L Alchimie de l Imaginaire
246 pages
Français

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L'Alchimie de l'Imaginaire , livre ebook

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Description

Recueil où se mêlent :



- des nouvelles, plusieurs ayant pour cadre la ville de Lyon,



- des petites histoires écrites « À la manière de... », où l'on peut croiser Devos, Chandler, Agatha Christie...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 mars 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334104180
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-10416-6

© Edilivre, 2016
Dédicace


À Cric
Les lettres des alphabets sont les atomes Les mots des dictionnaires sont les molécules avec lesquelles jongle à l’infini l’Alchimie de l’Imaginaire
A la manière de… Raymond Devos (1922-2006)
Le poids des mots
Tout a commencé un soir où un ange, Mon Ange, passait…
Lorsqu’il rompit le silence, ce fut pour m’interpeller :
‘Toi, mon petit Raymond, tu as la tête de l’emploi ! Tu seras jongleur !’
J’ai fait ‘Ah’.
‘Oui, a-t-il ajouté, tu vas commencer par un ‘Ah’. Un ‘Ah’ expiré : Aaaah ! Et il n’est pas nécessaire de prendre l’air inspiré ! Donc tu vas choisir un petit ‘ah’, car pour apprendre à jongler avec les mots il faut débuter petit : les gros mots sont par trop difficiles à manipuler’.
Mesdames et Messieurs, Mon Ange m’avait pris au mot ! Alors j’ai pris le ‘Ah’ dans la main droite, je l’ai expédié dans la main gauche – à quinze centimètres de distance – et la main gauche l’a illico renvoyé dans la main droite !
Le ‘Ah’ sautait de droite à gauche, et de gauche à droite, de plus en plus vite. Incroyable, Mesdames et Messieurs, je jonglais… Un peu.
Une euphorie excessive, et j’ai lâché le ‘Ah’. De satisfaction.
Il est tombé, et la salle a fait ‘Oh’. Il fallait que je me reprenne.
Mon Ange me confia alors un couple de ‘Ah’ :
‘Tu verras mon petit Raymond. Plus tard ils vont faire des petits… des petits mots gentils. Pour l’instant, tu as deux mains, tu dois y arriver !’ J’étais doué : les deux ‘Ah’ tournaient dans l’espace, essayant de se rattraper l’un l’autre ; ils effleuraient à peine mes mains.
La salle scandait ‘Ah – Ah – Ah – Ah…’.
J’étais aux anges.
‘Tu dois faire mieux encore’ susurra le mien, et il me colla un troisième ‘Ah’ entre les mains. Trois contre deux… Obligatoirement, un mot allait rester en suspens !
Alors j’ai appris à jongler, en suivant les étapes, mot à mot, patiemment.
‘Roulement de tambour, Mesdames et Messieurs : de plus en plus difficile !’
Je m’enhardissais ; je choisissais des mots plus longs, de plus en plus nombreux, de plus en plus étranges, de bons mots, des mots pour rire, des mots plus graves, des mots pour le dire, et parfois des mots sans queue ni tête, ce qui ne facilitait pas la tâche !
J’allais jusqu’à peser mes mots avant de les lancer, afin d’être plus précis et de ne choquer point. Je m’appliquais à les expédier de plus en plus haut. Certains arrivaient même à dépasser ma pensée… Si, si ! Je vous en prie, Mesdames et Messieurs, j’en conviens : pas très haut, d’accord. Mais je progressais.
Quand par hasard je jonglais faux, mon Ange – un porte-plume – oui Mesdames et Messieurs ! Mon porte-plume n’avait pas de mots assez durs :
‘Je ne veux pas voir un mot plus haut que l’autre !’ Ou bien : ‘Si, en passant, un mot écorche ton oreille, remplace-le’
Ou encore : ‘Si tu changes de sens, ne prends pas le mot au pied de la lettre : il va t’échapper !’ Et il m’achevait en disant : ‘Si tu rates, tu n’auras pas un seul mot d’excuses !’
J’ai tout enduré Mesdames et Messieurs, mais je devenais expert : les mots caracolaient au-dessus de ma tête en des fresques lumineuses, ils vivaient leur propre vie, formaient des phrases qui s’enroulaient tout là-haut, des phrases racontant des histoires tristes, des histoires drôles, des histoires fantastiques qui me surprenaient moi-même.
Mesdames et Messieurs, je confinais au sublime !
Quand vint le drame.
La tête levée vers les cintres, je regardais une longue phrase qui m’avait échappé, une phrase avec des mots dont je n’étais pas vraiment coutumier, quand soudain, sans crier ‘Gare ! ‘, le bel agencement explosa en plein vol.
La salle incrédule fit ‘Oooh !’
En retombant, les morceaux acérés heurtèrent violemment mon crâne, et je ne vous dis pas, Mesdames et Messieurs, ce que peut être le choc des mots !
Mon Ange explosa lui aussi… De colère :
‘Oui, je te l’avais bien dit ! C’est bien fait pour toi ! Oui, tu as lancé en l’air des mots très blessants, des mots qui, cette fois, ont largement dépassé ta pensée. Il fallait t’y attendre ! Ne t’en prends qu’à toi-même ! Et en plus, pour couronner le tout, un gros mot particulièrement déplacé a meurtri ton poignet droit ! Tu as gagné, Raymond ! Alors, Mon Bonhomme, aux gros mots les grands remèdes : tu vas me faire le plaisir d’arrêter de jongler ! Tu es Nul !’
Mon Ange n’avait pas mâché ses mots.
Mais la règle était d’Or, le spectacle devait continuer . J’étais un clown blessé, un Cyrano ridicule avec sa bande Velpeau autour du crâne. Mais tel que vous me connaissez, Mesdames et Messieurs, têtu comme je suis, j’ai décidé dans l’instant de m’accrocher aux planches. Je me suis remis à jongler, lentement, avec ma seule main gauche, et avec un seul mot, qui – heureusement – ne fut pas ce jour-là le mot de la fin.
Ma vie en est témoin.
La femme du notaire
De vastes demeures cossues, ornées de larges pierres d’angle, des toits d’ardoise sous le ciel d’Aquitaine où courent des nuages blancs venus de l’Atlantique… La richesse de la petite bourgade de Maurillac est l’heureuse issue d’un mariage béni des dieux : celui d’un cépage noble et de cette miraculeuse terre des Graves.
Ici l’argent est discret. Ici l’argent est silencieux derrière les hautes persiennes grises. Maître Athanase l’avait bien compris lorsqu’il avait repris l’étude il y a cinq ans. Sa femme et lui étaient venus du Nord, pièces rapportées dans cette petite ville à la vie feutrée. Mais Maître Athanase, derrière la lourde porte capitonnée de son bureau, avait géré avec tant de doigté secrets d’argents et secrets de famille, qu’il était devenu respectable et respecté. Sa femme, ‘la femme du notaire’ – on ne l’appelait qu’ainsi dans la ville – était une personne fine et distinguée à la quarantaine douce. Trop blonde pour le soleil du midi, elle avait une peau laiteuse de la pâleur des gens du nord.
« Elles est aussi blanche que les pages de son missel… Et ce n’est pas à l’église qu’elle va bronzer ! » avait commenté madame Laubissou. Il faut dire que la femme du notaire, d’une grande piété, n’aurait pour rien au monde manqué le moindre office. Ce qui n’était pas le cas de son mari qui ne franchissait le porche que pour les cérémonies d’enterrement durant lesquelles il avait tout loisir de calculer ce qu’allait lui rapporter le règlement de cette nouvelle succession. Il venait parfois déguster un Armagnac au café de l’église, attendant que sa femme ait terminé son chapelet. Tous deux vivaient à l’écart, derrière les hauts murs d’une bâtisse blanche.
D’un coup de hachoir impeccable, madame Laubissou avait décollé une côtelette tout en taillant une bavette – ce qui est normal pour une bouchère – avec les trois habituées qui avaient coutume de se retrouver là pour échanger les dernières nouvelles. Il y avait, dans le magasin, madame Bordenave et madame Rousserie – deux sexagénaires plantureuses – et madame Chabot, qui se démarquait du lot par sa silhouette plate et sèche comme un hareng oublié, mais aussi par de magnifiques frisettes rose violine qui faisaient l’admiration des deux autres.
« Il faut que je vous dise quelque chose ». Le hachoir était resté en suspens, mais madame Rousserie faisait durer le plaisir.
« Alors ? »
« Eh bien, depuis trois semaines, la femme du notaire part en taxi tous les mardis et tous les vendredis, toujours à la même heure, par la petite porte de derrière que je peux voir de ma fenêtre. Et c’est toujours aux heures où son mari travaille à l’étude ! »
« Et c’est maintenant que vous nous le dites ! » Le hachoir était retombé.
« C’était pour en être sûre… » Cette soudaine et incongrue retenue, qu’on aurait pu appeler conscience professionnelle, avait laissé les autres sans voix, mais c’était pour mieux amener la conclusion :
« Je suis sûre qu’elle a un amant ! »
Le soir même, nombreuses furent les personnes dans Maurillac qui se mirent à douter de la fidélité de la femme du notaire.
Les semaines passèrent, confirmant les deux escapades hebdomadaires.
En ce dimanche de Pâques, Madame Rousserie annonça la nouvelle depuis le seuil de la boucherie :
« Je ne l’ai pas vu rentrer vendredi soir ! » Une voix s’éleva immédiatement derrière elle :
« Et ce matin, elle n’était pas à l’Office ! » Madame Bordenave était certaine d’apporter là l’information capitale, car c’était comme si l’horloge de l’église s’était mise à tourner à l’envers.
Le silence se fit. On put même entendre le grésillement d’une mouche dans la lumière bleutée de l’appareil électrique.
« La femme du notaire a filé avec son amant, c’est sûr ! » Le hachoir avait claqué sur l’étal comme le marteau d’un commissaire-priseur. L’affaire était entendue…
Le soir même, nombreuses furent les personnes dans Maurillac qui comparèrent la femme du notaire à la ‘Femme du Boulanger’ – qui était partie avec on ne savait qui – événement qui était confirmé par la mine sinistre du notaire qui ne souriait plus à personne et restait le regard dans le vide devant son verre d’Armagnac, mais qui, à la différence de Raimu, continuait à travailler dans son étude.
* * *
La Trinité passa, la femme du notaire n’avait pas refait surface.
Ce matin-là, madame Chabot rata la marche de la boucherie, et, sans la présence de l’énorme poitrine de madame Rousserie, elle aurait écrabouillé ses frisettes sur le présentoir.
« Que vous arrive-t-il ? Vous êtes toute essoufflée ! »
« Il les a tués !! » On ne disait plus ‘Maître Athanase’, ni même ‘le notaire’ mais ‘il’, le notable cocu…
« Qu’est-ce que vous dites !! »
« J’étais là… Je les ai vus ! Il y avait deux gendarmes qui tenaient chacun un bras, et ils l’on poussé dans la voiture

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