Ithaque est mon chemin
270 pages
Français

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Ithaque est mon chemin , livre ebook

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Description

Dans la bourgade imaginaire de Carbouès, en pays bigourdan, dans la période de l’après-guerre jusqu’aux années 1980 et l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, sur fond de luttes politiques, de conflits internes et de relations érotiques, l’histoire singulière, truculente et dramatique à la fois de ses habitants, d’une famille et d’une vie, portée par la voix multiple, rebelle et iconoclaste du Petit dernier dans son parcours initiatique d’adolescent en quête de la vérité, de l’amour et de la liberté. Un roman de formation, d’amour et d’aventure aux accents humoristiques et rabelaisiens, libertins et vertueux à la fois, dans le creuset duquel se fondent mensonge et vérité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 janvier 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332636393
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-63637-9

© Edilivre, 2014
Il n’y a pas d’autre Ithaque que celle que nous imaginons, ce qui vaut, c’est la route vers Ithaque, la seule chose qui importe est le chemin parcouru. Ithaque ne va rien nous donner d’autre que ce que nous portons en nous.
Elena Poniatowska
Chapitre I Le chat noir
Ils sont tous là : l’Assistante Sociale qui n’aura pas le temps de le voir grandir, le Musicien qui le bercera de ses airs d’accordéon, le Motard qui gardera un œil sur lui et le fera rêver sur sa superbe moto, le Séminariste qui enflammera son imagination avec ses récits des temps antiques, ses poèmes et ses chansons libertines, la Costumière qui le fera beau pour ses premières amours, l’Etudiant qui le mettra en garde contre les pions et les morpions et l’accompagnera à la mystérieuse Auberge de l’Ecu, le Botaniste qui lui donnera le secret de ses potions érotiques et lui fera découvrir la Rue Bayard de la Ville Rose, et Ritou à quatre pattes se préparant à faire les cent coups avec lui. Assis autour de la cheminée allumée, la fratrie et le père attendent l’arrivée du Petit dernier et de sa maman.
C’est le début novembre et il commence à faire froid, bien qu’on ne soit encore qu’en brumaire dans le calendrier républicain. Jean Marie Cloutou ouvre L’Humanité qu’il a achetée à La Rapière en Gascogne le jour de la naissance de son fils pour avoir quelques nouvelles fraîches du Front Russe. La dépêche du midi, qu’il reçoit tous les jours, n’en parle pas. Jean Marie Cloutou consulte L’Humanité de temps en temps par fidélité pour son fondateur Jean Jaurès dont il est un fervent admirateur.
Sous le titre « L’armée rouge a déjà traversé neuf frontières » il lit tout haut : « Les foudroyantes victoires des armées soviétiques n’ont pu être remportées que grâce aux sacrifices consentis par le peuple soviétique, confiant en les directives du parti communiste des Bolcheviks » et il poursuit : « Tous les journaux soviétiques reproduisent aujourd’hui les textes de nombreuses lettres venant de tous les points de l’U.R.S.S. et relatant les nouveaux succès de l’émulation socialiste à l’approche du 27 e anniversaire de la Révolution d’Octobre ». Dommage, dit Jean Marie Cloutou quelque peu dépité en refermant le journal, que nos bolchevicks à nous ne montrent pas un peu plus d’indépendance vis à vis de la propagande soviétique. Il n’a toujours pas digéré l’alignement des communistes français sur les soviétiques au moment du pacte germano-soviétique qu’il considère comme une trahison. L’hiver va être rude mais j’espère que le printemps sera plus clément pour mettre fin aux privations et aux désastres de la guerre. A Carbouès, comme partout ailleurs, il nous faudra régler le sort des collabos, mais surtout pas les convertir en martyrs qu’il a dit à Furet, partisan de la manière forte. Il remet une bûche de hêtre dans le feu, et une flamme, rouge et bleue, vive et puissante se met à lécher la crémaillère. Au coin du feu le chat noir ronronne, couché au fond du berceau.
Devant les flammes allongées qui lèchent le bord du pot en fonte il regarde cuire la soupe aux choux en tétant le sein de sa mère. C’est l’hiver et bientôt nivôse. Il y a du monde autour de la cheminée. Jusqu’à quand tu vas lui donner le sein ? demande Jean Marie Cloutou. Tant qu’il me le réclamera ! répond Elise. Son cerveau enregistre tout, même le silence lourd qui commence à peser autour du feu.
Il a tété jusqu’à cinq ans, dit le Musicien d’un air moqueur pour justifier l’aspect grassouillet qu’il présente déjà. N’exagère pas ! Jusqu’à trois seulement ! rectifie le vieil oncle Pierrugne qui égraine du maïs au fond de la pièce. Regarde, ça ne lui a pas mal réussi, fait remarquer à son tour la vieille Ernestine qui tient compagnie à Elise autour du feu. Ça aurait été bien dommage qu’il ne vienne pas celui là ! Une autre voix qu’il ne connaît pas renchérit : vois, il ressemble à l’Oncle Anselme. Il a déjà une bonne bouille de moine paillard. Une autre enfin qui lui est familière mais qu’il ne reconnaît pas s’exclame : il grandit à vue d’œil et bientôt il nous réservera quelques surprises ! Lui fait mine de ne rien entendre, mais il écoute, il écoute. Il écoute et remplit sa mémoire.
Il est presque minuit, il est réveillé en sursaut. L’Assistante Sociale est là souriante, penchée sur son lit, qui le couvre de baisers. Qu’il est beau ! Qu’il est mignon ! Elle n’en croit pas ses yeux tellement il lui semble avoir changé en un an d’absence. Six ans déjà. Il se rendort le visage illuminé par les grandes flammes de la bûche de Noël, sous les caresses et les baisers de la sœur aînée, la joue contre le chat noir qui ronronne à ses côtés. Au réveil du matin sous le sapin de Noël, il trouve ravi, placé bien en vue sur ses souliers d’écolier, un magnifique quadrimoteur. C’est la maquette de l’avion d’Air France qui a ramené l’Assistante Sociale de Casablanca au Maroc où elle travaille depuis trois ans pour passer Noël en famille.
Couché dans le lit de coin de la cuisine qui sert aussi de salle à manger et de salle de réunion à l’heure des échanges familiaux, après le repas du soir, et des discussions politiques entre Jean Marie Cloutou, le maire, et son premier adjoint Pierre Furet, ou les voisins et les visiteurs, il se construit un monde à la mesure de son imagination stimulée par ce qu’il entend. Un monde mystérieux de bons et de méchants, de résistants et de collabos, de sorcières et de bonnes fées, de chevaliers de la table ronde et de brigands au cœur tendre, d’aventuriers et de pirates sillonnant les lointaines mers, d’aviateurs intrépides traversant les étoiles, de loups-garous et de fantômes hantant les bois, de schéhérazades enflammant son esprit, de sirènes ensorceleuses et de vierges caressant son sexe qui, sans qu’il sache pourquoi, devient tout dur. Point de honte à jouer avec cette petite chose tabou, mais une sorte de plaisir naissant, un apaisement semblable à la prise du sein maternel. Le chat noir est toujours là, ronronnant sur l’édredon qui couvre ses pieds.
A l’étable et à l’écurie qui n’en font qu’une il parle à la jument et à son jeune poulain. Ah ! ils s’en racontent des choses ces trois là, qu’on entend dire de temps à autre. La bergerie lui découvre ses premiers secrets. L’accouplement des moutons et des brebis, la séduction des femelles, les bagarres et la jalousie des mâles, la course des brebis et les sanglants coups de cornes des béliers, le bêlement des agneaux à la recherche de leur mère pour la tétée. Le chat noir garde la porte d’entrée entrebâillée de la bergerie pour laisser passer les premières lueurs de l’aube.
C’est la rituelle sortie des bêtes, même en hiver aux premiers flocons de neige. Mais aujourd’hui c’est le printemps, on est en germinal. Il y a quelques jours à peine que nos fidèles amis les hirondelles sont revenues. Ça c’est Jean Marie le Raconteur qui l’a écrit dans La dépêche du midi. Déjà elles s’activent à faire leur nid à l’écurie et à la bergerie. Brindille après brindille les belles constructions grandissent comme des maisons troglodytes, laissant juste un tout petit trou bien rond par lequel sortira bientôt la tête des hirondeaux pour recevoir la becquée, avec leurs petits cris qui l’enchantent.
Jean Marie le Raconteur est un petit bonhomme, frêle et fragile, portant toujours son éternel costume en velours noir et son béret bigourdan qu’il ne quitte jamais sauf quand il dit bonjour à quelqu’un. Il se dit laboureur plutôt que paysan, mais il est asthmatique et jamais il n’a creusé le moindre sillon. C’est son épouse Eulalie qui tient le manche de la charrue tirée par une paire de vaches de race gasconne. Lui en profite pour lire, écrire, et se cultiver. Il sait tout Jean Marie le Raconteur. On dit même qu’il a dans son armoire toujours fermée à clé, les Prédictions de Nostradamus et d’autres livres pas bien catholiques. Pas même son petit fils, mon copain Yohan, pourtant malin comme pas deux, n’a jamais réussi à ouvrir l’armoire et à lui en chiper un. Pourtant on aurait bien aimé tous les deux.
Jean Marie le Raconteur a toujours sur lui son flacon de ventoline qu’il respire quand ça va mal, du tabac à priser qu’il nous offre de temps en temps à Ritou et à moi qui l’écoutons émerveillés raconter l’histoire du village, les homériques batailles des carbouès et des bourtoulès, à l’époque où le village comptait quelque neuf cents âmes, presque autant qu’à Bourtoule aujourd´hui qui en compte plus de mille, les mariages arrangés pour la conservation ou l’agrandissement des propriétés et du patrimoine, les infidélités conjugales et les enfants en gazalhoh ou naturels que les pères laissent nourrir pas d’autres, comme le jeune bétail, après avoir refusé de les reconnaître, abandonné les filles mères et les veuves éplorées, ou voué à l’infamie les femmes adultères ; sans parler des dérisoires conflits de voisinage, des haines tenaces et des rancœurs maladives des villageois, des croyances et des superstitions, des pratiques religieuses douteuses et de magie noire, et même des histoires de revenants, de fantômes et de chat noir.
Jean Marie le Raconteur nous a aussi longtemps tenu en haleine avec l’histoire des Cathares en pays d’Oc et des Cagots de la Vallée d’Aure. Il paraît qu’ils étaient petits, les Cagots de la Vallée d’Aure, frêles et menus, un peu comme lui. Mais ils avaient un courage à toute épreuve, un amour inné de la liberté comme tous les montagnards, et une incomparable volonté de résistance, et ils étaient aussi purs que les Cathares. Il nous parle souvent du ciel et des étoiles, des constellations et du chemin de Saint Jacques, des pèlerins qui le s

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