Exhibitions
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Exhibitions , livre ebook

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Description

Anaïs, une jeune femme issue des beaux quartiers de Paris, rêve de côtoyer des artistes. Elle est ravie lorsqu’elle décroche un stage dans une célèbre galerie d’art fréquentée par des personnalités extravagantes : certaines sont comiques, d’autres plus inquiétantes. Jusqu’au jour où elle rencontre Pierre Vandre, un artiste très en vogue pour ses tableaux vivants. Elle tombe aussitôt éperdument amoureuse de lui.
Récit d’une passion obscène, Exhibitions se veut aussi un portrait de notre monde tel qu’il se réfléchit dans le miroir de l’art.

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2015
Nombre de lectures 2
EAN13 9782363154613
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Exhibitions


Gilles Pétel

2015
ISBN:978-2-36315-461-3
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
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Anaïs regardait de façon distraite un nu aux couleurs vives et chatoyantes. Sa pensée vagabondait. Elle ne parvenait pas à se défaire de la sale impression que lui avait laissée Éric. La veille au soir, alors qu’elle et lui sortaient d’une fête entre amis où ils s’étaient rencontrés, Éric lui avait passé le bras autour de la taille avant de tenter de l’embrasser. Son geste ne l’avait pas surprise. Ils n’avaient pas cessé de se chercher des yeux durant toute la soirée. Éric était son genre. Mince, élancé, charmeur et blond. Anaïs préférait les blonds, sans doute parce qu’elle associait la blondeur à une certaine douceur de caractère. Puis elle aimait la peau soyeuse des blonds, une peau douce au toucher, comme la peau des femmes. Anaïs a examiné le nu d’un peu plus près. Une jeune femme aux cheveux courts montre un dos étincelant de lumière. Occupée à sa toilette, elle se tient devant un miroir où l’on aperçoit dans un reflet un meuble en bois peint. Le modèle n’était pas exceptionnel, les formes du corps étaient loin d’être parfaites. Ce dos pourtant, ainsi que les fesses et les jambes très légèrement fléchies, ce dos nu attirait l’attention. Sans réfléchir Anaïs s’est dit qu’elle aurait bien aimé qu’un peintre la représente de cette manière, c’est-à-dire avec amour. Souvent les nus ne semblaient avoir été peints que pour le désir des hommes, afin de les faire bander en somme, songeait-elle avec agacement. Dans cette toile au contraire le peintre ne cherchait pas à exhiber son modèle au regard de tous mais à montrer aux autres sa passion. Anaïs a compris ce qui l’avait dérangée dans le geste d’Éric. Il lui avait passé le bras autour de la taille pour la ramener vers lui à la façon d’une chose. Quand il avait incliné son visage vers le sien à la recherche de ses lèvres, elle avait instinctivement détourné la tête. Lui n’avait pas caché son dépit. Alors qu’elle cherchait déjà à se dégager de son étreinte, il l’avait retenue contre lui, insistant. Tu cherches quoi ? lui avait-il demandé d’une voix rude qui laissait entendre l’âpreté de son désir. Elle l’avait aguiché toute la soirée, devait-il penser, il fallait maintenant qu’elle s’exécute. Puis il s’était repris, conscient de sa maladresse sans doute. Tu es très belle, lui avait-il dit en changeant de ton et en relâchant son étreinte, à nouveau séducteur. Anaïs s’était aussitôt dégagée de ses bras, rapide et vive : il n’avait eu que le temps de la voir lui échapper. À un bon pas de lui, elle s’était brièvement expliquée. Pas ce soir. Désolée. Je suis crevée. Puis elle l’avait planté là sans attendre sa réponse. Ce matin, au réveil, elle avait décidé qu’il s’agissait d’une affaire classée. Elle avait par bonheur peu de chances de le revoir. Les amis chez qui elle l’avait rencontré n’étaient que de vagues connaissances qu’elle fréquentait de loin en loin. Elle était parvenue à chasser cette histoire de son esprit quand celle-ci s’était rappelée à elle de façon incongrue pendant qu’elle admirait cette toile. Éric n’était au fond qu’un sale type. Elle a noté un détail du tableau qui lui avait échappé. Un petit miroir de table situé sur la gauche réfléchit une lumière vive qui irradie le dos de la jeune femme. Anaïs a cherché la source de cette lumière pour comprendre que celle-ci se trouvait au point exact où elle se tenait elle-même. L’éclairage du tableau présupposait une fenêtre qui ne pouvait être que le regard du spectateur. Anaïs n’a pu s’empêcher de sourire, heureuse d’avoir percé ce qu’elle jugeait être le mystère de cette toile, puis sans raison, comme on passe du coq à l’âne, elle a éprouvé une furieuse envie de vivre qui a auréolé son visage de jeune femme. Elle avait fêté ses vingt-deux ans quelques mois auparavant.
C’est à ce moment que Norbert, le propriétaire de la galerie, l’a interpellée :
— Vous admirez cette petite toile ? Elle plaît beaucoup.
La jeune femme s’est retournée rapidement pour faire face à son interlocuteur. Celui-ci n’a pas caché son plaisir :
— Anaïs ! Mais quel bon vent t’amène ?
— Dis-moi d’abord de qui est cette toile.
— Un bon peintre que la postérité n’a pas retenu.
— C’est injuste, s’est exclamée Anaïs.
Le sentiment d’injustice qu’elle éprouvait de façon presque dramatique se mêlait à cette joie de vivre qui avait emporté son esprit quelques secondes plus tôt et donnait à son visage une beauté qui a ému l’homme d’âge mûr qu’était Norbert. Il est resté coi un moment.
— Tu as bien changé depuis que je t’ai vue !
— Tant que ça ?
Anaïs avait corrigé son expression et elle offrait maintenant à celui qui était l’ami de son père un sourire charmeur.
— Il est vrai que je ne te vois pas souvent. Mais je reconnais bien ton sourire, a-t-il ajouté en s’approchant d’elle.
— Tu me verras plus souvent désormais.
— Tu as un amoureux dans le quartier ? a demandé Norbert d’un air goguenard.
Norbert Vernont était l’ami de la famille Lorret, les parents d’Anaïs. Âgé de cinquante-quatre ans, il avait repris la galerie que son père avait ouverte en 1950. Celle-ci avait connu son heure de gloire avec l’École de Paris puis avec quelques Modernes comme Jean Hélion. Quand le fils s’était installé à la place du père, il avait simplement marché dans ses pas sans pouvoir se résoudre à accueillir les artistes contemporains. L’affaire avait périclité. Aujourd’hui Norbert n’exposait plus que de petits maîtres comme celui qu’avait admiré Anaïs, des peintres talentueux sans doute mais qui n’avaient jamais su se dégager de l’influence de leurs aînés. En somme le fils s’était contenté de gérer ou plutôt de dilapider la fortune du père. C’est du moins de cette manière qu’en parlait Philippe Lorret, un banquier dur en affaires, à l’affût de nouveaux produits, qu’ils soient financiers ou esthétiques. L’art contemporain le fascinait autant que les hedge funds.
— Tu n’y es pas du tout !
— Alors quoi ? Tu cherches de l’embauche dans le quartier ? lui a demandé Norbert avec amusement.
Piquée par le ton de la question, Anaïs a examiné celui qui commençait à l’ennuyer. De taille moyenne, de corpulence ordinaire, Norbert portait assez bien son âge que la jeune femme situait approximativement entre cinquante et soixante ans – ce qui pour elle revenait au même. Malgré les efforts qu’il déployait pour continuer à paraître séduisant, l’homme appartenait à une autre planète qu’Anaïs situait à des années-lumière de son univers. En réalité Norbert était un homme d’âge mûr, élégant et peut-être un peu trop. Il apparaissait maniéré comme si ses gestes s’étaient polis au contact des œuvres qu’il manipulait chaque jour, vieillot en somme à l’image de la plupart des toiles qu’il exposait et qui avaient toujours rebuté la jeune fille qu’était Anaïs quand elle venait encore en compagnie de son père rendre visite à son ami Norbert. C’était d’ailleurs ce jour-là la première fois qu’elle découvrait dans cette galerie au chic suranné de l’avenue de Matignon une toile qui l’emballait.
Anaïs n’a pas répondu aussitôt. Elle continuait d’inspecter le nu :
— Vers 1910 j’imagine ?
— Mais comment une petite fille comme toi peut savoir cela ?
Le moment était peut-être venu d’apprendre à Norbert quelles étaient ses nouvelles occupations en même temps que la raison de sa visite, s’est dit Anaïs qui savait que le vieil homme ne comprendrait pas sa décision de suivre un stage dans la galerie d’Alice Jackson. Après avoir commencé puis abandonné des études de lettres, Anaïs s’était inscrite en droit sans plus de succès. Après avoir rêvé d’un poste de professeur à la Sorbonne, elle avait rêvé de devenir avocate. L’un comme l’autre s’étaient avérés de mauvais choix. Le hasard ou le destin peut-être, Anaïs ne savait pas trop, avait conduit récemment la jeune femme à fréquenter le monde des artistes. De fil en aiguille elle s’était mis en tête de travailler dans une galerie d’art. Un vernissage où des amis l’avaient entraînée malgr&#

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