Kazök
290 pages
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Kazök , livre ebook

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Description

Les peuples des hauts plateaux altaïques nomadisent, leurs yourtes accrochées aux flancs des montagnes monstrueuses. Leur croyance est fluide comme les esprits, féroce comme le vent qui brûle de froid, rigide comme la loi ; l'enfant qui grandit est un joyau serti de lumière solidifiée. Les héros de cette histoire sont Kara khirghizes. Mais en cette fin d'hiver de 1951, ce sont les baraques grises des camps de travail et non plus les yourtes qui s'élèvent en surgeons des steppes. Le clan de Tonyukuk est emprisonné et subit de plein fouet le désaccord profond entre le savoir ancestral et l'ère économique, qui vampirise la sève des hommes, des troupeaux et de la terre. Pourtant, le layon de l'espoir serpente, tapi au fond des ventres comme une grande impatience impossible à nier. Un espoir né de rencontres inespérées. Tout au long de cette histoire, Kazök, le fils de Tonyukuk et Saril, change de mode de vie, de culture, de langue, d'amis. Puis, les revirements successifs politiques et économiques, remettront Kazök en selle sur la terre de ses ancêtres.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 juin 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342052633
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Kazök
Fabienne Giraud
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Kazök
 
 

© Michelin © 2006-2015 Tom Tom © Natural Earth
 
 
 
 
Introduction
 
 
 
Durant plusieurs siècles le vaste territoire de la future Mongolie est occupé par des cavaliers nomades issus de différentes ethnies turco-mongoles, proto-turcs, proto mongols. Il est aujourd’hui encore difficile de les dissocier les unes des autres, et de répondre à la question : qui sont les Turcs mongolisés ? ou qui sont les Mongols turquisés ?
Lorsque le premier empereur de chine fit construire la Grande Muraille pour se défendre des hordes barbares, il s’agissait des Xiongnu, déferlant sur la chine depuis les massifs de l’Altaï. Les Xiongnu sont considérés aujourd’hui comme le premier peuple qui occupa les terres mongoles. Ils sont les ancêtres directs des Türküt, les « forts », les Turcs d’aujourd’hui. L’unificateur des steppes Gengis Khan, fils d’un père « mongol » et d’une mère « tatar » (donc de prédominance turque), répandit ces deux noms génériques en Asie et en Europe orientale. Ses hordes furent appelées soit mongoles soit tatares.
Au début du XXe siècle la Mongolie est divisée en deux :
- La Mongolie-Intérieure sous contrôle chinois,
- La Mongolie Extérieure entre peu à peu dans la zone d’influence russe.
 
En 1911, lorsque le protectorat russe entre en scène pour la première fois, la Mongolie est sous le régime féodal des princes et des lamas. Ceux-ci détiennent tous les pâturages, une grande partie du cheptel, et s’approprient l’intégralité de l’usufruit du bétail, laissant mourir de faim les éleveurs.
Le commerce et les routes du pays sont sous l’autorité chinoise, sa gestion administrative sous l’emprise mandchoue.
La Russie successivement, tsariste, bolcheviste et soviétique, combattit le joug chinois, massacra ses princes, et éradiqua les lamas tibétains.
Au final, en 1913 la Mongolie est dans une situation politique dès plus inconfortable :
Elle est déclarée autonome sous protectorat russe, mais de suzeraineté chinoise.
En 1919, deux figures de proue formées par l’Armée rouge, émergent de la jeune classe politique révolutionnaire de la ville d’Ourga. Sükhe-Bator et Tchoïbalsan, les bras armés locaux de Staline, que l’histoire appellera par la suite, le Lénine et le Staline mongols.
Bien que leurs objectifs diffèrent sur le fond, ils décident d’unir leurs volontés avec l’aide des Soviétiques pour :
- Abolir la suzeraineté chinoise sur la Mongolie.
- Combattre les ambitions japonaises qui projettent d’unifier les deux mongolies en un seul état.
- Mettre hors d’état de nuire leur allié sanguinaire, le baron Ungern appelé aussi « le baron fou » ex-officier des Russes blancs, qui eux, convoitent le pouvoir en Sibérie.
 
C’est dans ce contexte politique explosif et compliqué, commun à toute cette partie du monde, qu’évolue en Mongolie occidentale le clan de Tonyukuk le père de Kazök. Ils sont les Kirghizes noirs, Kirghiz, qui veut dire « brigand » en langue turque. Profondément attachés à leurs traditions séculaires, le clan de Tonyukuk refusa la sédentarisation forcée de son pays, et n’a pas été islamisé. Si parmi les Kirghizes sédentaires, la majorité s’est convertie à l’Islam, celui-ci reste teinté de chamanisme 1 .
Sur plusieurs générations les membres du clan de Tonyukuk s’expatrièrent, et après un périple hasardeux et périlleux, s’établirent dans le sud-ouest de la Mongolie. Là, ils reprirent leurs activités de bergers nomades, libres, en terre mongole, de pratiquer la croyance de leurs ancêtres, le chamanisme.
Oui, mais pour combien de temps ?…
 
 
J. Thevenet les Mongols de Gengis Khan et d’aujourd’hui, Jean-Paul Roux et l’atlas Mondial de la Mongolie, édition du Monde. Imago Mundi Les Turks
 
Arbre généalogique du Clan Tonyukuk

Devenus membres du clan par la cérémonie du sang
 
Le clan
 
 
 
« Cueillons les douceurs, nous n’avons à nous que le temps de notre vie »
Proverbe Perse
 
 
Kazök a huit ans, il a les jambes arquées. Il caracole sur son poulain ocre au milieu des touffes drues et gelées de la steppe. C’est la fin du sommeil hiémal, mais pas encore le réveil du printemps. Un intermède saisonnier, sans nom, sans frontière. Son peuple s’appelle les Kara Kirghizes 2 . Son campement est encore établi dans ses quartiers d’hiver à l’ouest des plaines de Mongolie, proche, à vol d’oie sauvage, de la frontière du Xinjiang. Quand le printemps sera là, ils rejoindront les alpages vert profond, dessinés en collerette éphémère fleurie et nourricière autour des neiges éternelles de l’Altaï.
 
Le froid glacial rougit ses joues rugueuses et stigmatise sous son petit nez deux croûtes jaunâtres et douloureuses. Le vent mordille son visage plat et mat, et ses yeux bridés pleurent de froid. Il est ivre de vitesse, de joie, des secousses abruptes imposées par sa monture désorientée qui tente d’obéir à des ordres contradictoires. Mais Kazök ne sait rien de cette confusion. Il rit de ses dents blanches, de sa langue sèche, de son cri aigu perdu dans le vent immense. Ses mains agrippées dans la crinière rêche ne donnent aucun ordre. Les mèches crème enroulées autour de ses poignets prolongent encore de quelques secondes l’équilibre précaire du rodéo. Tout son corps est un bonheur lourd. Son rire en cascade envahit son thorax, l’oppresse et l’oblige à une respiration saccadée pour laisser passer à chaque souffle une tranche de ce trop-plein d’ivresse. Seuls les coups de pieds rapides reçus sur ses flancs, assurent au poulain l’assise de son jeune cavalier. Brusquement c’est la chute. Rien ne l’amortit, pas plus que le bruit sourd qui l’accompagne. Son corps raidi tressaille encore des spasmes de l’effort. Engourdi, les membres écartés il épouse le relief de la terre gelée. Durant quelques secondes le monde tourne, la lumière bleue, fait jour derrière ses paupières et s’harmonise au glatir de l’aigle au loin. Le froid traverse sa deel 3 et se love autour de son dos. Il faut qu’il bouge, qu’il se remette debout. Il se secoue, remet en place son bonnet de fourrure, rajuste sa ceinture de cuir, et se dirige vers la yourte 4 , l’endroit le plus doux de la steppe, l’univers de son Omayma, « petite mère » en mongol.
— Je peux avoir un bol de lait ?
— Assieds-toi, as-tu fini de nourrir les jeunes agneaux ?
— Hum hmm ! répond Kazök en hochant la tête.
Le lait chaud mousseux de chamelle au goût suave, lui dessine un arc de cercle au bord tombant, une moustache fine et blanche qui finira elle aussi par geler, à moins que la manche de Kazök n’en décide autrement. Sa mère, Saril, dans sa longue jupe à plis bordée de fourrure, a boucané la viande, préparé le lait caillé.
— Tu cuisines des « Booz » ? mes préférés ? Les raviolis de mouton parfumés à l’oignon ?
— Oui, pour nous ce soir et pour nos invités.
 
Dans deux ou trois jours, ici même, lorsque la lune sera ascendante, d’autres nomades appartenant à son clan, et nomadisant plus loin en Mongolie intérieure, planteront leur propre yourte à côté de la leur. Son oncle et sa tante viendront, ainsi que son frère aîné Yucel parti depuis longtemps fonder sa propre famille.
Tous seront là pour discuter des dernières nouvelles, de leur avenir incertain, des bribes d’informations récoltées ici ou là ou apportées par le motard, leur ami de la ville qui vient leur rendre visite de temps en temps et s’enquérir de la qualité de la laine de leurs chameaux ou de leurs futurs déplacements.
L’heure est grave, tous le savent, Kazök aussi le sent, sa peau est parcourue d’un frisson lorsque tard le soir, son père et sa mère parlent tout bas autour du foyer au centre de la yourte.
— Regarde Saril ! dit Tonyukuk en faisant un clin d’œil à sa bien-aimée. Notre fils s’est endormi, nous pouvons parler sans crainte !
 
Kazök, allongé sur sa natte de feutre ferme alors les yeux si fort que des plis d’application apparaissent en haut de ses sourcils.
 
Pour l’heure, Kazök flotte et pourrait peut-être bien s’envoler. Il court les bras écartés, et le vent sec s’engouffre sous son manteau de peau, le pousse, et va finir par l’aplatir. Il a décidé de rendre visite aux chameaux de son père. Il dépasse le troupeau de yaks, le dos courbé, les bras le long du corps, il est l’espion intrépide. Son cœur est stupéfait de son audace et bat la chamade. Kazök tente de le calmer en plaquant ses mains contre sa poitrine. Il espère que sa course ne trahira pas sa peur, qu’il ne s’étalera pas honteusement dans la boue où l’herbe rase. Ses petites jambes tremblent, ses tympans menacent d’exploser en signe de protestation. Le souffle court, il s’approche de l’enclos. En ombre fugitive il se cache derrière une bute enneigée. Silencieux, il les observe. Son cœur affolé cogne dans ses oreilles, un tel ramdam pourrait-il trahir sa présence ? Rentrant instinctivement le cou dans ses épaules il balaie rapidement les alentours d’un regard inquisiteur.
 
Les six chameaux sont véritablement le seul bien de la famille. Le favori de son père, celui qu’il prend pour ses voyages solitaires dans le désert, le plus fier, un grand mâle roux au caractère terrible, aux dents jaunes énormes, mastique. Kazök touche sa propre mâchoire et d’une diduction appliquée essaie de l’imiter. Il enfonce maintenant pouce et index dans ses narines. Debout, le coude relevé, le cou tendu, il mime la traction douloureuse qu’exerce la longe sur les nasaux de l’animal et pousse leurs cris rauques. Soudain, un léger souffle de

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