La Fin des illusions
116 pages
Français

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La Fin des illusions , livre ebook

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Description

Gilles est un jeune pied-noir qui vit avec sa famille en Algérie au tournant des années 60, à Souk-Ahras plus exactement, une petite ville de l’Est algérien, à quelques dizaines de kilomètres de la frontière tunisienne. Alors que cette guerre qui ne dit pas encore son nom commence à échauffer les esprits, il tombe amoureux d’Elizabeth, une jeune française. Mais de violents affrontements contraignent la famille à quitter leur pays et rejoindre la métropole à contrecœur. De nombreux obstacles se dressent devant la nouvelle vie de Gilles qui doit attendre de longs mois avant d’obtenir une affectation d’enseignant à Lyon, tandis qu’Elizabeth le quitte pour un autre. Mais la vie continue et d’autres rencontres, déterminantes, auront lieu... Racontée avec beaucoup de pudeur et d’élégance, d’une écriture alerte et pleine de charme, cette histoire nostalgique et lumineuse nous touche par son réalisme, son humour, sa mélancolie : on ressent en effet toute la tendresse de l’auteur pour sa terre natale dans ce roman qui brasse la grande Histoire avec la petite et nous offre le récit d’une destinée contrariée en même temps que le portrait d’un pays, l’Algérie, que l’auteur porte au cœur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 octobre 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748369786
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Fin des illusions
Gilbert Ader
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
La Fin des illusions
 
 
 
 
Prologue
 
 
 
« Les pieds-noirs »
La nuit dernière, je fus réveillé encore une fois en sursaut par un horrible cauchemar : des hordes furieuses me poursuivaient dans la rue Victor-Hugo, rue principale de Souk Ahras, la ville que j’ai quittée il y a bientôt cinquante ans.
— Encore ce cauchemar qui te hante depuis tant d’années ? me dit mon épouse. Quand arriveras-tu à oublier tout cela ?
— Oublier cela ? Je voudrais bien, mais c’est impossible ! Comment veux-tu que je parvienne à effacer de ma mémoire tout ce que nous avons vécu là-bas, les bons jours comme les mauvais.
— Tu devrais essayer, comme Albert Camus « le petit voisin de ta maman à Mondovi » dans son roman inachevé Le Premier Homme de mettre tout cela noir sur blanc en racontant ton histoire, toi qui aimes tant écrire ; ainsi tu pourrais te libérer au lieu de ressasser perpétuellement tes souvenirs.
— Tu as raison, je crois que ce serait peut-être la meilleure solution, d’autant plus que j’avais commencé il y a déjà quelques années, mais je n’étais pas allé jusqu’au bout, aussi je vais me remettre à l’ouvrage.
 
 
 
 
 
 
 
L’Algérie ! Ce que les Français en connaissent, en général, ce sont les grandes villes : Alger la Blanche, Oran, Constantine, le Sahara, les palmiers et les chameaux. Et puis aussi, bien sûr, le souvenir lancinant d’une longue guerre qui s’accroche aux mémoires, les regrets, la haine, la nostalgie.
Les Français ne connaissent pas la géographie, dit-on. Souk Ahras, que pourrait bien évoquer ce nom pour la plupart d’entre eux, Souk Ahras, le grand marché, c’est une petite ville de l’Est algérien, à cent kilomètres au sud de la Méditerranée, à quelques dizaines de kilomètres de la frontière tunisienne.
Un plateau bordé de collines boisées, au loin vers le nord des montagnes enneigées, des pâturages aux alentours, des champs de blé, des vignes sur les coteaux. Dans la petite ville, aucun édifice de grande notoriété : l’hôtel de ville, la salle des fêtes, l’église consacrée à saint Augustin qui naquit ici, il y a une quinzaine de siècles, dans l’antique Thagaste ; la mosquée toute blanche dont le minaret pointu émerge des terrasses de la ville. Tout près de la mosquée, les bâtiments de la sous-préfecture. Il y a cinquante ans, on appelle encore « rue Victor-Hugo » la principale artère de la ville, artère que ses habitants arpentent tous les soirs, fidèlement, quel que soit le temps. On ne connaît pas encore la télévision, on jouit d’un climat agréable, alors on « fait la rue », on bavarde, on échange des potins et des informations sérieuses, on refait le monde à longueur de soirée.
Souk Ahras, aux alentours de 1960, c’est environ trente mille habitants, une grande majorité de musulmans paisibles et cinq à six mille Européens ; les uns de souche française venant souvent de Provence, d’Alsace, du Dauphiné, du Massif Central ; les autres, aussi Français de cœur que les précédents, originaires d’Italie, de Malte, d’Espagne, et quelques Russes blancs exilés. Tous ne sont pas de riches colons, bien au contraire. On y trouve surtout des petits fonctionnaires, des artisans, des cheminots : le dépôt de la société nationale des Chemins de Fer algériens donne du travail à six cents familles européennes ou autochtones, et le chemin de fer est l’un des principaux moyens de locomotion en usage. Bien sûr, il y a aussi les autocars et les voitures particulières, mais nous ne sommes pas encore à l’époque de l’abondance où chaque famille dispose de son véhicule.
 
À Souk Ahras, en 1960, on marche beaucoup, on prend le train ou le car quand on n’a pas la chance ou les moyens de posséder sa « bagnole ». On se déplace aussi souvent à dos de mulet ou de bourricot, au moins dans certains quartiers : tous les habitués des pays arabes connaissent le spectacle pittoresque du brave fellah assis sur son âne, les pieds traînant presque par terre, le chef coiffé d’un grand chapeau de paille qui protège des ardeurs du soleil : c’est qu’il chauffe le soleil en Algérie, et rares sont les jours où il ne vient pas illuminer les paysages de la région souk ahrassienne.
Mais il n’y a pas que des Souk Ahrassiens et des bourricots dans les rues de la ville : il y a aussi, deux fois par semaine, une grande cohue de vaches, bœufs, moutons, chèvres, chevaux et dromadaires que l’on conduit à grand bruit et force course effrénée vers le marché aux bestiaux, au faubourg Saint-Charles.
Oh ! Vous auriez vite fait de visiter tout Souk Ahras en quelques heures… Prenez votre temps ; attardez-vous quelques instants au Frais-Vallon, un petit faubourg frais et pimpant, comme son nom l’indique, qui s’étage sur les flancs du Tactagui, une montagnette couverte de genêts et d’oliviers, et vient mourir sur les rives de l’Aïn-Zerga, un modeste ruisseau dont les eaux servent essentiellement à irriguer les jardins maraîchers…
 
Rue des Jardins… Une centaine de pavillons blottis sous les arbres, des barrières blanches où s’accrochent les rosiers grimpants et les volubilis, quelques palmiers qui donnent une couleur exotique au secteur, mais pas trop nombreux, car il fait tout de même froid en hiver, à sept cents mètres d’altitude ; il neige même parfois en abondance et ce n’est pas ici qu’on cueillera les oranges et encore moins les deglet nour , les délicieuses dattes royales.
 
Une villa parmi les autres, c’est celle des Forestier, une famille de pieds-noirs, modestes, tranquilles, sans histoires. Le père, Edmond Forestier, appartient à la famille des cheminots. Il est retraité, entretient paisiblement son jardin, élève quelques lapins et quelques volailles. Il fait son marché tous les matins : le retraité type. De plus, c’est un brave homme qui a élevé neuf enfants ; les voici adultes, qu’ils vivent leur vie ! Certains sont encore chez lui, on y est bien, on se chamaille un peu, mais pas plus que la moyenne… Edmond Forestier parle couramment arabe ; il est né en Algérie, à Duzerville, à la fin du xix e siècle. Ses parents étaient de petits paysans du Gers qui vivaient sur sept hectares de terre, plutôt chichement ; un jour il y eut le phylloxera, la crise ; ils ont tenté leur chance dans la plaine de Bône… Ils n’y ont pas trouvé la richesse et la gloire ; Edmond a quitté l’exploitation paternelle et a fait une carrière paisible aux chemins de fer, c’est ce qui l’a conduit à Souk Ahras, il y a trente ans.
Adeline Forestier, son épouse, vous ne la verriez pas cueillir des roses dans son jardin ni faire la rue Victor-Hugo comme les jeunes dandys de la ville. La pauvre femme est assise dans un fauteuil, depuis des années, depuis qu’une congestion cérébrale l’a foudroyée. Elle passe des journées interminables à lire, à contempler le paysage depuis la fenêtre de sa chambre ; heureusement la vue est assez belle… Elle regarde les enfants qui jouent dans la rue, les troupeaux qui vont au marché le mardi et le vendredi, les ménagères du voisinage, ses enfants qui rentrent et qui sortent avant que le couvre-feu ne ramène le silence dans les rues.
 
 
Adeline, c’est une âme romanesque et sensible, émotive et susceptible. Elle aime ressasser les histoires du bon vieux temps, quand son père était chef de gare à Saint-Paul, dans la plaine de Bône, quand elle a vu la fameuse comète précédant de peu le déclenchement de la Première Guerre mondiale, quand elle a rencontré un jour de 1917, le petit Albert Camus qui se trouvait avec sa mère et qu’elle l’a embrassé tant il lui faisait de la peine avec sa mine triste d’orphelin démuni ; elle ne pouvait pas deviner, évidemment, qu’il deviendrait un grand écrivain et qu’elle lirait tous ses livres ! Et puis, elle évoque le temps plus lointain où ses ancêtres avaient un château, là-bas, loin, en Haute-Loire et comment son arrière-grand-père avait perdu le fameux château en jouant aux cartes, le niais ! Il aurait mieux fait de jouer aux dames ! En tout cas, elle a une preuve de ses dires : la chevalière aux armes des Sauvilanges qu’elle a donnée à Gilles, son septième enfant, l’instituteur, celui qui est justement devant elle, en train de cacheter une lettre qu’il a mise un grand moment à écrire sur le bureau de chêne.
— À qui écris-tu ? À un de tes frères ?
— Comme tu es curieuse !… Et si je ne te le disais pas ?
— Bon, garde ton secret, voyou !… En tout cas, ce n’est pas à un membre de la famille, tu me l’aurais déjà lue…
— La fine mouche !… Elle veut absolument tout savoir, hein ?
— C’est à ta chérie, alors ?
— Quelle chérie ? Tu m’en connais une à Souk Ahras ?
— À Souk Ahras, tu ne lui écrirais pas, tu serais déjà dans ses bras, nigaud ! D’ailleurs, à ton âge, ce serait parfaitement normal !
— C’est vrai ça ! J’ai vingt-cinq ans et je suis toujours à la maison ! C’est inquiétant, n’est-ce pas ?
— Mais non, tu viens à peine de terminer tes trente mois d’armée et de reprendre ton service à l’école, alors. Et cette lettre, tu vas la poster, oui ?
— Bien sûr ! Et puisque tu y tiens tant, je vais même te dire qu’elle est adressée à une jolie blonde aux yeux bleus.
— Hum ! Mais c’est sérieux ce béguin ! Tu vas l’épouser ?
— Tout de suite le mariage !… Mais maman, Élisabeth est institutrice à Lyon, je ne la verrai pas avant les vacances de l’été prochain ; d’ici là, il en aura passé de l’eau sous les ponts du Rhône !
— Comment l’as-tu connue, cette beauté blonde ?
— Tout simplement il

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