L Autre Versant
112 pages
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L'Autre Versant , livre ebook

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Description

Sommes-nous devenus placides face à la vague mondialiste qui menace nos individualités ? Izza, une femme rebelle à cette nouvelle tendance d'uniformisation, tente d'y opposer toute la force de son « moi ». Mais Zaïn, paresseux de nature, se contente d'observer d'un œil amusé les agissements chicaniers de cette mère trop indocile à son goût. Le narrateur enclenche alors un dialogue qui aura le mérite de faire apparaître deux visions d'un même système. Ce choix narratif va donner des allures cocasses à des questions pourtant complexes, débarrassant ainsi le débat de toute charge de gravité. L'humour et la dérision sont de la partie afin d'adoucir le poids de cette nouvelle tyrannie qui fait de nous des populations impuissantes face à un système oppressif, car axé sur le tout économique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 mars 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414215294
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-21527-0

© Edilivre, 2018
Dédicace


A Lamia et Sarah
Ma mère
« Ouvrez, sinon… ! Sinon… »
La voix s’essouffle apparemment, mais la menace est claire. Et puis, sinon quoi, pensé-je ? Mais la méchante voix reprend : « Zain Trinquet, ouvrez ! Et suivez-nous, séance tenante ! ». Toute cette violence… Quel gâchis ! Or, je ne suis pas étonné, et comment s’étonner encore de quoi que ce soit, ici ? Mais les coups de sonnette redoublent d’intensité : quel acharnement, pensé-je encore ! Et puis, il est à peine quatre heures du matin ! Je me lève pourtant et quitte mon lit. Mes charentaises sont introuvables ; tant pis, j’y vais pieds-nus. Mais combien de doses de muz ces forcenés ont-ils ingurgitées pour avoir autant de rage en eux ? Je n’en ai aucune idée, et puis que m’importe en réalité. Je m’engage dans le couloir même si les coups de brodequins frappent à présent le sol à tout rompre. Il n’y a rien à faire contre ces diables : à Patras, notre capitale, nous sommes tous « en attente » de ce genre de choses, car nos prockopes peuvent frapper partout, et à tout moment.
Deux gardiens de l’ordre se tiennent là, debout, devant ma minuscule entrée. L’un d’eux bombe le torse en direction de mon visage. Quelle force de la nature, me dis-je ! L’autre ricane : est-ce à ma silhouette frêle et flottante dans un pyjama débraillé que nous devons toute cette arrogance, Seigneur Prockope ? Allez savoir, mais le monstre gondole à présent son corps massif tout en mâchant un swing-goum récalcitrant. Cette façon de se tortiller la mâchoire est évidemment de mauvais goût, mais je ne peux rien contre autant d’aplomb. Non absolument rien, car ce genre d’aplomb est devenu, somme toute, un droit public.
Ces Prockopes comme on les appelle depuis mai 2001, ne sont pas choisis au hasard : ces hommes sont souvent des êtres herculéens, des tigres, des fils de Titan ! Mais certains d’entre nous, ma mère y compris, affirment que ces individus sont dotés d’une naturelle crétinerie. Certes Mama, mais ces « crétins » régissent notre vie et notre espace publics ! Comment puis-je donc, raisonnablement, disconvenir à l’ordre de ces deux colosses ? Non, je n’y peux rien : je m’exécute et, « séance tenante », j’enfile un pantalon chaud et le gros chandail que ma grand-mère m’a tricoté ; il fait très froid en ce début du mois de février.
Au moment de quitter l’appartement, l’un des deux soldats me pousse violemment vers l’ascenseur. Ai-je refermé correctement ma porte ? Je n’en suis pas sûr, mais je n’ai pas le temps de jeter un œil à mon entrée. Le bougre doit sans doute considérer que les choses ne peuvent pas se passer autrement qu’ainsi. C’est-à-dire sans cette force gratuite et cet autoritarisme stupide. Que dire alors, et à quoi bon ? De toute façon, le geste est sans gravité, alors autant garder le silence.
Dehors, la ville est toute blanche. La neige, en une nuit seulement, a réussi à teinter notre paysage urbain d’ordinaire cendreux, d’un air cristallin et presque angélique. La poudre blanche a drapé les arbres et les maisons, masqué les salissures et les mystères, gommé les ombres nocturnes et les silhouettes brumeuses de nos traînards. Patras est fraiche comme au premier jour : elle est vierge de nous, de nos meurtrissures, de nos deuils, de nos plaies, de notre sang, de nos gémissements et de toutes nos larmes. Non, notre capitale n’a plus la moindre de nos égratignures.
Le moteur de la jeep gouvernementale ronronne et on s’en va, mes deux géants et moi. La chaleur qui envahit le véhicule est à peine supportable, et je transpire à mesure que nous quittons mon quartier. Il faut dire que je suis encore un peu vaseux, suite à ma soirée d’ébriété amoureuse avec Vérona. Mes neurones mettent décidément beaucoup de temps à se remettre en place, et je suis inquiet. Alors, dans un élan incompréhensible, j’ose une question à propos de mon arrestation. L’un des gardes, celui qui occupe la place du passager, remue méchamment dans son siège et, tel un félin carnassier, se retourne vers moi avant de vociférer :
– Arrêtez de bouger ! Il s’agit de votre mère, mais il est à peine quatre heures du matin et nous n’en savons pas plus que vous ! Alors bouclez-la !
– Oui Chef Prockope.
Oui, autant la boucler et ne plus la rouvrir. D’ailleurs, à quoi bon disputer ?
Ma mère ! Pour quelle raison est-elle retenue au commissariat ? Et pourquoi fait-elle appel à moi ? D’ordinaire, c’est sur ma sœur Sarah qu’elle compte, car « plus alerte » dit-on. Etrange : hier encore, Mama s’occupait de ses cactus et elle riait aux blagues de Keenan comme une jeune fille… Qu’a-t-elle donc pu faire ? Ou exprimer ? Ou simplement penser ?… Il faut dire qu’ici, au pays du Mirland, chacun se doit d’être circonspect : c’est la loi !
La jeep roule toujours et Patras est plus belle que jamais. Mais l’image de Mama dans un bureau de police m’empêche de savourer, depuis ma vitre embrumée, la sérénité immaculée de nos boulevards. Oui, je me retiens de contempler le joli voile laiteux, tant ils sont impressionnants ces gardiens de l’ordre public. Mais que peuvent-ils donc reprocher à ma mère ? Je ne me sens toujours pas bien et ma soirée avec Vérona continue d’agir sur mon esprit tel un puissant anesthésiant. Si bien que lorsque la jeep s’arrête enfin, je suis docilement mes tortionnaires, presque heureux de m’épargner leur feulement et celui de leur bolide. Devant la grande porte du commissariat, l’un des deux hommes, le même me semble-t-il, me pousse une fois encore et sans aménité, vers l’intérieur des locaux. Mais j’ai gardé le silence là aussi : je ne veux pas d’une quelconque fâcherie avec les autorités.
Il faut dire qu’à Patras, la docilité est devenue, avec le temps et quelques circonstances probantes, une valeur sûre. Oui, depuis ce lundi 20 janvier 2002, nous acquiesçons, silencieux et un brin désabusés, aux diverses ordonnances du gouvernement. Même aux plus capricieuses d’entre elles. Nous ne réagissons pas, ou alors rarement : par paresse, par lassitude, par peur aussi. Ma mère, elle, rêve toujours d’un « second soulèvement » ; Mama a toujours été attirée par les ennuis ! Mais chère Mama, souviens-toi de ce fameux lundi : vos groupes de grévistes étaient si épars, si malingres, si désordonnés ! Rappelle-toi vos slogans faiblards et pour le moins saugrenus : « Des bisous ! Des bisous ! ». Un peu de bon sens Mama : on ne descend pas dans la rue pour de si sottes raisons ! Et puis, qui espériez-vous convaincre, vous, cette émeute sans consistance, cette poignée de retraités en quête de reconnaissance ?
Imaginez une foule de sexagénaires, l’air grave, en train de déambuler dans la belle avenue « Christophe Colomb ». Aux dires de la presse, leur nombre était insignifiant puisqu’il n’excédait pas le chiffre rond de mille âmes. Mais ils étaient là, ces petits vieux, frais comme des gardons, pour manifester leur colère contre l’issue de notre débat national. Comment ces entêtés ne pouvaient-ils pas comprendre qu’ainsi, ils compromettaient nos propres efforts à nous citoyens ? Car des efforts, on en a fourni, nous. On a argumenté et contre argumenté pendant des jours, afin de répondre à cette controverse du siècle – « Faut-il interdire les bisous ? » – dignement proposée par notre gouvernement. Certains d’entre nous, semble-t-il, y auraient consacré des nuits entières.
Dans ce débat historique, quelques-uns d’entre nous ont avancé que « Le bisou est un agent pathogène capable de transmettre des maladies ». C’est là un argument indiscutable, non ? D’autres sont allés jusqu’à affirmer que « Faire la bise est une perte de temps ». Certes là encore. Et puis une poignée d’entre nous s’est irritée du fait que « Beaucoup bavent ou puent du bec ». Incontestable, là aussi. Par ailleurs, des femmes se sont insurgées, arguant que « La barbe des hommes, ça pique ». Et comment ! Enfin Mama, que te faut-il de plus ? Souviens-toi qu’on en a tous – tous Mama ! – conclu qu’« On a le droit de ne pas s’embrasser ». Que t’importe alors qu’on s’embrasse dans les pays du Sud ? Que t’importe que le flirt, chez nous, ce soit fini ? Et même si les russes se disent « bonjour » en s’embrassant sur la bouche, eh bien, grand bien leur fasse ! On ne va tout de même pas tous émigrer en Russie !? Non, car notre ministre à nous, celui des Affaires internes, a fait le nécessaire en rédigeant un texte de loi contre la bise, texte ensuite voté par le parlement ! Basta Mama, le débat est clos.
Mais Mama et ses amis se sont obstinés. C’est pour cette raison que nos vaillants prockopes ont réagi, leur montrant ce qu’on allait nommer par la suite, très narquoisement je dois dire, « Le baiser de la mort ». Je m’explique : en ce lundi 20 janvier, des soldats d’un genre nouveau, vêtus de bleu, de vert et de jaune surgirent de tanks noirs et s’acharnèrent sur la foule des vieillards. Ces guerriers brûlèrent les frêles banderoles en quelques secondes, cassèrent ensuite toutes les cannes avachies avant de s’en prendre aux béquilles et autres déambulateurs qui gisaient sur la chaussée. Et, une fois tous les petits vieux pacifiés, ces soldats des temps modernes s’occupèrent du reste de la population, c’est-à-dire de tous ceux qui avaient l’audace d’assister à la scène. Car ils étaient bien là, ces citoyens outrecuidants : n’avaient-ils rien d’autre à faire, ces badauds insolents, que de filmer les officiers de notre gouvernement ? Pour ma part, j’observais de loin ce théâtre inédit, et c’était la première fois que je voyais ces guerriers dans leurs tenues aux couleurs irisées. C’était beau ! Et quand ces créatures bougeaient dans tous les sens, on aurait di

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