Jean-Luc, jeune et chômeur
202 pages
Français

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Jean-Luc, jeune et chômeur , livre ebook

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Description

C'est ici un roman social dont l'action se situe en 1977, dans une cité du nord de Marseille. Vue depuis 2014, la situation, décrite par la vie des personnages sur une courte période de dix jours, montre que, trois ans après le premier choc pétrolier, les souffrances de la société française actuelle se trouvaient déjà en germe, voire étaient suffisamment développées pour annoncer le drame fort inquiétant de nos grandes banlieues. La distance d'observation créée par un écart de trente-sept ans devrait permettre – en tout cas telle est l'intention originelle de l'auteur – de réfléchir sans passion à la situation contemporaine. Le tout fait ressortir les insuffisances du monde politique en général face à un défi majeur, sans aucune prétention à donner des leçons à qui que ce soit en particulier, sauf une critique modérée de la politique urbaine de la ville de Marseille depuis les années cinquante jusqu'aux années soixante-dix. Au milieu de tant de misères, mais dans la splendeur géographique sans égale de la cité phocéenne, la beauté et l'optimisme de l'éternelle jeunesse ne perdent aucun de leurs droits. Et Jean-Luc est un héros attachant.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 novembre 2015
Nombre de lectures 2
EAN13 9782342044683
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jean-Luc, jeune et chômeur
Bernard Salvatori
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Jean-Luc, jeune et chômeur
 
 
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet : http://jeanlucjeunechomeur.com
 
 
 
Prologue
 
 
 
Mon ami Xavier m’a fait découvrir, cet hiver, l’existence de séjours de retraite dans quelques abbayes cisterciennes. Croyants ou incroyants, tous peuvent y être accueillis, à la seule condition d’accepter la règle de vie, et celle du silence. On dit que les plus grands hommes d’affaires, les plus stressés par l’action, ressortent de là rajeunis et réconfortés, heureux de s’être enfin retrouvés eux-mêmes. Renseignements pris, je me suis laissé convaincre et, à la faveur d’un congé de quinze jours, depuis hier au soir, après avoir traversé toute la France, je suis arrivé, en Belgique, à la prestigieuse abbaye d’Orval.
Ma foi, j’en suis déjà heureux. Dans ma petite cellule, j’ai pris toutes mes dispositions et, au retour de ma promenade de l’après-midi, je viens de décider de m’allonger sur mon lit étroit, et de me plonger en rêve vers des souvenirs lointains qui viennent de remonter à ma mémoire et qui, à présent, assiègent mon âme.
C’est que, avant de quitter Marseille, j’ai retrouvé, dans mon secrétaire personnel, au fond d’un tiroir que je n’avais plus ouvert depuis que mon métier m’a pris par les mains et par les cheveux, un modeste carnet relié en spirale. Il est tout usé, tout écorné, car, depuis longtemps, depuis ma première communion exactement, j’avais pris l’habitude d’y relever les événements les plus marquants de mon enfance et de ma jeunesse. Amoureux de la littérature dès mon plus jeune âge, je m’étais dit qu’un jour j’écrirais quelque chose autour de ces points de repère. Je l’ai rouvert hier au soir et, dans les toutes dernières pages, j’ai vu sauter à mes yeux, comme sur un ressort, les dates mémorables de mes vingt et un ans, en 1977.
Toute cette nuit, j’y ai repensé ; mon sommeil s’en est trouvé hanté ; pendant ma promenade, tout à l’heure, je n’ai pu en détacher mon esprit ; à présent, j’éprouve le besoin impérieux de consacrer cette sieste tardive à l’évocation d’une dizaine de jours d’une inoubliable intensité. Je ne pourrai pas me libérer de cette hantise si je ne prends pas le temps, au cœur de ce silence béni, de revivre, heure par heure, ces journées décisives.
C’était à mon retour du service militaire.
 
 
 
Chapitre 1. Samedi matin 5 novembre 1977 Entre deux vies
 
 
 
Me voici à la gare de Lyon Perrache, cette fois chargé de mon paquetage, car je pars aujourd’hui en permission libérable, et je devrai donc rapporter mon vestiaire militaire à la gendarmerie dans deux semaines seulement. Je rentre dans le hall immense, quasi somnolent encore. Il a fallu que je me lève plus tôt que mes copains de chambrée pour accomplir, avant de m’en aller, tous les rites et toutes les formalités d’usage. Mais quel grand jour !
Sous la voûte métallique, dans l’air à demi engourdi du matin, les paroles peu claires des haut-parleurs sont douces et tendraient plutôt à m’endormir. Je me réveille brusquement en apercevant devant moi la patrouille de la police militaire. Allons ! De la tenue ! Je les croise, nous nous saluons sans qu’ils m’interpellent. Petite satisfaction. Depuis novembre 1976, date de mon incorporation, je n’ai jamais eu d’ennuis avec eux ; il suffisait d’être propre, en ordre, poli avec le public.
Déjà, mon train est à quai. Sans plus tarder, je monte m’installer pour me placer près d’une fenêtre, avant que trop de monde n’arrive. J’y parviens et, satisfait, confortablement calé sur la banquette, je vais allumer une autre cigarette pour déguster cet instant crucial où je m’apprête à quitter la grande ville des bords du Rhône.
D’habitude, je fume très peu ; d’ailleurs les Troupes m’arrachent un peu la bouche ; mais là, je suis poussé par une sorte d’excitation difficilement contrôlable. Revivre à Marseille ! Quitter Lyon ! Malgré tout, ce que j’aimais, ici, c’était les belles rues du centre, lorsque j’avais quartier libre, et que j’y venais avec les copains de ma section. Mais les sorties étaient si rares…
Nous roulons depuis longtemps déjà. Tant pis, je m’ennuie, j’entame ma quatrième cigarette. Quelle matinée vraiment exceptionnelle ! C’est étonnant d’être dans ce compartiment et de songer que, cette fois, je ne repartirai plus dans l’autre sens pour retourner à la caserne Frère où s’écoulait ma vie de soldat. Tant de dimanches de permission ont été totalement gâchés par l’obligation, qui pesait à chaque instant sur ma conscience, d’avoir à quitter la maison assez tôt pour attraper un train et rejoindre le poste de garde avant minuit, l’heure fatidique au-delà de laquelle les sanctions risquaient de tomber.
À ce sujet, le souvenir de mon copain Maurice remonte à ma mémoire. Avant notre service militaire, il avait choisi, à la sortie du collège, une formation assurée au lycée de l’Emperi à Salon de Provence : chaque samedi après-midi, il revenait dans notre HLM du Plan d’Aou, angoissé, comptant déjà les heures qui le séparaient du départ. Au bout de trois ans, ayant obtenu le baccalauréat de technicien convoité, il avait pris soin, et pu obtenir grâce à son bon dossier, de s’inscrire à l’IUT d’Aix-en-Provence : plus d’internat ; des bus faciles, à heures régulières ; le plaisir de rester à proximité des siens et des amis, dans son milieu d’origine.
On a beau être né dans une pauvre cité des banlieues marseillaises, on a beau vivre là des misères qui font parfois crier les groupes de jeunes au pied des hautes tours, c’est en ces lieux, et dans l’entourage de ces gens modestes, que, par les hasards de la vie, on a trouvé sa patrie, son ciel, un cadre, et aussi des femmes et des hommes dont jamais on ne pourra se détacher entièrement, même si, plus tard, par chance ou par courage, ou grâce aux deux à la fois, on accède professionnellement à un monde presque opulent, complètement différent, quasiment étranger, mais dont on finit par apprendre la langue et les mœurs.
C’est ce qu’aime nous raconter Paulo, un ancien de Kallisté, aujourd’hui âgé de trente-six ans, que nos aînés voyaient souvent sur les terrains de foot, et qu’ils aimaient bien malgré la rivalité des deux quartiers. Paulo, parti de si bas, est devenu le comptable en chef de la société Casino. Une promotion sociale à peine croyable ! Depuis, il a placé son argent en bourse, et le voici des plus riches de la région, heureux, mais fidèle aux amis qu’il a connus dans un milieu défavorisé où l’attachement a pour incassable ciment toutes les galères vécues jour après jour, les frustrations compensées par la joie d’être ensemble, de parler, de soulager les cœurs jeunes et vibrants qui gardent, au fond d’eux-mêmes, confiance en l’avenir. À plusieurs de ses vieux copains, Paulo a fait trouver une place, un travail pas trop mal payé, de ces emplois modestes mais utiles qui rendent à la femme et à l’homme leur précieuse dignité.
Et moi, que ferai-je maintenant ? Je ne sais que penser. Quels étaient mes projets avant de partir pour le service militaire ? J’avais imaginé, vaguement, que je pourrais devenir journaliste, rêvant de réaliser des reportages bouleversants sur les cités, sur les banlieues, là où personne, dans les rédactions, n’aime trop aller. N’est-il pas vrai que l’on préfère, pour une plume journalistique de valeur, les concerts de Johnny Halliday, le clinquant des artistes de cinéma, ou encore les conférences politiques les plus distinguées ?
Évidemment, à l’époque du festival de Cannes, c’est sur la Croisette que les rédacteurs et les photographes se voient le plus volontiers. Ils comptent aussi sur les grands événements internationaux, la chute des puissants de tel régime, les accidents graves, les séismes, surtout, pour lesquels ils annoncent sans pudeur, et même pleins d’excitation, comme dans une sorte de vente aux enchères, le nombre effrayant et croissant des victimes déplorées.
Existerait-il un discutable contentement des gens de presse à déployer comme des banderoles les listes sinistres des morts accidentelles ? Non pas, certes, une sorte de plaisir à voir des humains souffrir et mourir, mais celui de se sentir utile en accomplissant pleinement, dans ces tristes occasions, ce métier qui consiste, après tout, à informer les lecteurs, les auditeurs et les téléspectateurs ?
Pourtant, en dehors d’aussi noires circonstances, quoi de plus émouvant que les drames vécus dans l’intimité des familles les plus modestes, ou les plus touchées par les difficultés sociales ? Ici, les parents sont au chômage, ou malades ; ailleurs, ils ont des revenus de misère ; alors, leurs enfants sont lourdement perturbés par l’angoisse ambiante et par nombre de privations, à tel point que, parfois, de bons qu’ils étaient, ils deviennent méchants et commettent des bêtises ou des fautes ou, pis encore, des délits, voire des crimes, qui ne font qu’enfoncer davantage tous les leurs dans le tourbillon assourdissant de leur descente aux enfers.
Oh sans doute, leurs pauvretés n’excusent pas leurs mauvaises actions, surtout quand ils s’y livrent d’autant plus volontiers qu’ils sont plus égoïstes, voire cruels au fond de leur cœur. D’autres, tout aussi malheureux et malchanceux, adoptent une attitude exemplaire et se tirent d’affaire, vaille que vaille, dans l’honneur d’une vie qui respecte les autres.
Eh bien, si j’étais journaliste, j’aimerais parler de ces modestes héros, sans faire semblant d’ignorer les autres.

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