Cahiers Albert Cohen N°20
104 pages
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Cahiers Albert Cohen N°20 , livre ebook

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Description

Le lecteur d'Albert Cohen est assez vite frappé par la multiplicité des références à la folie dans l'oeuvre. Pathologies diverses, folie prophétique du personnage principal, folie amoureuse, folie du monde, lyrisme échevelé et goût oriental de la grandeur et du travestissement : la folie est partout. Cohen, lui-même lecteur et admirateur de Freud, se livre à une psychopathologie de la vie quotidienne de ses personnages et nous conduit de l'appréhension clinique des comportements (narcissisme, mégalomanie, délire de persécution, scarifications, pulsions suicidaires) à une vision plus symbolique de la folie, carnavalesque au sens de Bakhtine ou prophétique au sens de Neher. Les articles qui composent cet important dossier (C. Stolz, B. Bohet, D. Poizat, M. Decout, M. Davies, A. Jean, C. Quint, A. Schaffner), nous invitent à une promenade dans les différents aspects de ce motif récurrent dans l’oeuvre, mais jamais exploré en tant que tel. Ce numéro comporte également une étude sur « Cohen et les moralistes » (C. Brochard) et sur les rapports entre « Corps et société » dans son oeuvre (G. Dolléans).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 février 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782304035698
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cahiers Albert Cohen
La folie dans l’œuvre d’Albert Cohen
Études recueillies par Alain Schaffner
N°20, 2010
Editions Le Manuscrit Paris


© Éditions Le Manuscrit, 2010
ISBN : 9782304035681 (livre imprimé) ISBN : 9782304035698 (livre numérique)


Titres déjà parus aux éditions Le Manuscrit
Cahiers Albert Cohen n°8, Lectures de Belle du Seigneur
Cahiers Albert Cohen n°15, Ô vous frères humains
Cahiers Albert Cohen n°16, Hommage à Norman Tau
Cahiers Albert Cohen n°17, Albert Cohen et la modernité littéraire
Cahiers Albert Cohen n°18, Animal et animalité dans l’œuvre d’Albert Cohen
Cahiers Albert Cohen n°19, Cohen « humorialiste » : Hommages à Judith Kauffmann


Éditorial
Alain SCHAFFNER
Ceux qui ont eu le privilège si rare de tels sentiments éprouvent une sorte de démence ; ils tiennent des propos incohérents, étrangers à l’humanité ; ils prononcent des mots vides de sens ; et à chaque instant l’expression de leur visage change. Tantôt gais, tantôt tristes, ils rient, ils pleurent, ils soupirent ; bref, ils sont vraiment hors d’eux-mêmes. Revenus à eux, ils ne peuvent dire où ils sont allés, s’ils étaient dans leur corps, ou hors de leur corps, éveillés ou endormis. Qu’ont-ils entendu, vu et dit ? qu’ont-ils fait ? Ils ne s’en souviennent qu’à travers un nuage, ou comme d’un songe ; ils savent seulement qu’ils ont eu le bonheur pendant leur folie. Ils déplorent leur retour à la raison et ne rêvent plus que d’être fous à perpétuité. Encore n’ont-ils eu qu’un faible avant-goût du bonheur futur ! 1
Se livrant à l’éloge paradoxal de la folie au début du seizième siècle, Érasme évoque l’extrait qui précède le ravissement religieux et recense les nombreux passages de l’Ancien et du Nouveau Testament qui font référence à la folie. Il en conclut que l’ardeur de la foi a bien des parentés avec la folie, et que – comme le dira plus tard Pascal dans Les Pensées – « ce serait être fou par un autre tour de folie que de n’être pas fou » . Dans son Histoire de la folie à l’âge classique , Michel Foucault, dissociant la « folie » de la « maladie mentale », a retracé le mouvement qui conduit de la fin du Moyen Age à la naissance de l’asile au XIXe siècle. Si la Renaissance a donné la parole aux fous, l’âge classique la leur a retirée en ouvrant l’ère du « grand renfermement ». L’essor de la psychologie, de la psychiatrie et de la psychanalyse au tournant des XIX e et XX e siècles semble avoir enlevé toute pertinence clinique à la notion de folie (qui ne subsiste que dans le vocabulaire courant) tant la maladie mentale a éclaté en de multiples pathologies.
Il n’en reste pas moins que le lecteur d’Albert Cohen est assez vite frappé par la multiplicité des références à la folie dans l’œuvre. Pathologies diverses, folie prophétique du personnage principal, folie amoureuse, folie du monde, lyrisme échevelé et goût oriental de la grandeur et du travestissement : la folie est partout. Cohen, lui-même lecteur et admirateur de Freud, se livre à une psychopathologie de la vie quotidienne de ses personnages et nous conduit de l’appréhension clinique des comportements (narcissisme, mégalomanie, délire de persécution, scarifications, pulsions suicidaires) à une vision plus symbolique de la folie, carnavalesque au sens de Bakhtine ou prophétique au sens de Neher. Les articles qui composent cet important dossier nous invitent à une promenade dans les différents aspects de ce motif récurrent dans l’œuvre, mais jamais exploré en tant que tel.
Claire Stolz nous présente d’abord « quelques aspects de la langue de la folie chez Cohen », Elle constate dans son œuvre « la coexistence de deux âges de la folie, telle que décrite par Foucault » : la folie carnavalesque du Moyen Age et la folie paranoïaque de la jalousie, et conclut que la folie est pour l’écrivain « avant tout circonscrite dans le monde du verbe » . L’approche stylistique de Claire Stolz est complété par l’approche lexicométrique de Baptiste Bohet qui présente les 193 occurrences du mot « folie » (et des mots apparentés) dans Belle du Seigneur . Il démontre que le terme est majoritairement employé en relation avec la religion et la sexualité. Aurélie Jean examine ensuite, d’un point de vue thématique, « trois aspects de la folie dans Belle du Seigneur », en repartant de l’injonction paradoxale de Solal à Ariane : « Dites-moi fou mais croyez-moi » (BS, 39) : la folie comme déséquilibre psychique individuel, « l’amour fou » comme recherche dans la passion de l’unité perdue et enfin la folie prophétique de Solal comme réponse à la folie d’un monde en marche vers le second conflit mondial. Maxime Decout développe plus particulièrement le second point, la question de la folie amoureuse, qu’il situe entre une « folie rationalisée » et un « rationalisme fou » fonctionnant dans le cadre d’un système de vases communicants. Céline Quint prolonge sa réflexion par un parallèle entre Belle du Seigneur et les romans de Françoise Sagan écrits entre Un certain sourire (1956) et Le Lit défait (1977). « Amour narcissique », « passion dévorante », « folie du dressage amoureux », « piège de l’amour fou », « passion comme folie destructrice » , les points de comparaison sont nombreux entre ces deux œuvres jamais mises en parallèle jusqu’à présent. Denis Poizat explore, lui, les détours symboliques de la folie : de la folie familière à la sagesse du fou dressé contre la folie du monde, le chemin conduirait, dans l’œuvre de Cohen, « vers le jardin », c’est-à-dire manifesterait la nostalgie du paradis perdu et de l’ère messianique annoncée par les prophètes. Marina Davies, explorant plutôt l’aspect carnavalesque, s’intéresse à la figure du fou du roi, héritée du Moyen Age, et d’un de ses avatars sous la Troisième République : les « fous de la République » (Pierre Birnbaum), elle relit l’histoire de Solal à la lumière des deux héritages complémentaires du bouffon médiéval et du « Juif d’État ». Alain Schaffner se penche enfin sur « Combat de l’homme », texte écrit par Cohen à Londres en 1942 et intégré dans le dernier monologue de Solal dans Belle du Seigneur . Il montre que l’antinature, notion empruntée à Nietzsche et présentée pour la première fois dans ce texte, se définit au croisement de la folie et du monstrueux : la folie nazie produisant le monstrueux guerrier se voit opposer la folie prophétique des hommes en lutte pour l’avènement du « monstre d’humanité ».
Dans la partie hors dossier de ce numéro, Cécile Brochart nous présente une réflexion sur « Albert Cohen et le XVIIe siècle moraliste » : peinture sociale critique, démolition du héros, misère et vanités humaines sont également condamnés par l’écrivain qui renouvelle, dans le roman, l’héritage des auteurs du grand siècle. Géraldine Dolléans, s’interroge enfin sur les rapports entre corps et société dans Belle du Seigneur présentant une approche sociologique du texte de Cohen inspirée des travaux de Norbert Elias sur la civilisation des mœurs et d’Erving Goffman sur les rites d’interaction et la mise en scène de la vie quotidienne.
L’écrivain David Foenkinos, qui a souvent dit son admiration pour les romans d’Albert Cohen, a eu la gentillesse de se prêter au jeu des questions et des réponses lors de notre journée d’études sur la folie. On trouvera trace de sa présence dans ce numéro sous la forme d’un entretien qu’il a bien voulu nous accorder pour clore le volume. Ce premier entretien – et ceux qui le suivront, j’espère, dans les prochains numéros – nous permettra de mesurer l’impact des écrits de Cohen sur la création littéraire contemporaine...
La diversité des perspectives ici présentées et les ouvertures qu’elles ont suscitées traduisent la richesse des recherches en cours sur l’œuvre d’Albert Cohen. « Donc, adieu ! Applaudissez, prospérez et buvez, illustres initiés de la Folie ! » 2


1 ERASME, Eloge de la folie , GF Flammarion, 1997, p. 94

2 ERASME, Eloge de la Folie , LXVIII, op. cit. , p. 94.


ÉTUDES


Quelques aspects de la langue de la folie chez Cohen
Claire STOLZ
Pour ce travail, la première question que je me suis posée a été de savoir ce que je pouvais appeler « langue de la folie » et donc de trouver des critères pour délimiter mon corpus d’analyse : la langue du fou, bien sûr, mais aussi la langue chargée de la représentation de la folie. Deuxième question, bien plus cruciale au fond, qu’appeler « folie » chez C

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