L Hôtel des deux gares
204 pages
Français

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L'Hôtel des deux gares , livre ebook

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Description

Dans l'étau de Paris insurgé, un homme se terre. D'où vient-il ? Formé dans l'ombre de Drieu la Rochelle, mais aussi lié à Carbone et aux tortionnaires de la rue Lauriston, c'est un habitué du « One Two Two », bordel le plus select de l'Occupation. Tenté par le fascisme, il s'est rallié à Doriot pour devenir une « grande plume » de la presse collaboratrice. Séducteur, il se laisse aimer par les femmes quand soudain... il découvre l'amour-passion, l'amour-défi. Mais n'est-ce pas l'impossible rêve de commencer une autre vie ? Cerné, qui forcera en premier sa planque ? Les résistants, ou ses « amis » qui veulent se débarrasser d'un témoin gênant ? Cadre de la communication dans une grande multinationale, puis grand reporter, essayiste, romancier, René Ballet dévoile les dessous de l'été 1944. Déjà, dans les beaux quartiers, d'étranges contacts se nouent...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 novembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342058413
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'Hôtel des deux gares
René Ballet
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
L'Hôtel des deux gares
 
 
 
À Simone
 
 
 
 
Préface. Un étau qui se resserre
 
 
 
1947. Une équipe d’ouvriers du bâtiment, chargée de rénover un hôtel entre les gares du Nord et de l’Est, à Paris, découvre dans une chambre un nom frénétiquement tracé sur les murs qu’on pouvait penser être celui d’une femme (« Falaise »), tandis que le miroir mural est recouvert d’un linge. L’établissement était resté fermé durant trois ans : il y avait eu en effet, paraissait-il, ce sont des choses que l’on se chuchote à l’oreille plus qu’on ne les murmure, « des histoires à la Libération ».
Le roman de René Ballet, L’Hôtel des deux gares , se situe à Paris, l’été 44. Robert Rocher – on l’appelle « Bob » à cause de sa ressemblance avec Robert Taylor, le narrateur-romancier préférera « Roc », – est là, terré, aux abois, qui attend la mort. Par quel processus cet homme, rallié à Doriot – « le Grand Jacques », devenu « le Gros Jacques » – et qui s’est acoquiné aux tortionnaires de la rue Lauriston s’est-il donc claquemuré dans ce cul-de-sac ? Car l’ancien « Tatar », qui écrivait de petits textes surréalisants et mettait sous scellés les voyelles du Bateau ivre est bel et bien (si l’on peut dire) devenu un facho. Un facho tweed, un facho chic, qui vécut le nazisme comme une esthétique, un dandysme. Vailland aura décrit, dans Drôle de Jeu , ce genre de folliculaires-là, qui avaient appris dans leurs torchons à beugler « Plutôt Hitler que le Front populaire ! ». Après la pax romana , la pax teutonia . Le peuple paiera les pitreries de la classe dirigeante. Roc est un habitué du One Two Two , la maison close la plus «  select  » de l’Occupation. Élégant, séduisant, il se laisse aimer par de grandes horizontales, qu’habillent un tailleur Chanel ou une robe de chez Schiaparelli. Et puis, un jour, les temps changent. Ils sont devenus trop nombreux ceux que l’on étrangle de ses mains méticuleusement gantées, par peur du sang, dans des sous-sols visqueux. On n’arrive plus à réduire les maquis ; la voix de Radio Londres se fait moins ténue.
Louis-Ferdinand s’en est déjà parti avec Lucette et le chat Bébert… Les rats quittent le navire ; c’est la débâcle. Roc est pris au piège d’une ville insurgée. Cerné. Qui forcera en premier sa planque ? Les résistants ou les grosses huiles de la collaboration qui veulent se débarrasser d’un homme qui en sait trop ? Dans les beaux quartiers, déjà, des contacts se nouent.
Le récit se fait de plus en plus haletant, mais je ne vais pas ici en déflorer ni l’intrigue – prodigieuse – ni la chute, au fur et à mesure que l’étau se resserre et que nous suffoquons avec la proie.
Toute personne qui entend comprendre le fascisme, les pulsions de mort dont il se nourrit et sur lesquelles il repose, se devrait de lire ce livre.
Roman majeur, roman éblouissant (je l’ai dit et écrit des douzaines de fois), il est avec La Peau , de Curzio Malaparte (1949), et Éducation européenne , de Romain Gary (1945), un des plus puissants ouvrages sur la Seconde Guerre mondiale.
Alain (Georges) Leduc ( 1 )
 
 
 
Avant-propos. Falaise
 
 
À l’automne 1947, une entreprise fut chargée du réaménagement de l’Hôtel de l’Entre-deux gares. Fermé depuis plus de trois ans, l’établissement venait d’être vendu par l’intermédiaire d’un notaire madrilène.
Une surprise attendait les ouvriers. Au troisième étage, dans la chambre 33, une vingtaine de fois répété, un mot s’étalait sur les murs. Peint en rouge par une main fébrile.
FALAISE
Qu’était cette Falaise ? Sous l’empire de quelle passion un homme l’avait-il évoquée avec une telle rage ? Un détail attira leur attention : le miroir était recouvert par une double page de journal. Qu’avait bien pu redouter d’y voir le dernier occupant de cette chambre ? Était-ce l’homme de « Falaise » ? Intrigué, le chef de chantier tenta de se renseigner lorsqu’il alla déjeuner dans le bistrot le plus proche.
—  Il y a eu des histoires à la Libération, répondit le patron, puis il tourna le dos sans en dire plus.
Le chef de chantier haussa les épaules : n’importe comment tout allait être décapé et disparaître sous une couche de peinture blanche.

 
 
Paris, août 1944
 
 
 
Mercredi 9 août
« Le caïman a déposé sa valise à la consigne » : l’homme sourit.
— Déposé sa vie à la consigne, ricane-t-il.
Puis il s’engage dans la rue du Mont-Thabor.
Ce n’est pas le premier. C’est même le dernier. Il marche pourtant d’un pas nonchalant. Silhouette un peu lasse mais élégante : on remarque moins le tissu – anglais ? – du costume que les joues rasées de frais et l’impeccable nœud de cravate. La plupart de ceux qui l’ont précédé en courant arboraient des barbes de la veille au-dessus de cravates nouées à la diable.
L’homme ne presse, ni ne ralentit l’allure en arrivant à hauteur de l’automitrailleuse allemande qui barre la rue. Gardant aux lèvres son odorante cigarette – tabac américain ? – pour ouvrir son portefeuille et le tendre à la sentinelle. Le soldat lui fait signe de passer.
L’homme conserve le portefeuille ouvert à la main. Il en aura besoin pour franchir le double barrage protégeant l’entrée de la Corporation de la presse. L’agent de police ne le regarde même pas mais le milicien, méfiant, examine longuement ses papiers avant de les lui rendre avec un léger claquement des talons.
L’homme semble ne pas voir la dizaine de journalistes qui s’entassent au pied de l’escalier. Il en touche un à l’épaule et le groupe s’ouvre. Sans un mot mais avec des regards de haine.
* * *
— Deux heures plus tôt, il se serait fait lyncher, dit l’agent de police.
Il n’oubliera jamais cette matinée. Le commissaire l’avait envoyé assurer l’ordre devant la Corporation de la presse qui organisait l’évacuation vers l’Allemagne des journalistes les plus compromis. Une heure avant l’ouverture, des journalistes secouaient déjà les portes. Il en arrivait sans cesse de nouveaux, marchant de plus en plus vite, courant pour mutuellement se dépasser.
— Lorsque Luchaire 2 est descendu de voiture… on ne peut pas raconter.
Cinquante ans plus tard, l’agent en est encore gêné.
— Ils se l’arrachaient, tentaient de lui serrer les mains, de lui prendre le bras. Le milicien qui l’accompagnait dut braquer sa mitraillette pour le dégager.
Pour quelques instants, la peur leur tint lieu de respectabilité. Court répit. Entassés dans l’escalier, leurs rivalités ne pouvaient s’exprimer qu’en insinuations.
— En quarante ans de commissariat j’en ai entendu… mais comme ce jour-là, jamais !
Les journalistes entraient un par un et ne réapparaissaient pas. On devait les faire sortir par une autre porte pour leur éviter de se faire écharper par ceux qui attendaient encore.
Vers onze heures, un adjoint de Luchaire s’avança sur le seuil, bras écartés pour réclamer le silence – « C’est fini pour aujourd’hui. Si un autre convoi est formé, vous serez prévenus » – puis il s’éclipsa. Cris. Huées. Le milicien fit évacuer l’escalier. Quelques-uns s’incrustèrent dans l’entrée.
— Ce n’était plus les mêmes hommes… dégonflés… comme les ballons crevés avec lesquels nous jouions quand nous étions gosses.
* * *
L’homme passa au milieu d’eux et gravit l’escalier. Sans hâte ni hésitation. Il ne sonna pas – depuis plusieurs jours, la sonnette était débranchée – mais frappa : un coup d’abord puis trois petits coups rapprochés. La porte s’entrebâilla : le gardien qui l’avait entrouverte le reconnut et le salua d’un geste amical.
— Peux-tu prévenir Jean, dit l’arrivant. Je voudrais lui parler.
— Attends une seconde, je vais le prévenir.
La porte se referma avec un bruit de verrou. La seconde dura trois interminables minutes. Le groupe tassé au pied de l’escalier sembla se raffermir : dix têtes se redressant une à une, par à-coups, comme les soubresauts d’une chambre à air regonflée ; dix corps bandés. L’homme, lui, attendait sans trace d’impatience.
La porte s’entrouvrit enfin sur un visage fermé :
— Monsieur Luchaire est occupé. Il vous fera prévenir dès qu’il pourra vous recevoir.
L’homme ne dit rien mais poussa brutalement la porte. Elle ne bougea que de quelques centimètres, bloquée de l’intérieur. Deux regards s’affrontèrent à travers l’entrebâillement. Celui de l’intérieur se déroba.
— Je n’y suis pour rien, Bob. C’est la consigne.
Des ricanements s’élevèrent du rez-de-chaussée lorsque la porte se referma. Ils redoublèrent, tandis que l’homme se retournait lentement. Nulle trace d’émotion sur son visage. Peut-être son teint – naturellement pâle – avait-il blêmi d’un ton, mais les autres n’étaient pas en état de discerner la nuance. L’homme prit plaisir à faire durer la descente, ses pas restant en suspens au-dessus de chaque marche. Les ricanements de s’étrangler, les têtes de s’affaisser. Il s’arrêta, jeta sa cigarette à demi consumée, en alluma une autre – c’était bien une Lucky – et sortit sans un regard à la chambre à air humaine de nouveau à plat.
Court silence – le temps que l’homme fût hors de portée de voix – et la colère éclata.
* * *
— Ça piaillait, se souvient l’agent. Comme les filles, les soirs de rafle.
Ce qu’ils disaient ? Il ne se rappelle plus les mots exacts mais ils fourbissaient les arguments qu’ils allaient ressortir pendant des années : la plupart dans l’intimité ; quelques-uns devant les tribunaux. « Eux n’avaient fait que défendre, par la plume, leurs idées. Attitude à ne pas confondre av

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