L Estivant
228 pages
Français

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L'Estivant , livre ebook

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Description

Emmanuelle revient sur les lieux de son enfance, au bord de l'Atlantique. Orpheline de mère, elle a été élevée par un père indifférent et une grand-mère aimante mais débordée. Avec ses frères, elle a passé des vacances à courir dans les dunes et s'inventer des histoires comme autant d'aventures à vivre.

Mais le passage de l'enfance à l'adolescence est marqué par un drame, que la jeune femme avait oublié, enfoui dans sa vie adulte.

Lors d'une visite à son père vieillissant, Emmanuelle retrouve une photo et tout lui revient.

Une histoire dure mais poétique, qui entraîne le lecteur au pays de l'enfance et de ses traumatismes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 avril 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334110662
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-11064-8

© Edilivre, 2016
Dédicace


A mes frères mousquetaires……
Prologue
Cet été là, un des plus chauds gravés dans ma mémoire, cet été là, j’ai renoncé à mes rêves.
Je ne l’ai pas su tout de suite, mais c’était le début. Le ressac qui m’éloignait de l’enfance doucement, par à-coups douloureux, m’emmenait à la marée montante vers une adolescence tourmentée.
Bien plus tard, après des années-lumière de navigation solitaire, j’ai enfin abordé le rivage des adultes. J’avais peu à peu noyé mes utopies, mes enthousiasmes excessifs, j’avais appris la résignation raisonnable et le deuil sage des chimères.
Et surtout, je m’étais efforcée d’oublier.
Ces blessures qui deviennent des cicatrices à peine sensibles avec le temps, les serments que nous échangions, enfants, mes frères et moi, pour nous convaincre qu’un monde magique existait, pour allier nos peurs et nos angoisses devant l’adversité qui en ce temps-là, se nommait respectueusement « les grandes personnes ».
Tu ne peux pas comprendre encore, me répétait-on à l’envi… Mais les enfants ont des presciences, ils comprennent tout. Simplement, ils ne peuvent pas l’admettre, leurs désaccords fougueux les heurtent à l’orée de cet âge que l’on prétend ingrat. Ce sont les adultes qui sont ingrats avec eux-mêmes. Ils trahissent vite l’enfant qu’ils ont été, et les plus beaux coquillages ne chantent plus jamais la mer à leur oreille. L’été devient une saison comme une autre et cesse à tout jamais de ressembler à un pays merveilleux.
Nous devenons adultes et clonons nos vies à l’infini, travail, famille, soucis en tous genres. Des épreuves qui cimentent de raisonnable une existence. Et les amarres de l’enfance sont larguées comme tombent une à une les prétentions à une vie meilleure. Nos premières années deviennent simplement le début d’une histoire que l’on s’emploie à écrire correctement. La personnalité se lisse, s’efface pour ressembler à ce que l’on attend de nous. Et le désir d’être conforme l’emporte sur la passion et l’enthousiasme. On finit par se perdre de vue soi-même.
Le passé devient un fantôme, jusqu’à s’évanouir dans le gouffre d’une vie morose.
Un jour pourtant, les fantômes se sont matérialisés brusquement. Au moment où ma vie s’enlisait dans un confort routinier, ils ont surgi devant moi, comme au détour d’une porte longtemps claquemurée. Ils ressemblaient à l’enfance oubliée, ils étaient inquiétants et pourtant familiers. Ils ont envahi ma tête et les questions se sont imposées, obsessionnelles, sans réponse. Mais je savais que ces réponses étaient quelque part en moi. Je devais juste en retrouver l’accès. J’ai compris que j’avais abandonné une petite fille, là-bas, au bout d’une lande sauvage et salée, j’ai réalisé qu’il manquait un épisode à mon histoire. Ma vie ne pouvait pas être sereine amputée d’une partie de sa genèse. Je devais tout reprendre au début.
Pendant longtemps, j’ai voulu être un garçon. Pour être comme mes frères, pour avoir ce qui me paraissait une liberté plus large. Les femmes de ma famille restaient à la maison, épouses et mères au destin tout tracé. Mon père sortait, lui, il allait travailler, il parcourait le monde et le monde venait à lui. Je ne savais rien de son métier alors et je n’en sais guère plus aujourd’hui. D’ailleurs maintenant, il est retraité. On dit rarement d’une femme qu’elle est retraitée. Comme si la sphère de la maison pouvait la définir toute entière, même si elle a toute sa vie exercé une profession. Une femme retrouve sa place au sein du foyer, elle s’occupe, dit-on, donne vie à mille choses, le jardin, le potager, les rideaux, les petits-enfants. Elle s’étale et reprend sa forme initiale. Telle une huile essentielle dans l’eau de l’existence. Une épouse, une mère… Un homme est totalement désemparé bien souvent quand le travail, sa colonne vertébrale, ne le soutient plus. Quand ce qu’il a fait toute sa vie a façonné d’un bloc ce à quoi il tente de ressembler. Trop tard pour être père. Trop vieux pour devenir un époux acceptable. Empreint de tendresse parfois pour des petits-enfants de passage et qu’il peine à connaître.
Tel fut le cas de mon père. Remarié sur le tard, il n’a plus su quoi faire de lui quand il a enfin eu droit à cette retraite que ma belle-mère attendait pourtant avec tant d’impatience. Mais cet homme d’affaires si actif, qui partait dix jours par mois à l’étranger, s’est tout d’abord consumé d’ennui dans sa trop belle maison.
Puis, petit à petit, il a trouvé ses marques. Crée de nouvelles habitudes. Et surtout il s’est souvenu qu’il avait des enfants. Quatre. Dont une fille aînée, cause de tant de déceptions, qu’il ne voyait jamais.
Mon père d’ailleurs, voulait des fils. Non pas qu’il se soit plus occupé, voire intéressé à mes frères. Mais les filles restaient pour lui une énigme, de petites créatures étranges, qui, en devenant des femmes, s’éloigneraient totalement de son monde. Il respectait sa mère, il avait, dit-on, aimé notre mère, seules survivantes d’un continent qu’il ne devait plus approcher durant de longues années. Il était resté figé à l’époque des contes de fées. Les femmes donnaient des fils, il leur donnait son nom.
Etant l’aînée, il avait pensé à me prénommer Emmanuel. Comme son père. Malchance, je suis arrivée, il a rajouté une consonne et une voyelle. Emmanuelle. Ma mère, paraît-il aimait bien. Ou ne détestait pas. Ou encore n’a pas eu voix au chapitre. Je ne saurai pas.
Je sais tellement peu de choses sur ma mère. Une artiste, elle jouait du piano. Elle donnait des cours et parfois des concerts, dans les salles du quartier. Ils se sont rencontrés sur le trottoir, à la sortie d’un de ces concerts justement. Elle avait garé sa voiture tout contre celle de mon père qui attendait son arrivée avec agacement.
Il n’a pas été agacé bien longtemps puisqu’ils se sont mariés moins d’un an plus tard et que je suis née neuf mois après. C’est tout ce que je saurai de leur histoire. Même si aujourd’hui encore j’ai du mal à imaginer mon père allant à un concert. Ou à tout autre loisir. S’amusant.
Bref, je sais qu’il a imposé Emmanuelle.
Mais finalement, jusqu’à mes vingt ans bien sonnés, on m’a appelée Manu. Je préférais.
Ensuite, j’ai opté pour Emma, plus moderne.
Aujourd’hui, seul mon père m’appelle Emmanuelle. Par un brusque retour de mémoire, il s’est souvenu un jour que c’est lui qui m’avait choisi ce prénom.
Il a téléphoné, timidement. Essayé de s’intéresser à mon travail :
– Tu es toujours reporter ? à la radio ?
– Oui papa, je suis reporter, dans un journal maintenant… (ça fait quinze ans, j’ai effectivement commencé dans une radio locale et son curseur est resté fixé là)
– Ah…
De quoi parler avec un père qui sait à peine ce que je fais dans la vie ? Une fille qui n’est pas mariée et n’a pas d’enfants ? Pire, qui revendique à près de quarante ans le droit à vivre seule et sans attache… Non, mon père ne peut pas vraiment me comprendre. Mes frères ont des métiers plus valorisants, mieux cernables, dentiste, professeur de français, avocat… Des vrais métiers que l’on retient. Des professions utiles, disait mon père quand je lui ai fait part de mon désir d’entamer des études de journalisme. Je revois son sourcil levé, son air étonné, pas méprisant, pire, interloqué :
– Des études de journalisme ? Il faut faire des études pour être journaliste ?…
Plus tard, je lui enverrai mes articles, je l’abonnerai à mon journal, je devins chef de rubrique, j’étais dans « l’ours », il ne savait pas ce que c’était :
– Tu vois papa, cette colonne où l’on inscrit tout l’organigramme du journal, le nom des journalistes, c’est ça l’ours…
Il jetait un coup d’œil rapide et hochait la tête :
– Tu gagnes ta vie avec ça quand même ?
Des années plus tard, avant de partir dans le midi, acheter sa belle maison, il me demanda :
– C’est quoi ces journaux « Voyages », j’en ai toute une pile, c’est toi qui me les as donnés ? pourquoi donc ? je ne vais pas les garder si ?
J’avais envie de soupirer, de dire mais papa je t’ai apporté ces journaux parce que j’écris dedans, il y a mes reportages, tu ne les as jamais lus ?
Non il ne les avait sans doute jamais lus. Ou peut-être vaguement, le jour où je lui ai ouvert à la page indiquée, en soulignant de l’ongle mon nom apposé à la fin de ma chronique. Ce qui faisait ma fierté à mes débuts, n’avait jamais engendré chez mon père plus qu’une concentration de lecture de quelques minutes. Il n’émettait jamais d’avis sur mes écrits. Tout au plus un « bien, bien » qui semblait suggérer que, précisément, ce n’était pas très bien.
Ou tout du moins insignifiant. Personne ne lisait les journaux chez nous. Mon père n’avait pas le temps, il disait « je n’ai pas le temps » dès qu’une activité le détournait de son travail.
Combien de fois ai-je eu envie de hurler devant sa mimique condescendante, son ennui à parcourir un article de deux pages sans intérêt pour lui ? J’avais envie de lui faire avaler le journal. Alors quand il me demandait, en toute bonne foi, ce qu’il fallait en faire maintenant, de ces papiers entassés, encore plus inutiles qu’au premier jour, j’avais envie, là encore, de l’étrangler.
Mais je n’ai rien dit, comme toujours.
Petite, je ne disais rien, par crainte d’une gifle, que mon père donnait pourtant rarement. Plus tard, je redoutais son jugement sans appel. Aujourd’hui, je n’avais plus à craindre ni gifle ni jugement mais le pli était pris. En présence de mon père, je me taisais et avalais ma rancœur.
Mon père a fait du tri, a jeté pas mal de souvenirs, nous a donné ce qui avait appartenu à notre mère, et ils ont emménagé ensemble, avec ma belle-mère. C’étai

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