L Infini Ment
272 pages
Français

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L'Infini Ment , livre ebook

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Description

Je la connais, la mort: c’est presque sur ces mots que commence l’histoire de François. Le vieil homme révèle à ses enfants ce que furent ses véritables luttes… Indochine, Vietnam, et toutes ces guerres innommées, intimes. François exhume ces années de feu qui lui ont dérobé sa liberté, son honneur et son grand amour. Entre Danang, le Laos et Diên Biên Phu, on le suit de tranchées en tranchées, de camps en camps, égaré dans une Histoire qui lui échappe. Plus on avance dans le récit, plus ce tempérament à la fois rebelle et sage nous frappe par sa lucidité et sa générosité. "Nous sommes à chaque instant ce que le passé nous a commandé de devenir, et ce que l’avenir nous commande de dépasser": ces propos résument parfaitement l’état d’esprit du narrateur; déchiré et cependant tout d’une pièce. Témoignage édifiant et incarné d’un périple qui, du maquis Vietminh aux troupes colonialistes françaises, nous entraîne à travers une histoire mouvementée. Les amitiés s’éprouvent, les amours s’obstinent, les masques tombent parfois… Basé sur des faits historiques réels, très bien documenté, ce récit distille les essences aigres-douces d’un ailleurs volontiers dépaysant et terriblement touchant.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 29
EAN13 9782748360516
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait












L’Infini Ment
Régine Magda Lên










L’Infini Ment






















Publibook
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Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2011











© Wikipedia



Chapitre I



Trop d’hier, d’avant et de pourtant… Dieu qu’elle
dansait bien, Inès. Et nous autres, qu’est-ce qu’on se tuait bien
en ce temps-là, se disait François. Ses yeux dans les
poches, il badaudait sur le plafond de la chambre et s’y
arrêtait souvent. Il y retrouvait ces passés qui giflent, qui
griffent ; ceux qui étreignent aussi…
Ils m’expulsent tous ces souvenirs ; moi, je veux me
propulser ! protestait-il intérieurement.
François était alité depuis trois jours. Une indigestion
avait dit le rebouteux qui avait recommandé des onguents,
des tisanes et du repos. Mais le dégoût, l’amertume et la
douleur n’étaient pas gastriques, non. Il le savait bien
François.

Qui peut me dire ? Qui peut m’expliquer pourquoi je
me suis tant battu pour vivre et en arriver là ? À la
souhaiter cette garce. Je la connais la mort. Vampe visqueuse,
éclatante et sordide avec ses débords de rouges pour
étendard… On dirait que je parle du Vietminh, mais non, pas
encore ou peut-être déjà ? Voilà que je radote maintenant.
Un vieil imbécile amnésique ne parle pas au-dehors, au
tordre et au travers. Il cancane, juste et faux, mais toujours
en dedans. Il couine, beugle, mais sans bruit. C’est ça la
sagesse de l’ancien : émincer le hurlement pour le roter
comme n’importe quel trop-plein… « Étendard »… ah
oui. À l’époque tout ce sang, ça ne valait pas un fanion de
kermesse ! Je la redoutais bien un peu la pute cramoisie,
mais je la méprisais avant tout. Et puis, j’étais fort ou
j’étais jeune ; j’étais fou… fou d’amour aussi.
9
Binh, le fils aîné, tout en révérence et en dignité lui
tendait la médecine fumante. Il se tenait bien droit puis
s’inclinait, offrait la tasse de ses deux mains en lotus, la
reprenait de même et souriait. Puis il recommençait. Son
cœur métronome semblait lui dire le temps, les soupirs du
père ajustaient les pauses ; l’ensemble faisait de
l’harmonie. Ça lui faisait comme un dimanche aux bords
des yeux à François. Il regardait la scène comme d’à côté,
comme s’il flottait assis sur le vieux coffre en teck ; c’est
là qu’il se surprit à penser à cette ritournelle retrouvée
trois jours plus tôt :

Quand on s’promène au bord de l’eau ; comm’ tout est
beau… ; quel renouveau…

La danse savante et cérémonieuse du fiston engloutie
par les trémolos de la mémoire en goguette. S’il savait,
pensa François en suivant son fils des yeux.

Binh qui était allé ouvrir les rideaux s’approchait de
nouveau. Il semblait glisser sur une patine de laque. Un
pas ailé, feutré, timide et tendu tout à la fois ; François
assistait à l’envol de l’oisillon. Cette conscience le tira de
ses songeries ; il devait l’accueillir et lui dire que tout était
bien. Que leur envol à tous les deux, c’était bien.

— Je suis vieux mon fils, fatigué, lui dit-il. Non, ne
proteste pas, regarde-moi Binh, aussi sec et tordu qu’un
pied de vigne français…
Ces derniers mots rétractèrent François dans sa tête…
Y’avait aussi une chanson, une valse sous une tonnelle ;
c’était comment déjà ? Tant pis, ça reviendra.

Trois jours d’horizontalité, en fait depuis la visite des
touristes français qu’il avait connus au détour d’une rue à
10 Danang, il y avait trois ans. Ils ne l’avaient pas oublié les
Français. Ils étaient repassés lui offrir une cargaison de
saveurs d’antan. Du suranné qui rafraîchit tout, même les
palais les plus mités. Qu’il avait été heureux François de
les manger ces pâtés de campagne, ces rillettes, cette
daube, ce civet… François n’était plus que salive et
exclamation. Cela avait duré tout le jour, en partages, en
anecdotes, en dignité retrouvée. Une vraie célébration et
toute la rue à s’empiffrer du manger, du boire et du dire.
Et ses enfants qui mangeaient « des tripes à la mode de
Caen », ça l’emplissait. Ils avaient goûté aussi de cette
fricassée d’abats de bœuf aux petits oignons, vin blanc et
aromates. Mais c’est encore le cassoulet qu’ils avaient
préféré. François se le repassait le film de cette journée,
par le menu, et avec délectation encore !
Bon Dieu ce civet de lièvre ! Et le vin, oui le vin, «
extatique », aurait fait René, du « jus de chatte », aurait dit
Gros-Jean. Mon René, vendangé à la grenade qu’ils
disaient dans le rapport… Et ses humeurs lapées par une
chatte ! Ça, il aurait aimé ; à mourir de rire… François
avait l’impression de le voir courir René, ventre à terre, et
des pelletés de rire pour gerbes et éboulis.

François se demandait ce qu’elle foutait, l’autre
faucheuse, à quel comptoir elle s’était encore attardée ?
Quelle soiffarde ! Lé Vàn l’avait redit l’autre jour quand il
parlait de sa guerre aux Français. Elle s’était fait une virée
« chez Béatrice », puis dans la foulée s’était retapissée
« chez Gabrielle ». Il l’avait vu ressortir perchée sur ses
talons aiguilles, fière la garce, et même pas le rimmel qui
coule ! Après, ce fut son tour à Lé Vàn de la voir
débarquer.
Et le Zef qui n’avait pas voulu trinquer avec elle « chez
Anne-Marie »… Depuis, il la voyait partout, entoilée dans
la fumée d’un crêpe infesté de grosses mouches noires et
bleues. Elles lui tournaient autour toutes ces mouches
11 avait-il expliqué, dans une ronde infernale. Une ronde
vraiment très spéciale, une ronde avec des angles. Et le
regard de la faucheuse, Zef disait le sentir, là, bien planté
dans le sien, tandis qu’elle faisait tinter l’un contre l’autre
deux petits verres crasseux. Pauvre Zef qui se débattait
depuis près de cinquante ans, la jugulaire du casque
arrimée sous le menton, contre une batterie de mouches noires
et bleues. Des barriques de rouge qu’elle s’est envoyée à
Dien Bien Phu la faucheuse, se souvenait François. Il
n’avait pas voulu boire avec elle le Zef, parce qu’il avait
les foies ; mais la cirrhose, il l’avait bel et bien chopée…
dans sa tête ! Pauvre Zef ; pauvre de moi, se répétait
François.

C’est devenu trop dur de pousser la barre, les muscles
de l’envie ont fondu, se dit-il. D’autres la tiennent ; moi je
me comprime et bientôt, je me déprimerai bien tout à fait.
C’est

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