Parole et geste dans la tragédie grecque
216 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Parole et geste dans la tragédie grecque , livre ebook

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
216 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Imaginez-vous à Athènes, vers 414 avant J.-C. Dans le théâtre de Dionysos sous l’Acropole. Gradins en bois, sol de terre battue, et pour seul décor un bâtiment rudimentaire, doté d’une grande porte. Au programme, Électre de Sophocle. La porte s’ouvre, Électre apparaît. C’est la fille de Clytemnestre et d’Agamemnon.


Clytemnestre a assassiné Agamemnon à son retour de Troie, après dix ans de guerre. Elle règne aux côtés de son amant, Égisthe. Électre vient hurler sa peine devant le palais de Mycènes, face aux 12 000 spectateurs athéniens. Elle prend à témoin le jour qui se lève, rappelle le meurtre affreux de son père, invoque les déesses de la vengeance. Sophocle la représente ainsi, accablée par le deuil. Grâce à une tradition longue de 2 400 ans, nous connaissons les mots d’Électre prononcés ce jour-là : ceux de l’héroïne, ceux du poète, ceux de l’acteur derrière le masque. Nous avons le texte qui nous permet d’imaginer les gestes. Et de là les effets de scène, l’émotion des spectateurs, le spectacle vivant.


Le présent ouvrage part à la recherche de ces gestes perdus. Entre les lignes des trois « Électre » d’Eschyle, Sophocle et Euripide, il décèle des gestes de différentes natures : jeu et danse du comédien ; actes de parole d’Électre qui prie, se lamente, jure, maudit ; figures stylistiques par lesquelles le poète donne corps au texte. Or ces différents « gestes » semblent se compléter, se répondre... Pour s’en assurer, il faut adopter une autre lecture : mobiliser, comme le public grec, l’ouïe et le regard.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782889303281
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0165€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2021
Case postale 5
2002 Neuchâtel 2
Suisse
 
 
www.alphil.ch
 
Alphil Diffusion
commande@alphil.ch
 
 
DOI : 10.33055 / ALPHIL.03145
 
ISBN papier : 978-2-88930-326-7
ISBN EPUB : 978-2-88930-328-1
 
 
Ce livre a été publié avec le soutien des institutions suivantes :
Fonds national suisse de la recherche scientifique
Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Neuchâtel
Université de Lausanne et Section d’archéologie et des sciences de l’Antiquité
Fonds für Altertumswissenschaft, Zurich
 
Publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique.
 
Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2021-2024.
 
Illustration de couverture : projet de modélisation du personnage d’Électre réalisé par Alexandre Pages, étudiant de l’EPFL.
 
Responsable d’édition : François Lapeyronie


À Émilien et Romeo, mes pieds sur terre, et à mes ailes


Avant-propos
C et ouvrage reprend en grande partie le contenu d’une thèse de doctorat que j’ai soutenue à l’Université de Neuchâtel en février 2008. En grande partie, car il ne pouvait s’agir, après plus de dix ans, d’en publier le texte sans modifications. La recherche a évolué, l’auteur aussi. Cependant, les questions posées alors demeurent. Elles sont même devenues d’une actualité brûlante depuis que les termes « performance » et « performatif » ont envahi la scène culturelle, rendant trendy et floue tout à la fois la question de l’action de la parole.
Les réflexions et les conclusions mises au jour à l’époque ne sont pas caduques. À tel point qu’il a semblé pertinent de les faire éditer, tout en prenant en compte la littérature publiée sur le sujet dans l’intervalle et les corrections suggérées par les membres du jury de thèse, Paul Schubert, Claude Calame, Marie-José Béguelin et Martin Steinrück. Précisons que j’ai dans le même temps allégé le texte pour le rendre plus accessible et reformulé nombre de passages pour présenter une réflexion plus fluide. Il subsiste sans doute quelques maladresses : qu’on y voie les traces d’une jeunesse pas tout à fait révolue.
Ce travail de longue haleine n’aurait pu aboutir s’il n’avait été encouragé par Alain Cortat et les éditions Alphil. Je profite de ces lignes pour les remercier chaleureusement de leur confiance et de leur travail minutieux, sans compter l’audace qu’il faut pour publier un ouvrage truffé de grec ancien. Des remerciements tout particuliers vont à Claude Calame, qui n’a jamais cessé, au long de cette décennie, d’encourager la publication de ma thèse.
Durant ce laps de temps, d’autres rencontres importantes ont eu lieu qui, de près ou de loin, ont aidé à l’achèvement de ce travail. Que soient remerciés à des titres divers – ils sauront pourquoi – David Bouvier, Pierre Voelke, Olivier Thévenaz, Danielle van Mal-Maeder, Anne Bielman et mes autres collègues de la section d’archéologie et des sciences de l’Antiquité ; Matthieu Pellet et les enseignants du cours « Méditerranée » de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, les surprenants étudiants de cette même École, les joyeux lurons des compagnies TALMA et STOA ; et plus personnellement mes amis, amies et muses, ma famille et mes enfants. Les remerciements plus complets sont compris dans la version originale de ce texte. Comme mon affection pour les personnes citées, et même si certaines nous ont quittés dans l’intervalle, ils sont toujours d’actualité.


Préface
Choéphores :
J’ai commencé à battre le kommos des Aries,
Et, à la mode d’une pleureuse de Kissia,
425
On peut voir des coups suivre les coups,
Des éclaboussements de sang répétés, le lancer pressé des mains
De haut et de loin. Et ma tête, au bruit du choc,
Retentit, battue, toute meurtrie.
Électre :
Iô ! Iô ! Mon ennemie,
Mère effrontée, dans une mise au tombeau ennemie, tu as eu le front
430
D’ensevelir un prince sans les gestes du deuil,
Sans les lamentations dues,
Tu as eu le front d’enterrer ton époux sans pleurs !
Oreste :
Tout est déshonneur dans ce que tu dis. Oimoi !
C ’est bien ce déshonneur infligé à mon père qu’elle va payer
435
Avec l’aide des dieux,
Avec l’aide de ma propre main,
Et après, quand je l’aurai décapitée, que je meure 1  !
On sait l’intrigue que présuppose cet échange chanté entre d’une part, les deux jeunes protagonistes de la légende des Atrides et d’autre part, le groupe choral mis en scène par Eschyle ( Choéphores , v. 423-438). Face au chœur formé de porteuses de libations captives, Électre et Oreste, qui viennent de se reconnaître, promettent d’honorer la tombe de leur père tout en souhaitant tirer vengeance d’une mère à la fois adultère et meurtrière. Chanté sur un rythme alternant iambes et crétiques, cet échange a lieu devant la tombe de feu le roi Agamemnon, jusqu’ici privé d’honneurs funéraires.
Pour nous des mots, pour nous des textes transmis par une longue tradition d’abord papyrologique, puis codicologique avant que n’intervienne l’impression. Des mots chantés et dansés par des acteurs masculins masqués, des mots réduits à l’état de textes dont s’est saisi le travail des philologues pour en établir l’illusoire version originale ; des textes qui, en tant que tels, ont été l’objet des innombrables interprétations que requiert en particulier leur établissement. Par ailleurs, dépendant des choix successifs opérés dans la tradition antique, le corpus des poèmes grecs qui nous sont parvenus sous forme de textes est désespérément clos, notamment en ce qui concerne les tragédies attiques : pour Eschyle, sept tragédies, parmi lesquelles une à l’autorité contestée, pour plus de cent drames dont le titre nous est connu.
De ces poèmes chantés, pour nous réduits à l’état de textes à l’établissement contesté, seule une nouvelle approche, inspirée par le développement des sciences humaines contemporaines, est susceptible de proposer de nouvelles lectures. Elle peut solliciter notre attention pour des manifestations poétiques parmi les plus efficaces qui soient, au-delà des profonds changements de paradigme culturel intervenus depuis plus de deux millénaires : la culture grecque est une culture autre qui exige de nous une mise en perspective anthropologique et, puisqu’elle nous confronte à des manifestations verbales, une approche relevant des sciences du langage. C’est ce double défi que relève avec pertinence la recherche que Matteo Capponi consacre à l’efficacité de la parole comme geste dans trois drames, les Choéphores d’Eschyle, l’ Électre de Sophocle et la tragédie homonyme d’Euripide ; sous des intitulés constamment féminins, ces trois drames mettent en scène devant le public de l’Athènes du V e  siècle la même intrigue héroïque.
Dépassant l’habituel commentaire textuel, Matteo Capponi porte donc son attention sur les procédures d’efficacité de la parole, notamment en relation avec le geste, dans trois tragédies attiques, en comparaison différentielle. Il se montre ainsi sensible aussi bien aux nombreux apports de la pragmatique, dans le développement récent des sciences du langage, qu’à ceux de l’anthropologie culturelle et sociale pour des paroles qui, par le geste qui les soutient, relèvent du rituel. Cette interrogation est d’autant plus pertinente que, dans la tragédie attique, la force de la parole chantée et agie se déploie sur les deux niveaux que constituent, d’une part, l’action héroïque dramatisée autour de l’orchestra où évolue le chœur, et d’autre part, le concours musical rituel auquel prend part le public ath&

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents