDÉES

Étude du vocabulaire étranger francisé et du discours polémique dans l’œuvre de Jacques Ferron

Les Presses de l’Université de Montréal
ISBN (pdf): 978-2-7606-3278-3 ISBN [epub): 978-2-7606-3279-0 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2013 creditwww.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada, la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) et le Centre pour l’étude de la citoyenneté démocratique.
Ah! que la victoire demeure avec ceux
qui auront fait la guerre sans l’aimer.

André Malraux
Avant-propos
Cet ouvrage découle d’un projet dont l’essentiel a été réalisé entre 2000 et 2008. Il porte sur l’œuvre de l’auteur québécois Jacques Ferron et se divise en deux parties.
La première porte sur le vocabulaire francisé présent dans l’œuvre de l’auteur (ex. «Nouillorque» [New York], «chéquenne» [shake hand]) et compte six chapitres. Le premier constitue une introduction portant sur le rapport de l’auteur à la langue. Le second présente une étude quantitative de la fréquence et de la distribution du vocabulaire francisé dans l’œuvre de l’auteur, les trois suivants portent sur des études de cas à l’intérieur de ce vocabulaire francisé et le dernier aborde la question du traitement de ce vocabulaire dans les traductions en langue anglaise des œuvres de l’auteur. L’existence de ce vocabulaire francisé est mentionnée dans quelques études critiques, mais celui-ci n’est analysé en détail dans aucune source documentaire qui nous soit connue. Notre contribution permet d’en cerner l’extension de façon exhaustive, sur le plan quantitatif, et d’en explorer certaines facettes qualitatives sur le plan de l’expression. Enfin, nous abordons également le problème très délicat du traitement de ce vocabulaire dans la traduction des œuvres de l’auteur.
La deuxième partie porte sur l’œuvre polémique de Jacques Ferron et est organisée de façon symétrique à la première partie. Le premier chapitre de cette deuxième partie constitue une introduction à la question du polémique dans l’œuvre de l’auteur. Les cinq chapitres suivants sont des études de cas. De ceux-ci, les trois premiers portent sur des questions à caractère historico-politique et les deux derniers touchent des questions existentielles et relèvent plus du genre de l’essai. Les écrits polémiques de l’auteur, qui occupent pourtant une part importante de son œuvre publiée, n’ont fait l’objet que d’un petit nombre d’études critiques. Cette partie de l’ouvrage constitue donc un aspect novateur dans les études publiées sur l’auteur.
Il est à noter que, mis à part les chapitres d’introduction de chacune des deux parties, qui ont été rédigés spécifiquement pour cet ouvrage, tous les autres ont été publiés dans des revues avec comité de lecture. La première note infra paginale de chacun de ceux-ci indique où ils ont été publiés. Les articles ont été le plus possible conservés dans leur forme originale. Les seules modifications sont la suppression de certains passages pour éviter des redites et l’ajout de brefs développements pour faire des liens entre certains chapitres.
Enfin, il nous semble important de réunir ces publications disséminées dans des revues en un ouvrage afin de donner une plus grande cohérence à ces diverses études qui forment véritablement un ensemble intégré, et dans l’espoir, également, d’éveiller l’intérêt des lecteurs et des lecteurs critiques pour ces deux aspects de l’œuvre de Jacques Ferron, qui nous semble mériter beaucoup plus d’attention qu’ils en ont reçue jusqu’à maintenant.
I
LE VOCABULAIRE ÉTRANGER FRANCISÉ
Chapitre 1
Jacques Ferron à la croisée des chemins langagiers
J’avais un rêve pour la France: que ses habitants puissent parler paisiblement la plus belle langue du monde. Talleyrand
Dans cette introduction à la première partie de l’ouvrage, il sera surtout question de la langue au Québec et dans la littérature québécoise. Il n’est pas ici question de refaire l’histoire d’une problématique richement documentée, mais d’en mettre en évidence un certain nombre d’aspects qui permettront de mieux situer le contexte culturel large dans lequel Jacques Ferron a commencé sa carrière d’écrivain et la façon spécifique dont il a répondu aux interrogations qui travaillaient la conscience collective de son époque sur le plan de la langue, de la culture et de l’identité nationale.
Ce chapitre présente enfin le phénomène langagier sur lequel porteront les cinq chapitres suivants, soit celui des mots étrangers francisés.
Jacques Ferron en littérature
Jacques Ferron a fait ses études de médecine à l’Université Laval, à Québec, de 1940 à 1945. Dès ce moment, il voulait devenir écrivain, et s’était ouvert de son intention au professeur Louis Berger, à qui il avait répondu à une question concernant son avenir: «Le médecin sera mon mécène. J’entends faire de la littérature 1 ». À la fin de ses études, il s’engage comme médecin dans l’armée canadienne durant une année. C’est durant cette année de 1945 qu’il écrit un premier roman, La gorge de Minerve 2 , qui est refusé par plusieurs éditeurs et qui, finalement, ne sera jamais publié. Auparavant, Jacques Ferron avait écrit de nombreux textes pour des revues étudiantes 3 , mais le véritable début de sa carrière littéraire coïncide avec cet engagement à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
À la suite de sa démobilisation, Jacques Ferron exerce la profession médicale pendant deux ans (1946-1948) en Gaspésie, à Petite-Madeleine puis à Rivière-Madeleine. Ce séjour gaspésien prend fin à la suite de la profession de foi communiste de l’auteur qui a eu pour conséquence le retrait de son allocation par le Ministère de la colonisation. Il vient par la suite s’établir sur la rue de Fleurimont à Montréal où les débuts sont difficiles et la clientèle rare.
L’auteur récapitule ces premières années de vie professionnelle dans un beau passage de Du fond de mon arrière-cuisine (p. 204) 4 :
Après ce cours classique, j’allai étudier en médecine à Québec, puis, reconnu docteur à vingt-quatre ans, je fus capitaine dans l’armée de juillet 1945 à 1946, une année de fainéantise et de voyages par tout le Canada qui me sera fort utile mais que je devrai rembourser au bon Dieu quand j’allai m’installer ensuite à la Madeleine dans Gaspé-Nord, desservant soixante milles de côtes. Deux ans et demi après, malade et ne le sachant pas, m’étant par contre déclaré communiste tout en ignorant les saints livres, je fus plus ou moins chassé de ma tanière par Duplessis et les curés, comme s’ils eussent voulu mon bien, et revins à Montréal sur la foi du docteur Daniel Longpré qui avait écrit dans Combat qu’il y manquait au moins mille médecins. Je le crus et vins ouvrir un cabinet au coin de Fleurimont et Saint-Hubert où sans les visites que Longpré me refilait, la nuit, je serais mort de faim dès le premier mois.
À la suite de cette expérience difficile du quartier Rosemont, Jacques Ferron s’installe sur la Rive-Sud de Montréal, à Ville Jacques-Cartier, ville qui est plus tard fusionnée avec Longueuil. C’est là qu’il réalise l’essentiel de son œuvre littéraire. C’est là également qu’il pratique la médecine jusqu’à la fin de sa vie «en oubliant ou en refusant souvent de se faire payer», comme le souligne Pierre Vallières dans le bel hommage qu’il rend dans Nègres blancs d’Amérique 5 au modèle d’humanité que représente à ses yeux le docteur Ferron.
C’est durant cette année suivant son arrivée à Ville Jacques-Cartier que Jacques Ferron publie son premier ouvrage: L’ogre , pièce de théâtre publiée à compte d’auteur aux Éditions de la file indienne 6 . Par la suite, sa carrière littéraire se met véritablement en branle, et c’est durant les années 1950 que Jacques Ferron publie l’essentiel de son théâtre, ainsi que plusieurs courts récits dans diverses revues, qui seront par la suite réunis dans le recueil Contes dans la première édition de 1968 7 . Les séjours respectifs dans l’armée canadienne et en Gaspésie auront fourni l’essentiel de la matière de ce recueil, qui est encore aujourd’hui l’œuvre emblématique de l’auteur.
Le Ferron du «Pays incertain»
Au moment où il s’est mis à la littérature, Jacques Ferron était tout à fait conscient des nombreux angles aigus entourant la problématique de la question nationale au Québec, et ce même si la forme de celle-ci, dont les contours allaient se préciser dans la conscience collective de la deuxième moitié du XX e siècle, était encore confuse et le plus souvent indistincte. Il ne faut pas l’oublier, au moment où Jacques Ferron écrivait La gorge de Minerve et Les rats , il restait encore au Québec à traverser dix longues années de règne duplessiste, et les velléités nationalistes nées dans la foulée de la Révolution tranquille étaient encore enfouies dans les limbes d’un devenir en puissance. Pourtant, Jacques Ferron avait dès lors perçu la tache de naissance qui marquait collectivement ses concitoyens; cette extrême angoisse identitaire générée chez les siens par le fait d’être francophones sans être Français et Nord-Américains sans être anglophones.
Cette impossible quadrature du cercle initiale s’était d’ailleurs compliquée sur le plan historique du fait que les habitants français du Québec avaient été vaincus militairement et colonisés par un occupant presque trois siècles auparavant. Le Québec, qui était alors le Bas-Canada, ne figurait pas véritablement dans les projets de la Couronne britannique, et consistait plus ou moins en un vaste territoire de richesses naturelles à exploiter où était parqué un surplus humain constitué principalement d’Amérindiens et de francophones. L’avenir politique se trouvait du côté du Ha

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents