Igloo
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Igloo , livre ebook

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Description

« Je marchais sans le savoir sur les plates-bandes d’une terre en jachère et me suis évanouie sous la morsure d’une pensée sauvage. Je déraille, je saute du coq à l’âne et m’en vais me faire tatouer contre la rage. Je déterre la hache de guerre. Je mets du rouge sur mes joues et du bleu sur mes yeux. Je danse autour du bûcher où se consument mon cœur et ma raison. Pas de pitié pour les lâches ! Je mets mes plus beaux apparats par respect pour le colonisateur. Je veux qu’en retour il ne m’épargne rien, ni sourire, ni séduction. Je ne voudrais pas succomber sous les flèches d’un cupidon en carton. Si je parviens à sauver mon cœur, alors, j’ouvrirai sa poitrine et j’avalerai le sien encore palpitant pour ne plus l’entendre battre pour moi ! »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 novembre 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9782334018845
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-01882-1

© Edilivre, 2016
Igloo
 
 
« Si je vois une trace de pied sur mon béton frais, ça va barder ! ». J’avais six ans, et c’était moelleux comme un gâteau pas cuit. Je n’ai pas pu résister. Mes orteils m’ont trahie. À quatre pattes au bord de la coulée molle et grise, j’ai essayé d’effacer les empreintes de mon forfait. Je n’ai réussi qu’à ajouter celles de ma main. « Alicia ! » aïe ça va barder !. « Alicia » c’est quand ça va barder et « Lisou » c’est pour les bisous. Je l’ai rejoint au pied du délit, bien droite et les mains dans les poches, comme lui. Après des secondes interminables de silence, il a dit « je crois qu’il y a de grosses souris par ici ». J’étais sauvée. Les années ont passé sans que personne ne revienne innocenter la pauvre souris. Pas causant le père !. Il a entretenu ma culpabilité pendant des années en laissant tomber de temps en temps un « hum… les souris… », les yeux rivés sur son allée bétonnée. C’était un maçon comme le père de John Fante. Pour entretenir la terreur autour de son silence, il laissait ses monstres d’acier se soumettre à ma curiosité, sans bouger dans la cour, pendant qu’il faisait la sieste. Il y avait le gros camion Berliet qui supportait mes assauts sans respirer, et qui reprenait vie dans un grand soupir quand mon père le reprenait en main sous mes yeux ronds. Il y avait aussi parfois la pelleteuse jaune, si bêtement désarticulée quand il l’arrêtait. Je me glissais sous le godet posé à terre comme une grosse main de géant. Mon père menaçait de m’y laisser quinze jours sans manger quand je boudais ma soupe. Mon cœur y résonnait comme une grosse cloche et la soupe n’était pas si mauvaise après tout. J’ai grandi dans l’ombre de cet homme silencieux, à un pas derrière lui, les mains dans les poches, comme lui, l’air sérieux, et taiseuse, comme lui. Il m’appelait « le p’tiot ». J’ai obtenu le grade de responsable des outils. « Clé plate N°12 ! tournevis cruciforme ! ». Je les ai tous dessinés sur le mur clouté de l’atelier. J’étais sa petite fée de l’établi. Quand il repartait au volant de son Berliet après sa sieste, le grand-père Béraud réapparaissait derrière la barrière, avec son béret, son bleu de travail, sa chemisette à carreaux, son mégot jaune de côté, ses sabots aux pieds, et ses mains dans le dos. « Alors Lisou, bien dormi ? ». C’est toujours avec cette question que je passais de la position « mains dans les poches » à celle des mains dans le dos. Le camion se retirait comme on ouvre un rideau, et derrière j’avais un autre homme aux mains calleuses, un autre terrain de jeu, avec un autre taiseux au regard bienveillant. Sa balançoire était faite avec deux traverses de chemins de fer, et il donnait des tapes amicales à mon chien en disant que c’était un bon chien de pain. Le teckel de sa petite fille n’avait pas droit à tant d’estime. Et elle non plus d’ailleurs. Il disait qu’elle était née avec une cuillère en argent dans la bouche. Moi je préférais le pain. J’avais gagné l’estime du pépé Béraud en criant « pépé pipi ! » derrière la barrière. Ma mère gardait beaucoup d’enfants et n’avait pas toujours le temps de gérer toutes les vessies. Alors je servais d’arrosoir aux petites fleurs que la grand-mère avait plantées devant sa maison, et que le grand-père refusait d’arroser sous prétexte qu’elles ne servaient à rien. Plus tard, le grand-père Béraud est devenu père fouettard quand mon grand frère est devenu adolescent et qu’il se battait avec ma sœur. Mes cris d’alarme étaient suivis d’un bruit de sabots dans les escaliers, et alors mon frère redescendait à plat ventre avant d’être jeté dans le jardin. Quand ça arrivait en présence de mon père, ça se terminait par une course-poursuite sur la route avec le martinet. Entre mon frère et mon père, ça a commencé très tôt avec le berceau qui traversait la maison comme un boulet de canon avant de s’arrêter net contre un mur. Quand je suis arrivée, cinq ans plus tard, mon père avait compris que la meilleure défense, c’est la fuite. Ma mère était devenue nourrice alors il était largement minoritaire. Parfois elle l’envoyait ramasser des pissenlits dans le pré d’en face, et seul mon chien était autorisé à l’accompagner. J’aimais aussi me réfugier dans cette terre d’exil quand je boudais trop fort. Au fond il y avait un vieil arbre, voûté sur une mare verte. Je grimpais sur sa lourde branche, au-dessus de l’eau, et je lui racontais mes malheurs, en défiant ma maison du regard. Il a été mon seul confident, le seul à savoir que j’allais bientôt faire des cerises parce que j’avais avalé un noyau. Je rentrais quand le bouchon de la cocotte-minute sifflait le rassemblement sur le rebord de la fenêtre de la cuisine. L’école était à un kilomètre et demi. Le premier kilomètre était tout droit et le demi était à droite. C’était un virage décisif que je n’aimais qu’à contresens. Avec ma sœur, nous avions inventé un jeu pour y aller en vélo avec un seul coup de pédale, en se tenant la main. J’avance, mais son poids me freine et m’immobilise. Elle s’appuie alors sur la puissance de cet instant d’impuissance pour m’envoyer loin devant elle. Alors j’avance encore, mais son inertie m’arrête à nouveau,… et ainsi de suite. C’était le jeu préféré de deux petites filles, qui avaient découvert la force de l’énergie fraternelle, seule énergie capable de les transporter en vélo jusqu’à l’école sans avoir à pédaler. C’étaient elle et moi, la...

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