L Age de plastique
142 pages
Français

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Description

Le Québec moderne n’a jamais réellement habité la ville ; ou alors il n’a jamais habité la ville réelle. Peu importe, car cela ne l’a pas empêché d’en parler plus que de tout autre espace. Dans ce livre, je veux mesurer les conséquences de cette contradiction. Je veux chercher à lire la ville contemporaine au Québec, celle dont hérite le jeune xxi e siècle… Mais si on souhaite poursuivre ici, il faudra accepter d’abandonner le mot “ville” en chemin. C’est l’urbanisation et la littérature qu’il faudra aborder comme deux choses interdépendantes depuis les années 1960 au Québec. L’urbanisation et la ville ne sont pas la même chose du tout. La première est un processus, la seconde est son résultat. L’urbanisation est vivante et mobile alors que la ville est morte, ou en tout cas figée, abstraite. Bref, l’une existe, et l’autre pas. Il y a là un problème considérable. Dans ce livre, je parle d’étalement, de zonage, de friches, de banlieues, de chantiers et d’infrastructures — de ces espaces périurbains, depuis longtemps majoritaires dans le paysage nord-américain. J’en parle comme des lieux où la vie devrait pouvoir accéder à l’art. Et plus spécifiquement à l’art littéraire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 mai 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760636507
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DANIEL LAFOREST
L’âge de plastique
Lire la ville contemporaine au Québec
Les Presses de l’Université de Montréal
Placée sous la responsabilité du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ), la collection Nouvelles études québécoises accueille des ouvrages individuels ou collectifs qui témoignent des nouvelles voies de la recherche en études québécoises, principalement dans le domaine littéraire: définition ou élection de nouveaux projets, relecture de classiques, élaboration de perspectives critiques et théoriques nouvelles, questionnement des postulats historiographiques et réaménagement des frontières disciplinaires y cohabitent librement.
Directrice:
Martine-Emmanuelle Lapointe, Université de Montréal
Secrétaire:
Hélène Hotton, Université de Montréal
Comité éditorial:
Gilles Dupuis, Université de Montréal
Daniel Laforest, Université de l’Alberta
Karim Larose, Université de Montréal
François Paré, Université de Waterloo
Nathalie Watteyne, Université de Sherbrooke
Comité scientifique:
Bernard Andrès, Université du Québec à Montréal
Patrick Coleman, University of California
Jean-Marie Klinkenberg, Université de Liège
Lucie Robert, Université du Québec à Montréal
Rainier Grutman, Université d’Ottawa
François Dumont, Université Laval
Rachel Killick, University of Leeds
Hans-Jürgen Lüsebrinck, Universität des Saarlandes (Saarbrücken)
Michel Biron, Université McGill
Mise en pages: Yolande Martel ePub: Folio infographie Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Laforest, Daniel, 1974- L’âge de plastique: lire la ville contemporaine au Québec (Nouvelles études québécoises) Comprend des références bibliographiques. ISBN 978-2-7606-3648-4 1. Roman québécois – 21 e siècle – Histoire et critique. 2. Villes dans la littérature. 3. Banlieues dans la littérature. I. Titre. II. Collection: Collection Nouvelles études québécoises. PS8191.V5l23 2016 C843’.609321732 C2016-940573-7 PS9191.V5l23 2016 Dépôt légal: 2 e trimestre 2016 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2016 www.pum.umontreal.ca ISBN (papier) 978-2-7606-3648-4 ISBN (PDF) 978-2-7606-3649-1 ISBN (ePub) 978-2-7606-3650-7 Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
«Plus qu’une substance, le plastique est l’idée même de sa transformation infinie»
Roland Barthes, Mythologies
À mon père


REMERCIEMENTS
Je veux remercier le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, la Fondation Fulbright Canada-US, la Faculté des arts de l’Université de l’Alberta, le Centre de littérature canadienne, ainsi que la Chaire d’études sur le Canada des Universités de Limoges et de Poitiers pour leur soutien aux différentes étapes de la recherche ayant mené au présent ouvrage. Remercie­ments tout spéciaux à Bertrand Rouby et Fabienne Claire Caland.
Je tiens également à remercier mes étudiants Alexandra Popescu, Trent Portigal et Shanna Mumm qui m’ont offert une assistance précieuse sans laquelle le travail préparatoire à ce livre aurait été infiniment plus compliqué.
Mes remerciements vont enfin aux étudiants qui m’ont accompagné avec passion dans le projet en ligne d’inspiration psychogéographique Vertical Suburbia , qui a été réalisé parallèlement à la rédaction de ce livre: Robert Ryan Beauvais † , Erika Luckert, Anna Sajecki et Joyce Yu.


INTRODUCTION
(Où l’on rencontre un personnage qui ne sait plus sortir de chez lui)
Tant que nous n’avons pas fait varier l’objet devant nous, nous ne savons pas ce qu’il est.
Pierre Sansot , Poétique de la ville
Le Québec moderne n’a jamais réellement habité la ville; ou alors il n’a jamais habité la ville réelle. Peu importe, car cela ne l’a pas empêché d’en parler plus que de tout autre espace. Dans ce livre, je veux mesurer les conséquences de cette contradiction. Je veux chercher à lire la ville contemporaine au Québec, celle dont hérite le jeune XXI e siècle. Peut-on lire une ville? Bien sûr, car on peut d’abord l’écrire. Cette métaphore est connue. Elle a souvent été employée dans le passé. Elle nous dit que l’écrivain s’inspire de la ville et de ses méandres, et que la littérature est une manière aussi bien de marcher que de parler. Mais si on souhaite poursuivre ici, il faudra accepter d’abandonner le mot «ville» en chemin. C’est l’ urbanisation et la littérature qu’il faudra aborder comme deux choses interdépendantes depuis les années 1960 au Québec. L’urbanisation et la ville ne sont pas la même chose du tout. La première est un processus, la seconde est son résultat. L’urbanisation est vivante et mobile alors que la ville est morte, ou en tout cas figée, abstraite. Bref, l’une existe, et l’autre pas. Il y a là un problème considérable. Mais c’est un problème difficile à saisir avec netteté, qui tient au fait que l’histoire intellectuelle des cinquante dernières années au Québec renferme l’image tacite d’une ville sinon résolue, du moins apaisée. Avec ce dernier mot, il faut entendre le recouvrement du remue-ménage urbain par une poignée de fausses certitudes qui ont abusé de l’hospitalité qu’on leur a faite jadis. En plus de rester inentamées, ces certitudes se sont muées en symboles; elles se sont mises à passer sans entraves d’un univers de représentation à un autre, de la littérature où elles sont nées, aux histoires culturelles, puis aux discours médiatiques, publicitaires, et ultimement civiques.
De quoi est-on si certain? D’une part, que le terme exode rural est suffisant pour résumer plus de cent ans de rapports québécois à la ville. L’exode rural est un épisode qui aurait eu lieu uniquement dans le passé de la province. Comme si les gens avaient depuis cessé de bouger, de transiter entre la ville et l’extérieur, de s’exiler pour un temps, ou pour toujours. D’autre part, cela suggère que chaque passage d’un monde à l’autre serait un processus net, catégorique, comme si les mondes étaient eux-mêmes de simples catégories, dont la gémination demeure exceptionnelle et difficilement pensable. Quoi qu’il en soit, un consensus clame que c’est l’exode rural qui aurait mené à la forme dominante de notre culture contemporaine, pour le coup résolument urbaine. Mais attention, urbain ne signifie pas ici toutes les enclaves où règne une vie municipale. Ce mot, on l’a harnaché au Québec en le rendant synonyme de la modernité entamée avec la Révolution tranquille. La province a progressé vite à cette époque. Mais la modernité s’est aussi concentrée là où ça importe, là où ça bouge, c’est-à-dire en ville. Or cette ville est, à peu de choses près, exclusivement Montréal. Pour ceux qui vont vite dans la pensée comme dans l’écriture, c’est devenu l’espace de tous les possibles, de toutes les vitesses, de tous les croisements et hybridations, de toutes les cultures aussi. En un mot, la ville, cette ville-là , est devenue illimitée dans nos esprits. Ce qui étonne, c’est qu’on continue de prétendre connaître où elle commence et où elle s’arrête sur le territoire. On continue de croire que la ville est un objet pourvu de frontières, séparé du reste par des espaces à la texture moins inconnue que négligeable.
La géographie urbaine du Québec d’après-guerre a par conséquent pris l’allure d’un corps dégingandé, avec ses agglomérations de taille moyenne et ses villages comme extrémités, auxquelles une tête qui voit tout, pense tout, dit tout, qui produit tous les signes n’adresserait que de rares influx. Encore les villes moyennes ont-elles la grâce d’exister, car il se trouverait aussi de prétendus non-lieux que le savant et l’artiste, jamais dupes, sauraient désigner parmi les espaces où la vie sociale du Québec est frappée au mieux d’anesthésie, au pire d’un surcroît d’américanité. Cette idée de non-lieu, au demeurant bien connue mais mal comprise, fréquemment critiquée ailleurs, n’en est pas moins tenace quand elle s’avance masquée pour continuer à servir des discours paresseux.
Dans ce livre, je parle d’étalement, de zonage, de friches, de banlieues, de chantiers et d’infrastructures – tout ce que la critique française, bien qu’elle soit aux prises avec des problèmes de nature fort différente, a rassemblé sous le nom utile de périurbain. Ces espaces périurbains, depuis longtemps majoritaires dans le paysage nord-américain, je ne les évoquerai pas exactement comme des lieux de vie (c’est le propre de la sociologie). J’en parle plutôt comme des lieux où la vie devrait pouvoir accéder à l’art. Et plus spécifiquement à l’art littéraire. Des lieux où la vie devrait s’imaginer, se représenter, se raconter, se problématiser au même titre qu’ailleurs, en vertu de la croyance elle-même moderne qu’il n’existe pas de vil sujet pour l’esthétique, ni de rapport au monde qui soit ineffable. Cela dit, le Québec, pour des raisons qu’on verra, a entretenu face aux espaces périurbains une injonction: s’en détourner, ne pas essayer de les connaître, éviter surtout d’y faire correspondre une idée de ce que deviennent la vie et le temps quand ils sont pris ensemble. Éviter, en d’autres mots, d’y voir de l’histoire, du biographique, et le sens d’un monde doté en tout lieu de profondeur. La forme urbaine qui m’intéresse ici, celle qu’il faut voir comme la matrice véritable de notre quotidien, est fracturée de l’intérieur: la vie et le temps y ont été séparés dans l’imaginaire. La majorité de ses lieux sont dépourvus d’ascendance. Soit des existences sans histoire y prennent place, et alors il n’y pas de biographie possible. Soit des drames s’y déroulent, mais dans un cadre perçu comme artificiel; alors, c’est le monde qui est absent, et avec lui le social. La trame ou le fond manquent. D’une façon ou d’une autre, l’énigme est immense. Comment peut-on offrir des histoires en partage

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