Réflexions sur l’histoire et sur les différentes manières de l’écrire
30 pages
Français

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Description


L’histoire, dit un ancien, plaît toujours de quelque manière qu’elle soit écrite. Cette proposition, quoique avancée par un ancien, et répétée, suivant l’usage, par trente échos modernes, pourrait bien n’être pas plus vraie. Il est sans doute des lecteurs qui ne sont difficiles ni sur le fond ni sur le style de l’histoire ; ce sont ceux dont l’âme froide et sans ressorts, plus sujette au désœuvrement qu’à l’ennui, n’a besoin ni d’être remuée, ni d’être instruite, mais seulement d’être assez occupée pour jouir en paix de son existence, ou plutôt, si on peut parler ainsi, pour la dépenser sans s’en apercevoir. Ils se repaissent de ce qui s’est passé avant eux, à peu près comme la partie oisive du peuple se repaît de ce qui arrive autour d’elle. Le commun des lecteurs met à l’histoire la même espèce de curiosité avec aussi peu d’intérêt ; cette occupation les fait vivre sans dégoût et sans fatigue tout à la fois, parce qu’elle les délivre de l’embarras d’être, sans leur donner celui de penser. L’histoire vraie ou fausse, bien ou mal écrite, est donc l’aliment naturel de cette multitude, trop nulle pour entreprendre de méditer, trop vaine pour se réduire à végéter, mais qui par bonheur pour elle n’est pas ennemie de la lecture. C’est à elle seule que l’histoire plaît toujours, sous quelque forme qu’on la lui présente ; les lecteurs qui pensent ne sont ni si avides ni si indulgents.



Contenu de cette édition :



- Réflexions sur l’histoire et sur les différentes manières de l’écrire


- Réflexions sur l’usage et sur l’abus de la philosophie dans les matières de goût


- Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782357289710
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

RÉFLEXIONS SUR L’HISTOIRE ET SUR LES DIFFÉRENTES MANIÈRES DE L’ÉCRIRE



JEAN D’ALEMBERT

ALICIA EDITIONS
TABLE DES MATIÈRES



Réflexions sur l’histoire et sur les différentes manières de l’écrire

Réflexions sur l’usage et sur l’abus de la philosophie dans les matières de goût

Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général
RÉFLEXIONS SUR L’HISTOIRE ET SUR LES DIFFÉRENTES MANIÈRES DE L’ÉCRIRE

L ’histoire, dit un ancien, plaît toujours de quelque manière qu’elle soit écrite . Cette proposition, quoique avancée par un ancien, et répétée, suivant l’usage, par trente échos modernes, pourrait bien n’être pas plus vraie. Il est sans doute des lecteurs qui ne sont difficiles ni sur le fond ni sur le style de l’histoire ; ce sont ceux dont l’âme froide et sans ressorts, plus sujette au désœuvrement qu’à l’ennui, n’a besoin ni d’être remuée, ni d’être instruite, mais seulement d’être assez occupée pour jouir en paix de son existence, ou plutôt, si on peut parler ainsi, pour la dépenser sans s’en apercevoir . Ils se repaissent de ce qui s’est passé avant eux, à peu près comme la partie oisive du peuple se repaît de ce qui arrive autour d’elle. Le commun des lecteurs met à l’histoire la même espèce de curiosité avec aussi peu d’intérêt ; cette occupation les fait vivre sans dégoût et sans fatigue tout à la fois, parce qu’elle les délivre de l’embarras d’être, sans leur donner celui de penser. L’histoire vraie ou fausse, bien ou mal écrite, est donc l’aliment naturel de cette multitude, trop nulle pour entreprendre de méditer, trop vaine pour se réduire à végéter, mais qui par bonheur pour elle n’est pas ennemie de la lecture. C’est à elle seule que l’histoire plaît toujours, sous quelque forme qu’on la lui présente ; les lecteurs qui pensent ne sont ni si avides ni si indulgents.
Il est même des philosophes de mauvaise humeur, qui dédaignent absolument ce genre de connaissances ; comme si pour l’ordinaire leur métaphysique et leurs systèmes leur apprenaient quelque chose de mieux, et à nous aussi. Mallebranche retranchait impitoyablement de ses lectures tout ce qui n’était qu’historique ; il craignait que cette occupation, selon lui vide et stérile, ne dérobât quelques instants à ses méditations profondes, dont tout le fruit cependant fut de lui persuader qu’il voyait tout en Dieu, et qu’il y avait de petits tourbillons . Mais la philosophie, chez la plupart de ceux qui la cultivent, est moins l’amour de la sagesse que l’amour de leurs pensées.
À quoi bon , disait un de ces hommes qui croient penser mieux que les autres parce qu’ils pensent autrement, à quoi bon s’embarrasser de toutes les sottises qu’on a dites et faites avant nous ! C’est bien assez de souffrir de celles qu’on voit et qu’on entend, et qui finissent par être la grave occupation de quelques écrivains, empressés à les recueillir, et dignes de les louer. L’histoire , dites-vous, m’apprend à connaître les hommes ? Quelques instants de commerce avec eux me l’ont appris bien mieux et bien plus vite ; et cette connaissance, quand on a eu le malheur de l’acquérir par soi-même, n’invite pas à y ajouter quelques légers et tristes degrés de perfection par la lecture : Je tiens les hommes de tous les siècles pour ce qu’ils sont , faibles, fourbes et méchants, trompeurs et dupes les uns des autres, et je n’ai pas besoin d’ouvrir des livres pour m’en assurer. L’expérience m’a convaincu que le monde est une espèce de bois infesté de brigands ; l’histoire m’assure de plus qu’il n’a jamais été autre chose ; cela n’est-il pas fort instructif, et surtout fort consolant ?
D’ailleurs , ajoutait ce critique amer, puis-je compter sans folie sur le récit de ce qui s’est fait avant moi ? L’ignorance, la stupidité, les passions, la superstition, la flatterie, la haine, sont autant de verres enfumés, à travers lesquels presque tous les hommes voient les événements qu’ils racontent. Mille faits arrivés sous nos yeux sont couverts d’épaisses ténèbres ; le nuage qui les obscurcit semble grossir à mesure que les faits sont plus importants, parce qu’il y a plus d’hommes intéressés à les altérer ; cherchez maintenant la vérité dans les choses que vous n’avez point vues. L’histoire moderne est sur ce point la critique vivante et continuelle de l’ancienne. Pour moi je renonce à cette étude puérile ; Dieu, la nature et moi-même, voilà plus d’objets qu’il n’en faut pour occuper dignement ma vie : l’histoire des cieux, celle d’une plante, celle d’un insecte, me touche plus que toutes les annales grecques et romaines.
Encore , disait toujours ce détracteur de l’histoire, si en m’apprenant en détail les extravagances et la méchanceté des hommes, elle m’instruisait avec le même soin de ce qu’ils ont fait de bon et d’utile ! Si j’y trouvais le progrès des connaissances humaines, les degrés par lesquels les sciences et les arts se sont perfectionnés ! Mais point du tout. Cette partie de l’histoire, la seule vraiment intéressante, la seule digne de la curiosité du sage, est précisément celle que les compilateurs de faits ont le plus négligée ; infatigables narrateurs ...

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