Cahiers Albert Cohen N°21
80 pages
Français

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Cahiers Albert Cohen N°21 , livre ebook

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Description

Tous les lecteurs de Cohen ont en mémoire la figure de Jérémie et son antique valise bardée d'étiquettes - qui en fait une figure par excellence de l'étranger. Solal se définit lui-même comme « seul, toujours, un étranger et sur une corde raide ». En 1946, Albert Cohen eut l'occasion de rédiger, dans le cadre de ses fonctions de conseiller juridique au Comité intergouvernemental pour les réfugiés, le texte d'un accord relatif à la délivrance aux apatrides d'un titre de voyage « plus luxueux que le passeport suisse » , il s'en disait fier comme de « son plus beau livre ». Du statut politique d'étranger à la question de l'altérité, de la condition d'apatride à l'appréhension de sa propre étrangeté intérieure, quelles limites et quelle continuité se dessinent ? Les études de Pierre Bras et de Joëlle Zagury-Benhattar sur la figure de Jérémie et son arrière-plan historique, de Maxime Decout sur l'Égypte comme paradigme de l'étrangeté, de Than-Van Ton-That sur les « figures de l'étranger » chez Cohen et Proust, les hypothèses de Maurice Lugassy sur la tentation chrétienne de Cohen, d'Anaëlle Touboul sur les fonctions du travestissement, ou encore la lecture levinassienne de Jessica Desponds ou l'article de Baptiste Bohet sur le « rôle identitaire du sang et des dents », sont autant d'invitations à découvrir les multiples visages de l'altérité dans l'oeuvre d'Albert Cohen.

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Informations

Publié par
Date de parution 10 février 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782304039214
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cahiers Albert Cohen
Figures de l’étranger
N°21, 2011
Editions Le Manuscrit Paris


© Éditions Le Manuscrit, 2011
EAN : 9782304039207 (livre imprimé) EAN : 9782304039214 (livre numérique)


Titres déjà parus aux éditions Le Manuscrit
Cahiers Albert Cohen n°8, Lectures de Belle du Seigneur
Cahiers Albert Cohen n°15, Ô vous frères humains
Cahiers Albert Cohen n°16, Ecriture et identité : Hommages à Norman David Thau
Cahiers Albert Cohen n°17, Albert Cohen et la modernité littéraire
Cahiers Albert Cohen n°18, Animal et animalité dans l’œuvre d’Albert Cohen
Cahiers Albert Cohen n°19, Cohen « humorialiste » : Hommages à Judith Kauffmann
Cahiers Albert Cohen n°20, La folie dans l’œuvre d’Albert Cohen


Éditorial
Ce nouveau numéro des Cahiers rassemble les articles proposés lors de la journée d’études organisée par l’Atelier Albert Cohen et l’Équipe d’’accueil « Écritures de la modernité » (EAC 4400, CNRS/Paris 3), consacrée aux figures de l’étranger dans l’œuvre d’Albert Cohen.
Le projet en était ainsi formulé par Alain Schaffner :
Tous les lecteurs de Cohen ont en mémoire la figure de Jérémie et son antique valise bardée d’étiquettes – qui en fait une figure par excellence de l’étranger. Albert Cohen, lui-même corfiote en exil, juif de la diaspora se sentant mis au ban, malgré sa réussite sociale, par une société parfois férocement antisémite, s’est toujours intéressé au sort des étrangers. Son héros, Solal, se définit d’ailleurs dans une formule célèbre comme « seul, toujours, un étranger et sur une corde raide » . En 1946, Cohen eut l’occasion de rédiger, dans le cadre de ses fonctions de conseiller juridique au Comité intergouvernemental pour les réfugiés, le texte d’un accord relatif à la délivrance aux apatrides d’un titre de voyage « plus luxueux que le passeport suisse » ; il en était particulièrement fier.
La définition de l’étranger est loin d’aller de soi. Elle suppose une patrie, un point d’ancrage (qu’il s’agisse d’un territoire, d’une communauté, d’une culture, d’une nation) par rapport auquel l’altérité de l’étranger puisse se définir. Le rapport avec lui peut se limiter, selon les circonstances, à l’exclusion et au rejet, ou se définir comme une ouverture enrichissante sur tous les plans. Depuis la thèse de Daisy Politis, Figure et rôle de l’étranger chez Albert Cohen (1989), à laquelle nous rendons hommage en reprenant partiellement son titre, la question n’a jamais été aussi frontalement abordée.
On pourra s’intéresser aux différences géographiques, culturelles ou nationales telles qu’elles sont présentées dans l’œuvre et aux conflits qu’elles engendrent. La SDN offre ainsi une mosaïque de nationalités et une réflexion sur la dimension multinationale – juridique ou diplomatique – de la relation à l’étranger. La figure de l’apatride ou du paria revient dans l’œuvre de manière récurrente, du Christ de Paroles juives à Jérémie ou à Finkelstein, dans un contexte historique, celui de l’entre-deux-guerres, propre à exacerber les oppositions et les sentiments xénophobes. L’histoire de la création de l’État juif se lit aussi en filigrane dans les romans de Cohen – qui accompagna longtemps le mouvement sioniste.
L’étrangeté peut également prendre une forme religieuse et apparaître dans les relations entre les communautés. L’œuvre de Cohen revient à de nombreuses reprises sur les grandes oppositions entre le paganisme et le judaïsme, ou entre le judaïsme et le christianisme, voire entre les religions de l’antinature (judaïsme et christianisme) et le culte de la nature (le paganisme). La figure mythique du juif errant associe ainsi étrangeté religieuse et étrangeté géographique, sans parler du décalage temporel qu’elle suppose.
Dans un dernier sens, l’étranger peut enfin être intérieur ou inconscient. Les clivages internes de Solal entre le Juif (oriental) et le Français (occidental), entre le don Juan méprisant les femmes et le Tristan prêt à mourir d’amour sont autant de figures du dédoublement. Toutes les figures de l’autre, y compris intérieur, sont ainsi susceptibles de se révéler étrangères. Le continent féminin apparaît à Solal particulièrement inquiétant et incompréhensible, d’autant plus peut-être qu’il s’en sent plus proche. La présence de l’animal en l’homme, des instincts cruels que la religion et la civilisation n’ont jamais fini de réprimer, révèlent enfin l’irréductible étrangeté des humains à eux-mêmes.
Les études de Pierre Bras et de Joëlle Zagury-Benhattar sur la figure de Jérémie et son arrière-plan historique, de Maxime Decout sur l’Égypte comme paradigme de l’étrangeté, de Than-Van Ton-That sur les « figures de l’étranger » chez Cohen et Proust, les hypothèses de Maurice Lugassy sur la tentation chrétienne de Cohen, d’Anëlle Touboul sur les fonctions du travestissement, ou encore la lecture levinassienne de Jessica Desponds ou l’article de Baptiste Bohet sur le « rôle identitaire du sang et des dents », sont autant d’invitations à découvrir les multiples visages de l’altérité dans l’œuvre d’Albert Cohen.


ÉTUDES


Camelot contre camelot : Albert Cohen, juriste errant de la littérature française
Pierre B ras
Dans Ô vous, frères humains, Albert Cohen fait le récit d’un événement de sa vie qu’il présente comme fondateur à plus d’un titre : en 1905, le jour de ses dix ans, Albert se promène seul dans Marseille, ville où ses parents et lui ont immigré de Grèce cinq ans plus tôt. Il aperçoit un camelot entouré d’une foule captivée par les propos du marchand. Enthousiaste, Albert s’approche comme pour « communier » 1 avec ces Français qu’il aime tant. C’est un choc : le camelot le prend à partie et le chasse en lui lançant des insultes antisémites. On apprendra vers la fin du récit que ce vendeur ambulant de « détacheur universel 2 », produit qui annonce si clairement la Shoah, finit par gifler Albert pour le décider à s’en aller 3 . Par ces insultes, l’épisode du camelot transforme l’enfant en paria qui s’en va errer tout le jour dans la ville, et le renvoie ainsi à son appartenance juive. Quant à la gifle que l’enfant reçoit, et qui est aussi celle que reçoit le Christ en même temps qu’Albert 4 , elle pose la question de la manière dont il sied de réagir aux offenses : faut-il tendre l’autre joue ?
La scène du camelot peut être lue comme une réécriture du « Loup et l’agneau » de La Fontaine : les babines retroussées du Marseillais découvrent « deux longues canines 5 » et l’enfant est frisé comme un agneau 6 . Comme le loup qui se plaint qu’on trouble son breuvage, le camelot reproche à l’enfant juif et étranger de venir « manger le pain des Français 7 ». De plus, le récit de Cohen est une illustration de ce que proclame la fable : « la raison du plus fort est toujours la meilleure » et tient ainsi la justice en échec ; le loup emporte l’agneau « au fond des forêts […] et puis le mange, / Sans autre forme de procès ». Cohen développe dans son œuvre jusqu’au ressassement cette opposition entre la justice et la loi de nature – celle des forêts – apanage des forts. Mais en évoquant la blondeur du camelot 8 et les cheveux noirs 9 de l’enfant, l’auteur replace l’opposition entre le loup noir et l’agneau blanc dans le contexte du racisme « aryen » contre les Juifs. L’analogie entre les deux textes n’en demeure pas moins et le caractère injuste des propos du camelot est éclatant puisqu’Albert, tel l’agneau, ne se voit pas reprocher un fait personnel mais est tenu responsable pour tous ceux de sa race : le « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère » de La Fontaine résonne à travers le texte de Cohen.
En somme, la fable classique et la scène du camelot lient la question de l’injustice au fait d’être étranger à une communauté. Ce problème est fondamental pour Cohen, comme le montre sa pratique professionnelle du droit : il suffit de songer au passeport pour apatr

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