Cahiers Albert Cohen N°22
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Cahiers Albert Cohen N°22 , livre ebook

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Description

Albert Cohen publie en 1938 un roman intitulé Mangeclous, tiré, dit-il, de l'énorme manuscrit de Belle du Seigneur pour faire plaisir à sa fille et aux éditions Gallimard qui attendent depuis huit ans la suite de Solal. Dans ce roman, rabelaisien par bien des aspects, les Valeureux, cousins céphaloniens du personnage principal, vivent une vie faite de chimères et d'initiatives souvent catastrophiques. Dans ce livre hanté par l'approche du second conflit mondial, Albert Cohen développe un humour sans frein qui ne sera égalé dans aucun de ses autres livres. Jamais le roman Mangeclous n'avait fait l'objet d'une étude spécifique. Il fallait combler cette lacune.

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Informations

Publié par
Date de parution 10 février 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782304041552
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cahiers Albert Cohen
Retour sur Mangeclous
N°22, 2012
Editions Le Manuscrit Paris


© Éditions Le Manuscrit, 2012
© Couverture : collection particulière
EAN : 9782304041545 (livre imprimé) EAN : 9782304041552 (livre numérique)


Titres déjà parus aux éditions Le Manuscrit
Cahiers Albert Cohen n°8, Lectures de Belle du Seigneur
Cahiers Albert Cohen n°15, Ô vous frères humains
Cahiers Albert Cohen n°16, Ecriture et identité : Hommages à Norman David Thau
Cahiers Albert Cohen n°17, Albert Cohen et la modernité littéraire
Cahiers Albert Cohen n°18, Animal et animalité dans l’œuvre d’Albert Cohen
Cahiers Albert Cohen n°19, Cohen « humorialiste » : Hommages à Judith Kauffmann
Cahiers Albert Cohen n°20, La folie dans l’œuvre d’Albert Cohen
Cahiers Albert Cohen n°21, Figures de l’étranger


Avant-prop o s
L’appel à communications pour la journée d’étude sur Mangeclous , organisée conjointement par l’Atelier Albert Cohen et l’équipe d’accueil « Écritures de la modernité » (EAC 4400, CNRS/Paris3), avait été ainsi rédigé par Alain Schaffner :
« Albert Cohen publie en 1938 un roman intitulé Mangeclous , qu’il a tiré, dit-il, de l’énorme manuscrit de Belle du Seigneur pour faire plaisir à sa fille et aux éditions Gallimard qui attendent depuis huit ans la suite de Solal . Dans ce roman, rabelaisien par bien des aspects, les Valeureux, cousins céphaloniens du personnage principal, vivent une vie faite de chimères et d’initiatives souvent catastrophiques. Dans ce livre hanté par l’approche du second conflit mondial et très sensible à la situation internationale de l’entre-deux-guerres, Albert Cohen développe un humour sans frein qui ne sera égalé dans aucun de ses autres livres. Jamais le roman Mangeclous n’avait fait l’objet d’une étude spécifique. Il fallait combler cette lacune. »
Le présent volume réunit trois contributions inédites (de Mathieu Bélisle, Maxime Decout et Jack I. Abecassis) et un article réédité (d’Anne-Marie Vacher) sur Mangeclous . Le dossier est complété par l’étude de Géraldine Dolléans sur « le corps de l’étranger », qui s’inscrit quant à elle dans le prolongement du dossier des précédents Cahiers (« Figures de l’étranger », n°21, 2011).


ÉTUDES


Mangeclous et la vie minuscule
Mathieu B elisle
(collège Jean de Brébeuf, Montréal)
Dans l’ Anatomie de la critique 1 , Northrop Frye remarque que, depuis l’Antiquité, le personnage de fiction accuse un déficit – moral, ontologique – grandissant par rapport aux héros de l’épopée et de la tragédie. Pour le critique, l’histoire de la littérature européenne montre que le personnage a progressivement délaissé le domaine de la geste noble pour gagner celui de la « mimesis inférieure ». Il semble que la littérature moderne ait largement renoncé à proposer les modèles dignes d’imitation qu’Aristote célébrait tant et qu’elle tente désormais de trouver, plutôt qu’un idéal, une racine commune. Si les œuvres antiques proposent des personnages placés dans une position de surplomb par rapport au lecteur ou à l’auditeur, au point de les situer parfois sur une sorte de balcon métaphysique, les œuvres modernes offrent au lecteur des personnages semblables, sinon inférieurs à lui. L’hypothèse de Frye est bien entendu sujette à débat. On peut penser qu’elle néglige l’importance de certains corpus : celui des œuvres comiques, par exemple, qui se signale par l’étonnante permanence de son imaginaire ; et celui de la littérature idéaliste – dont on trouve sans doute aujourd’hui les meilleurs exemples dans le domaine populaire –, qui célèbre, comme l’épopée de jadis, le principe communautaire et les vertus d’une humanité supérieure. Plus largement, on peut reprocher au critique d’infléchir le récit de l’histoire des formes littéraires en lui imposant une lecture progressiste ou décadentiste, selon le point de vue d’où on l’envisage. Cela dit, l’hypothèse de Frye n’est pas sans fondement. Il est vrai que de plus en plus de personnages de la littérature moderne appartiennent à la catégorie des « faibles » ou des « ratés », des personnages qui attirent moins notre admiration que notre sympathie, qui nous marquent par la faiblesse de leur volonté ou alors par l’énergie qu’ils gaspillent dans une lutte perdue d’avance. Dans de très nombreux romans des XIX e et XX e siècles – mais on pourrait évidemment remonter jusqu’à Don Quichotte –, c’est l’ampleur de la défaite, de l’écart creusé entre le désir et la réalité, entre l’idéal d’un monde rêvé et l’expérience du monde déchu, qui attire notre attention et nous émeut.
L’œuvre d’Albert Cohen me semble particulièrement exemplaire de cette transformation ou de ce glissement, elle qui est habitée à la fois par la mémoire de la grandeur de jadis – c’est-à-dire du « grand » héros capable de conquête et de victoire, de ses désirs, de ses idéaux – et par la conscience de sa difficile actualisation dans le monde moderne, un monde où l’homme ne peut plus compter sur la « sécurité » intérieure dont jouissait le héros épique, et qui l’assurait, écrit Lukacs, d’un lien indéfectible avec la transcendance 2 . Solal et Mangeclous, par le mouvement pendulaire qui voit leurs actions et leurs « aventures » se succéder, de roman en roman, incarnent deux manières de vivre avec cette mémoire et sa difficile actualisation : le parcours de Solal s’apparente en partie à celui du personnage de l’ambitieux tel qu’on en trouve l’exemple dans les romans de Stendhal et de Balzac, lui qui quitte sa « province », l’île de Céphalonie, arrive par les femmes, jouit d’un charisme qui lui permet de nouer tout au long de son parcours les relations stratégiques qui assurent son ascension irrésistible jusqu’à ce qu’il connaisse la déchéance. Mangeclous, aussi risible et laid qu’il puisse sembler, cherche également à se mesurer à l’idéal de grandeur ; mais à la différence de Solal, il semble conscient de son incapacité foncière à en proposer une incarnation effective. C’est pourquoi il se contente le plus souvent de s’approcher, physiquement, par le rêve ou le discours, des « symboles » de ce pouvoir, de jouir, comme le commensal de la comédie antique, du prestige ou de la richesse d’autrui dans l’espoir qu’une partie de ceux-ci rejaillissent sur lui : pensons aux surnoms de grands dirigeants qu’il donne à ses fils, aux médailles et hautes distinctions qu’il se décerne à lui-même, aux lettres interminables et aux sommes qu’il envoie aux souverains, et ainsi de suite. Mangeclous, plutôt que de se lancer à la conquête du monde, se contente de rêver de cette conquête. Et il n’est pas certain, au terme du cycle cohénien, que ce ne soit pas lui qui ait finalement raison. Car alors que Solal meurt, isolé, dans des circonstances aussi tragiques qu’absurdes, Mangeclous, entouré de ses compagnons, est décrit – et ce sont là les derniers mots du roman Les Valeureux –, comme un « vainqueur éternel» 3 . Tout se passe comme si Cohen choisissait de donner au rêve préséance sur la réalité : même si le lecteur et le narrateur savent que la reine d’Angleterre ne recevra jamais la lettre que Mangeclous a rédigée, les derniers mots du roman réservent la possibilité d’un succès, et même d’un succès absolu. En somme, si Solal cherche à éprouver sa valeur en confrontant le monde pour finir par admettre son impuissance à le transformer ou à triompher de lui, Mangeclous offre l’image de celui qui a déjà tiré les conséquences de la douloureuse découverte vers laquelle Solal sera insensiblement amené.
Admettre que Solal et Mangeclous incarnent les deux faces d’un même désir, que l’un est « le roi dérisoire » et l’autre « le roi de la dérision » pour reprendre la belle expression de Judith Kauffmann 4 , cela n’empêche pas de penser que Mangeclous entretient vis-à-vis de Solal un rapport de secondarité. Le roman dont le bouffon tient la vedette, que Cohen affirme avoir écrit pour le plaisir de sa fille, se p

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