La littérature de tout à l heure
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Description

Extrait : "La cohue démocratique n'est pas la Foule. Ignorante et naïve, la Foule commet et soumet joyeusement ses forces innombrables à des chefs acclamés et c'est elle, au service d'idées qu'elle adore sans les comprendre qui fit les grands mouvements de l'histoire. C'est elle encore, obscure, qui donne ce qu'elle n'a pas, la Gloire."

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Nombre de lectures 31
EAN13 9782335034769
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335034769

 
©Ligaran 2015

Avertissement
Ceux qui chercheront un livre de critique dans ces pages seront déçus : déçus aussi ceux qui penseront y trouver le manifeste d’une École nouvelle.
Il n’y a plus d’écoles littéraires, il n’y a que des manifestations individuelles. Trois écrivains d’accord sur les principes, voilà ce qu’on ne verra plus, – et parvinssent-ils à s’entendre, ils ne constitueraient point une école, car l’entreprise, toujours un peu théâtrale, manquerait d’une galerie en ce temps d’indifférence et serait d’ailleurs trahie même par ses acteurs qui sauraient tous le même rôle et ne sauraient que celui-là, – le rôle du protagoniste.
On n’engage donc ici que la responsabilité de l’auteur. Son nom ne cache aucun groupe. Ses idées sur les tendances de la jeunesse actuelle, sur les influences qu’elle subit, sur la direction nouvelle qu’il faudrait souhaiter à l’art d’écrire et sur les pressentiments qu’on trouve de ces nouveautés dans les monuments élevés devant nous par les Maîtres, toutes ces idées, dit-il, vraies ou fausses, sont à lui. Même les traits, çà et là épars, qu’il croit communs à toute la génération montante, c’est lui qui les prétend tels, et tels il se pourrait qu’ils ne fussent que dans ses prétentions. Pourtant il est convaincu d’avoir raison : mais on peut voir de bons esprits précisément convaincus de doctrines contraires aux siennes, – lesquelles ont, sans doute, le grave tort de n’être pas émises avec ce beau désintéressement scientifique qui sied, il est vrai, aux savants, mais qui n’est guère le fait d’un Poète.
On déclare : – que toutes les assertions de ce livre, tous les principes qu’on y défend et tous les développements de cet exposé de principes n’ont d’autre but que d’indiquer sur quels motifs logiques se fondent les réalisations qui ne laisseront pas de suivre de près cette préface théorique. Elle est une manière de précaution qu’il a paru honnête et prudent de prendre.
La véritable orientation de cette Littérature de Tout à l’heure est donc fixée par sa V e Partie où les doctrines n’apparaissent qu’à titre de commentaires d’un Livre futur. Le point de vue réel est du Poète : de l’esthète, non pas ! Autant vaudra l’Œuvre, autant vaille la théorie.
Ch. M.
I De la vérité et de la beauté

I
La cohue démocratique n’est pas la Foule. Ignorante et naïve, la Foule commet et soumet joyeusement ses forces innombrables à des chefs acclamés et c’est elle, au service d’idées qu’elle adore sans les comprendre, qui fit les grands mouvements de l’histoire. C’est elle encore, obscure, qui donne ce qu’elle n’a pas, la Gloire. Et c’est encore elle, vraie comme l’enfance, docile à la Fiction comme la forêt auvent, qui vibre aux émotions profondes des poètes, qui écoute, accrédite, dore des sincérités de ses admirations et perpétue les belles légendes, – la Foule, cliente de Shakespeare. – La vanité creuse et bruyante de ses individus caractérise la cohue. Ils ne savent rien, certes, ni chacun, ni tous, mais ils prétendent, opinent, contestent, jugent, ils ont lu les journaux, et l’irréconciliable haine de l’Extraordinaire leur prête parfois une façon de logique. Ils se targuent d’athéisme (au fond, ils en veulent à l’idée de Dieu d’être exceptionnelle) et c’est une légion de Prudhommes féroces avec ce seul mot pour tout idéal et pour tout évangile : MÉDIOCRITÉ. Produit fatal de la « diffusion des lumières », – cette énorme plaisanterie, cette monstrueuse extase moderne !
Encore faut-il nous féliciter si la dispersion des lumières a seulement enténébré l’horizon du monde : elle eût dû l’incendier. Mais il y a confusion : la lumière diffuse n’est pas la clarté, la clarté ne se laisse pas disperser ; on peut le refléter et le réfracter, on ne donne pas de double au soleil.
Comme ils savaient son instinct contraire à leurs tendances, les esprits d’exception se sont écartés pour laisser le champ libre à la cohue triomphante. Ils restent étrangers à toute active manifestation sociale, ils n’ont plus guère de goût qu’aux spéculations des sciences, des philosophies, des arts et des littératures. Est-ce bien la peine, en effet, de donner du temps à s’efforcer de diriger la cohue ? Est-elle dirigeable, la démocratie ? Pour combien d’années encore en a cette société ? – Il semble qu’en eux, prenant conscience de soi, le siècle hésite entre la crainte d’être au couchant du monde et l’espoir d’être à l’aurore d’un monde.
En tout cas, depuis qu’à la Foule a succédé le Public, – aristocratie de la cohue, ramas de gens qui s’ingèrent de penser pour leur propre compte et, sans que ce soit leur destinée, de décider de tout, ayant surtout des notions nécessairement incomplètes, – les Poètes (pour employer ce mot dans son sens le plus large) sont condamnés à la solitude. Comment donc pourraient-ils plaire, eux que la divine Intuition retient dans la nature, à des intelligences faussées qu’une demi-science jeta dans l’artifice ? – Le Public corrompt tout ce qu’il touche. Il déprave la Langue tellement qu’on peut défier un orateur de se faire entendre en France, aujourd’hui, s’il parle français , et la lecture des journaux est instructive à ce point de vue. – Il a fait du théâtre, avec d’ailleurs la criminelle connivence des auteurs dramatiques, la turpitude qu’on sait. Aussi les dramaturges à succès n’ont guère de rivaux dans la honte de la popularité que les romanciers à la mode. – Mais le souffle même de ce Public, son attitude même créent une atmosphère irrespirable au Poète. Les Gens sont bruyants, ricaneurs, raisonneurs, positifs, utilitaires, froids, irrespectueux. On ne leur en fait pas accroire avec de grands mots, – avec de grandes idées non plus. Ils ont de la Beauté, pour les mêmes causes, les mêmes défiances que de Dieu. L’état d’âme essentiel à la compréhension de toute œuvre d’art leur est devenu impossible : il serait sot et vain d’essayer de leur faire entendre, à ces âmes ivres de stupre et de lucre, que, pour pénétrer dans le rêve d’un Poète, il faut oublier les intérêts immédiats de la vie quotidienne, obéir au choix qu’il a voulu des tons et des rapports, s’initier au spécial de sa vision, lui prêter une attention soutenue ? Tous ces efforts exigent des dons que le monde a perdus : l’innocence de l’esprit, la sérénité, la réflexion, le désintéressement des passions, – le don d’admirer ! C’étaient les qualités de la Foule, et si elle ne les avait pas en propre, c’étaient les Grâces dont la vivifiait l’influence du génie. Elle savait écouter, regarder et lire, cette Foule ignorante, parce qu’elle était libre des préjugés du Public contemporain. Elle n’allait point demander au théâtre les agréments d’une digestion heureuse, mais y venait chercher le grand bonheur spirituel et sentimental, religieux, d’un grand oubli de la tristesse de vivre. Pour elle, l’Art était précisément ce qu’elle ignorait , elle vénérait en les Poètes les Mages dépositaires des secrets qu’elle n’avait pas. Notre Public tutoie les Mages, il estime tout savoir et, par tendresse pour son erreur, afin de n’en être pas détrompé, il s’éloigne avec horreur de toute tentative suspecte de nouveauté. C’est pitié de voir les tâtonnements, les précautions, les prudences, toute cette infiniment petite et douloureuse diplomatie à quoi ont dû se résigner ceux qui apportaient dans l’art une Révélation quand ils en ont dû vivre, – tous les sacrifices qu’il faut faire au Démon de la Concession ! On doit dire qu’en cette voie quelques-uns des meilleurs, pourtant ! des littérateurs contemporains sont descendus trop bas. Grâce aux concessions exagérées qu’ils ont faites, et qui ont pour résultat naturel d’encourager, d’ancrer le stupide Public dans ses goûts stupides – soit pour la gaudriole, cette chose, hélas ! bien française, soit pour le plus dégoûtant sentimentalisme – ils réduisent les nouveaux venus dans la Littérature à trouver mieux encore – pour plaire ! – dans cette course vers la Nullité, ou à prendre je ne sais quelle ridicule attitude de protestation, d’austérité…
Les savants aussi ont eu bien des torts et, sans perdre le respect nécessaire, il faut les dire. Voltaire et les Encyclopédistes avaient commencé cette œuvre puérile et mauvaise de la vulgarisation des sciences : les noms se pressent sous ma plume des écrivains qui, dans ce siècle, ont continué cette tâche. Je sais qu’en dernière analyse ils ne sont pas comptables des résultats désastreux qu’ils n’avaient point prévus ; je sais qu’un bon sentiment les a

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