Cahiers Albert Cohen N°23
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Cahiers Albert Cohen N°23 , livre ebook

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Description

Sujet ottoman avant de devenir citoyen suisse, signant « en terre étrangère » son recueil de poèmes (Paroles juives), « arbre de Judée dans la forêt française », rebaptisant Céphalonie sa Corfou originelle, vouant à Israël un amour aussi ardent que platonique, chantre épique de l’Angleterre et de la Russie et romancier de l’exil, jouant à l’envi avec les stéréotypes nationaux et les « lieux communs » et inventeur d’utopies (caves, souterrains, ghettos), Albert Cohen se plaît à promener et à égarer son lecteur dans ses territoires de prédilection, réels ou imaginaires.
Comment se pose politiquement et se déploie poétiquement la question de l’appartenance, de l’espace politique, affectif et littéraire chez Albert Cohen ? Que nous dit, sur lui-même ou sur sa situation historique, son rapport à ses « patries » réelles ou rêvées ? Les études de ce recueil apportent leur contribution à ce qui, dans le jargon critique, a pris depuis peu le nom de géocritique, c’est-à-dire l’examen des reconfigurations imaginaires de l’espace par un écrivain : la Russie (Philippe Zard) et l’Angleterre (Alain Schaffner) à l’heure de la guerre, la Suisse (Joëlle Zagury) et la Palestine/Israël (Maurice Lugassy) sont quatre territoires clés de la géographie cohénienne – et assurément moins explorés que ne l’ont été jusque-là Céphalonie, la France et l’Allemagne. Les études de Géraldine Dolléans sur le corps comme « paysage imaginaire » et de Jack Abecassis sur les chapitres 48 et 50 de Belle du Seigneur (les chapitres « Isolde »), viennent compléter ces perspectives en donnant aux notions de lieux et de « paysage » un sens plus large que géographique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 février 2021
Nombre de lectures 2
EAN13 9782304043358
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cahiers Albert Cohen
La géographie imaginaire d’Albert Cohen
N°23, 2013
Editions Le Manuscrit Paris


© Éditions Le Manuscrit, 2013 © Couverture : auremar - Fotolia.com ; michel assas - Fotolia.com ; Duris Guillaume - Fotolia.com
EAN : 9782304043341 (livre imprimé) EAN : 9782304043358 (livre numérique)


Titres déjà parus aux éditions Le Manuscrit
Cahiers Albert Cohen n°8, Lectures de Belle du Seigneur
Cahiers Albert Cohen n°13, Visages d’Albert Cohen
Cahiers Albert Cohen n°15, Ô vous frères humains
Cahiers Albert Cohen n°16, Ecriture et identité : Hommages à Norman David Thau
Cahiers Albert Cohen n°17, Albert Cohen et la modernité littéraire
Cahiers Albert Cohen n°18, Animal et animalité dans l’œuvre d’Albert Cohen
Cahiers Albert Cohen n°19, Cohen « humorialiste » : Hommages à Judith Kauffmann
Cahiers Albert Cohen n°20, La folie dans l’œuvre d’Albert Cohen
Cahiers Albert Cohen n°21, Figures de l’étranger
Cahiers Albert Cohen n°22, Retour sur Mangeclous


Avant-propos
Sujet ottoman avant de devenir citoyen suisse, signant « en terre étrangère » son recueil de poèmes ( Paroles juives ), « arbre de Judée dans la forêt française » , rebaptisant Céphalonie sa Corfou originelle, vouant à Israël un amour aussi ardent que platonique, chantre épique de l’Angleterre et de la Russie et romancier de l’exil, jouant à l’envi avec les stéréotypes nationaux et les « lieux communs » et inventeur d’utopies (caves, souterrains, ghettos), Albert Cohen se plaît à promener et à égarer son lecteur dans ses territoires de prédilection, réels ou imaginaires.
Comment se pose politiquement et se déploie poétiquement la question de l’appartenance, de l’espace politique, affectif et littéraire chez Albert Cohen ? Que nous dit, sur lui-même ou sur sa situation historique, son rapport à ses « patries » réelles ou rêvées ?
Les études de ce recueil apportent leur contribution à ce qui, dans le jargon critique, a pris depuis peu le nom de géocritique , c’est-à-dire l’examen des reconfigurations imaginaires de l’espace par un écrivain : la Russie (Philippe Zard) et l’Angleterre (Alain Schaffner) à l’heure de la guerre, la Suisse (Joëlle Zagury) et la Palestine/Israël (Maurice Lugassy) sont quatre territoires clés de la géographie cohénienne – et assurément moins explorés que ne l’ont été jusque-là Céphalonie, la France et l’Allemagne. Les études de Géraldine Dolléans sur le corps comme « paysage imaginaire » et de Jack Abecassis sur les chapitres 48 et 50 de Belle du Seigneur (les chapitres « Isolde »), viennent compléter ces perspectives en donnant aux notions de lieux et de « paysage » un sens plus large que géographique.


ÉTUDES


Albert Cohen chez les Soviets. Salut à la Russie ou la littérature en état d’urgence
Philippe Z ard
L’objet littéraire est singulier.
Le compter au nombre des chefs-d’œuvre d’Albert Cohen relèverait à coup sûr de l’aveuglement p artisan. N’y voir en revanche qu’un échantillon parmi d’autres d’une littérature de propagande ou se contenter d’en énumérer les faiblesses reviendrait à passer à côté de sa profonde originalité 1 .
Qui est Albert Cohen en 1942 ?
Il n’est plus un inconnu sans être encore l’écrivain célèbre qu’il deviendra beaucoup plus tard. Il est l’auteur d’un roman remarqué, Solal (1930), et d’un second, Mangeclous , paru à la veille de la Guerre. Il a été le rédacteur en chef de l’éphémère Revue juive , en 1925. Mais, hormis quelques admirateurs que sa jeune œuvre a déjà suscités (parmi lesquels Max Jacob), il reste un « outsider ». C’est au titre de représentant de l’Agence Juive auprès de la Résistance qu’il est présent à Londres, après avoir laissé sa mère en France. Eût-il d’ailleurs été plus connu que Salut à la Russie n’eût rien ajouté à sa gloire, puisque ce texte fut, comme tous ses écrits de guerre jusqu’en 1943, publié sous pseudonyme, pour des raisons que l’on peut deviner : le souci de bien des « hommes de Londres » de protéger leurs proches demeurés en France et, dans le cas précis d’un porteur de patronyme israélite, d’éviter d’alimenter une propagande vichyste encline à faire des gorges chaudes sur la composition « raciale » de la Résistance… En d’autres termes, Albert Cohen, dans son exil londonien, se trouve dans l’obligation – contrainte matérielle et impératif moral – d’interrompre son projet romanesque (le manuscrit de Belle du Seigneur , chef-d’œuvre en péril, dormira quatre ans en France occupée), acceptant de mettre sa plume au service de l’effort de guerre : après Angleterre (1941) , et avant Combat de l’homme (septembre 1942) et Churchill d’Angleterre (février 1943), ce Salut à la Russie sera publié en deux livraisons en juin et juillet 1942 dans La France libre 2 .
Cette humilité ne doit cependant pas tromper. Si les textes de guerre de Cohen semblent marquer une pause dans sa création, c’est une pause réflexive ; s’ils ont toutes les imperfections d’une littérature de circonstance, ils présentent aussi l’intérêt de nous faire pénétrer dans l’atelier de l’écrivain, dans sa forge, à un moment où la pensée n’a pas encore acquis les contours et le fini du grand œuvre à venir. Ce qui est vrai de tous les écrits politiques d’Albert Cohen l’est davantage de Salut à la Russie, texte atypique, inclassable et résolument contradictoire qui, au moment même où il prétend consacrer la simplicité d’un combat éthique, en met à nu la complexité.
Le Salut à la Russie d’Albert Cohen n’est pas passé complètement inaperçu. Voici ce qu’en rapporte Raymond Aron dans ses Mémoires :
Dans la partie littéraire, souvent faible, nous avons publié des textes de Jules Roy, d’Albert Cohen. Sartre, en lisant un des textes de ce dernier, réagit avec vivacité ; il en détesta le style et me dit : « Qui est cet Albert Cohen ? » Il s’agissait d’un article sur l’armée allemande, paralysée par l’hiver russe. 3
Ce témoignage est doublement instructif. Il semble indiquer que l’empreinte laissée par le texte d’Albert Cohen dans l’esprit de Raymond Aron tient surtout à la description burlesque de la débâcle allemande. Il est difficile de déduire de ce passage si Sartre a lu la totalité du texte ou seulement ce morceau de bravoure qu’Aron lui aurait fait lire 4 quelques années plus tard. Ce dernier suppose en tout cas, sans doute avec raison, que ce fut le style d’Albert Cohen qui indisposa Sartre. Si celui-ci avait eu la patience de poursuivre sa lecture jusqu’au bout, on pourrait imaginer que d’autres aspects de ce texte l’auraient passablement agacé, en particulier sa grandiloquence moralisatrice. Et pourtant… Le paradoxe piquant de l’allergie de Sartre est que ce Salut à la Russie contient, sur la littérature de guerre, la formulation anticipée de certains des principes de la littérature engagée que Sartre va s’employer à illustrer dans l’immédiat après-guerre, moyennant il est vrai une divergence de taille : ce dont Sartre prétendait faire la justification de la littérature en tant que telle ne sera jamais rien d’autre chez Cohen que la ratification provisoire d’un état d’exception.
Salut à la Russie se compose de neuf chapitres, mais peut se ramener à trois grands mouvements.
Dans un premier temps, Cohen décrit l’agression allemande, l’âpreté des combats et la résistance des Russes à l’envahisseur 5 : l’avancée apparemment inexorable des troupes allemandes dans le territoire russe (chap. i ) ; la contre-offensive soviétique et la débandade des armées allemandes condamnées à une retraite piteuse (chap. ii ) ; l’idée d’une « guerre totale » qui rend possible la victoire russe (chap. iii ), la contribution des écrivains acceptant de soumettre la « grande littérature » aux servitudes de la propagande (ch. iv ). Ce premier temps se conclut, au chapitre v , par un éloge paradoxal de cette propagande, qui oppose les slogans simplistes mais efficaces du régime soviétique aux afféteries et hésitations du gouvernement français.
Le deuxième mouvement, contenu dans l’espace du chapitre vi , se présente comme une digression réflexive en forme de repentir : l’auteur y confie sa « honte » de la rhétorique martiale à laquelle il est contraint de sacrifier, regrette l’époque où il pouvait s’attarder à des amours poétiques, goûter à la musique de Mozart ou s’attendrir sur le chant innocent d’un oiseau.
Le troisième temps est un retour à la scène guerrière en forme d’épilogue : Cohen célèbre l’ardeur religieuse des combattants russes (ch. vii ), &#

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