L Invention de l appartenance
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L'Invention de l'appartenance , livre ebook

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Description

Dans les situations héritées de la déterritorialisation – à l’origine de la présence française en Amérique –, comment prétendre à une certaine autochtonie ? Au-delà des frontières entre ceux qui sont établis et les populations déplacées, comment la liberté d’imaginer l’autre conduit-elle à concevoir l’appartenance en assumant l’histoire coloniale ?
Sur l’horizon continental des littératures francophones, où l’auteure situe le texte québécois, l’autochtonie est l’affaire de tous. Qu’elle soit parée des signes de l’indianité, projetée sur l’écran virtuel de l’art, partagée par plusieurs identités, dérivée d’une mémoire prénationale ou sécrétée par une résistance à des pouvoirs réducteurs, elle est le vecteur d’un idéal d’authenticité. Sa quête module les oeuvres à l’étude. Le mythe de fondation – qui confère une légitimité au discours social et politique – fait place à des fantasmes qui renou­vellent l’appartenance par des propositions originales, lui donnant un ancrage sur différents territoires symboliques.
L’approche anthropologique ici adoptée s’appuie sur une synthèse des principaux enjeux identitaires formulés par la fiction littéraire, depuis les années 1970 jusqu’au début du XXIe siècle. Le panorama des figures de l’appartenance qui en résulte offre une contribution remarquable à la réflexion actuelle sur les défis du vivre-ensemble.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 novembre 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760639843
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’INVENTION DE L’APPARTENANCE
La littérature québécoise en mal d’autochtonie
Emmanuelle Tremblay
Les Presses de l’Université de Montréal




Mise en pages: Yolande Martel Epub: Folio infographie Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Tremblay, Emmanuelle, 1966-, auteur L’invention de l’appartenance: la littérature québécoise en mal d’autonomie / Emmanuelle Tremblay. (Espace littéraire) Comprend des références bibliographiques. Publié en formats imprimé(s) et électronique(s). ISBN 978-2-7606-3982-9 ISBN 978-2-7606-3983-6 (PDF) ISBN 978-2-7606-3984-3 (EPUB) 1. Littérature québécoise – Histoire et critique. 2. Identité collective dans la littérature. 3. Appartenance dans la littérature. I. Titre. II. Collection: Espace littéraire. PS8131.Q8T73 2018  C840.9’9714  C2018-942592-X PS9131.Q8T73 2018  C2018-942593-8 Dépôt légal: 4 e trimestre 2018 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2018 www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).




AVANT-PROPOS
Cet ouvrage présente un panorama des figures de l’appartenance en littérature québécoise. Pendant des années, j’ai fréquenté l’œuvre de poètes et de romanciers qui mettent en lumière la constellation de facteurs qui nous lient à une collectivité tout comme ils nous en délient, et qui font de l’appartenance – toujours incertaine dans le cas des minorités culturelles – une constante quête d’ancrages. C’est pourquoi je me suis intéressée à la contribution de l’imagination narrative aux débats sur l’héritage, notamment aux manières de l’appréhender pour orienter notre devenir et poser les jalons d’une réflexion sur le problème plus spécifique de notre rapport à l’autochtonie.
Au-delà des frontières entre ceux qui sont établis et ceux qui sont déplacés (premiers peuples 1 , immigrants et migrants), entre ceux qui occupent le territoire et ceux qui n’ont pas de droits – ou réclament des droits sur lui –, comment l’attention à l’autre (ou la liberté d’imaginer l’autre) conduit-elle à réinventer l’appartenance? Dans les situations héritées du phénomène de la déterritorialisation, qui est à l’origine même de la colonie française en Amérique et qui se prolonge dans le rêve québécois d’un pays, comment prétendre à une certaine autochtonie? Comment penser une cohésion de l’identité collective qui rende possible la revendication d’un héritage sans fabriquer de l’exclusion? Peut-on devenir autochtone sans pourtant être un membre des Premières Nations? Comment l’imaginaire de l’appartenance compose-t-il avec ces derniers, de même qu’avec un manque d’autochtonie à combler?
Aiguillonnée par ces interrogations, la thèse d’interprétation de la littérature québécoise que je propose ici s’appuie sur une synthèse des principaux enjeux identitaires formulés par l’imagination narrative, depuis l’époque de consolidation d’un cadre néonational jusqu’en ce début de XXI e siècle, mondialisé et postcolonial. Tout en suivant la courbe évolutive de ces enjeux, la quête d’autochtonie qui module les œuvres à l’étude en est le fil d’Ariane. Elle lui donne un éclairage contextuel qui permet d’envisager en continuité l’histoire littéraire contemporaine, caractérisée par deux ruptures communément admises: l’affranchissement d’un carcan moral et formel hérité de la tradition canadienne-française avec la Révolution tranquille; la déconstruction de la référence québécoise introduite par les «écritures migrantes» dans le paysage culturel des années 1980. Plutôt que de concevoir le développement de la littérature contemporaine uniquement par période, j’adopte une approche par «figures», lesquelles correspondent à des modalités d’ancrage de l’appartenance sur les différents territoires symboliques auxquels sont consacrés les chapitres de ce livre. Selon mon hypothèse interprétative, l’appartenance est réinventée au cours des décennies, de manière à exprimer des fantasmes de l’autochtonie, condensés en cinq figures: figure de l’Indien; figure de l’Œuvre; figure du Métis; figure d’un Temps autre; figure de l’ Agon .
Cette étude constitue avant tout un apport à l’anthropologie de l’imaginaire. Elle vise à mettre en valeur les stratégies de réinvention symbolique de l’appartenance qui se révèlent à travers différentes figures. Il est à préciser que le lecteur n’y trouvera pas de nouveaux paradigmes pour l’interprétation de la littérature québécoise, mais de nouvelles proximités entre des œuvres qui pourront paraître hétéroclites selon des critères thématique, esthétique et contextuel. Ces proximités sont autorisées par la documentation des figures de l’appartenance, véritables objets de l’approche anthropologique faisant l’économie d’un approfondissement des œuvres au profit de ce qui les rassemble. Les limites d’une telle approche, interdisciplinaire, feront toutefois son attrait pour les anthropologues, historiens et sociologues de la culture qui s’intéresseront au propos d’ensemble sur l’invention de l’appartenance.
Les figures qui président à la structure du présent ouvrage s’imposent graduellement au XX e siècle pour s’agréger dans l’imaginaire québécois en le diversifiant jusqu’à l’aube du XXI e siècle. Leur pluralité témoigne de la complexité de cet imaginaire sur le plan littéraire, où les figures s’agencent selon des variantes encore à découvrir. Elle prouve qu’il y a de nombreuses façons d’aborder le problème de la crise des identités, liée non seulement à une situation minoritaire et aux malaises de la modernité, mais aussi à une appartenance historiquement en mal d’autochtonie.
Qu’est-ce que l’autochtonie? Selon le point de vue, les significations fluctuent. Le discours écologiste a valorisé notre commune appartenance à une planète qui, en raison de l’exploitation des ressources et du réchauffement climatique, prend des airs apocalyptiques de terre brûlée. Le futur de l’humanité serait ainsi conditionnel au développement de la conscience de notre dépendance à une biosphère envers laquelle doit s’exercer notre responsabilité morale, comme l’a théorisée Hans Jonas. Une «éthique du futur» (Jonas 1998), fondée sur la révision des modes d’utilisation des techniques et des sciences, nous convie à faire la critique des valeurs de production et de consommation de la société industrielle, afin de repenser les conditions de notre enracinement dans une humanité qui se dégrade au même titre que l’environnement. Nous serions tous des autochtones dont le lien avec la Nature est à reconstruire pour assurer notre survie. Dans cette optique, la notion d’autochtonie prend une dimension transculturelle, car elle est porteuse d’une valeur de préservation en ce qui a trait à l’habitat de l’homme et à la diversité des écosystèmes.
Néanmoins, l’autochtonie est en général applicable à des groupes restreints. Pour l’historiographe, l’autochtonie des premiers peuples est d’abord «une identité politique historiquement construite», tout comme le déterminant de la «race qui lui est intimement lié, ou celui d’État» (Gohier 2014: 41). Cela dit, l’autochtonie n’est pas que le résultat d’une construction; elle est aussi un instrument d’affirmation collective. Dans le cadre de l’anthropologie, elle prend une dimension culturelle. Le «réveil autochtone» des années 1970 a conduit à des revendications non seulement territoriales, mais aussi culturelles, lesquelles ont contribué à une réhabilitation d’une différence non occidentale. Ces mouvements «produisent de l’autochtonie» (Beaucage 2009: 224), caractérisée par une demande d’inclusion dans la modernité.
C’est ainsi que le traduit, en ses mots, la poète innue Joséphine Bacon qui veille, par l’écriture, au «passage d’hier à demain» et qui affirme avoir ainsi «retrouvé les aînés porteurs de rêves, les femmes guides, les hommes chasseurs, les enfants garants de la continuité du voyage» (2009: 30 et 8). Dans un tel cas, la notion d’autochtonie comporte une signification qui va au-delà du discours identitaire, car elle repose sur une exigence de participation à l’écriture de l’Histoire par le rétablissement d’une continuité de l’héritage, rompue par l’imposition d’un récit colonial. Cette revendication culturelle de l’autochtonie traverse les écrits de deux générations d’écrivains des Premières Nations, dont les textes forment le corpus distinct d’une littérature en émergence (Sioui 1989; Gatti 2004; St-Amand 2010).
Dans ce cas, l’autochtonie résulte d’une construction de discours qui font état d’une volonté d’ancrage dans le monde contemporain. D’un autre côté, elle est aussi synonyme d’ethnicité. Elle oppose une résistance à la domination des pouvoirs économiques en place et correspond à une façon de faire valoir des droits sur un système d’exclusion. À cet égard, l’autochtonie constitue une communauté internationale d’appartenance, incluant diverses identités qui se déclinent en fonction des trois critères de définition de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones adoptée en 2007: «la marginalisation, la différence culturelle et l’auto-identification» (Morin 2009: 66). En tant que «mouvement social global», la revendication d’une autochtonie est ainsi le fait d’un «autochtonisme» qui, selon la thèse de Thibault Martin, aurait une visée révolutionnaire – au même titre que le féminisme –, en raison de la révision des traditions analytiques à laquelle il engage (2009: 450). Dans tous ces cas, la notion d’autochtonie revêt un sens pragmatique, car son usage vise une transformation sociale. Sa dimension culturelle est par conséquent englobée par une signification politique.
Cela étant, cet ouvrage ne traitera pas de littérature autochtone ni des

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