La Peau noire
394 pages
Français

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La Peau noire , livre ebook

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Description

Leila, née au sein d'une famille d'intellectuels, sent grandir bien vite une vocation d'écrivain. Ses projets se verront soudain bouleversés par l'irruption brutale d'une passion amoureuse qu'elle ne pourra maîtriser. Leila perd les rênes de sa vie qui restera marquée par l'empreinte ineffaçable de l'expérience vécue. Voyage intérieur doublé d'un voyage extérieur, l'héroïne évolue aussi bien en France qu'en Afrique, en Catalogne, en Italie ou aux États-Unis. Amours, aventures, rêves et intrigue s'enchaînent, à travers une prose agile et délicate qui accroche le lecteur jusqu'au point final.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 novembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334003179
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-00315-5

© Edilivre, 2016
À José M.P.
qui a inspiré ce livre et ma vie.
Remerciements
Traduire du catalan au français mon roman La Pell Negra a été, pour moi, à la fois un défi et un immense plaisir.
Je tiens à remercier mes amis, Marie Claude et Robert, qui m’ont éclairé quand le doute dans certaines expressions françaises me faisait hésiter sur ma traduction. Au cours de plusieurs mois, nous avons contacté par Skype, et c’est avec entrain, sympathie et sollicitude qu’ils m’ont aidé à trouver le mot juste.
Je suis heureuse de pouvoir leur offrir la version française de La Pell Negra qu’ils pourront maintenant lire grâce à leur collaboration indispensable et désintéressée.
* * *
Première partie
« La recréation par la mémoire
d’impressions qu’il faut ensuite approfondir,
éclairer, transformer en équivalents d’intelligence
est l’essence même de l’œuvre d’art. »
Marcel Proust
1
Je suis assise face à ce clavier qui a tant tissé d’histoires. Il faut que je profite des deux heures d’électricité, le temps que le générateur reste branché. Parfois, quand la lumière s’éteint, je continue d’écrire à la main sous la lueur dorée d’une paire de bougies qui tremblent. C’est une heure critique à cause des nombreux moustiques qui attaquent avec fureur et vous sucent le sang. Les moustiquaires de la fenêtre semblent traversées par des éclats de mitraille. Nous avons tous les jours trois ou quatre enfants prostrés à quarante de fièvre à cause d’une crise de paludisme. Moi, pour l’instant, je résiste. Je me sens forte. La vie ici a si peu de valeur que, par contraste, chaque jour est un cadeau. Je pense que c’est là le secret de ma guérison.
Je t’avais promis en partant que j’allais tout te raconter. Deux ans se sont écoulés, Alex ! Le temps d’un deuil. Deux années interminables et en même temps fugaces, insaisissables. J’ai vécu comme un automate.
Je ne me sentais pas capable de revenir sur mon passé. Ça me produisait une douleur trop vive. Aujourd’hui encore, j’ose à peine marcher en titubant sur cette dernière période de ma vie, tel le malade qui commence à faire les premiers pas après une intervention chirurgicale grave.
Nous avions tellement causé ensemble, toi et moi ! Tu te souviens du café où nous allions souvent ? C’est là que je t’ai raconté une partie de ma vie. Mais pas toute la vérité. Il nous faut préserver des petites parties de nous-mêmes pour pouvoir continuer à vivre avec nos insuffisances et nos imperfections.
Isolée dans ce recoin du monde où le temps est éternel, où les heures n’existent pas parce qu’il n’y a pas de futur, où la vie se limite à l’instant présent, je vais essayer de retrouver pour toi un passé qui ne m’appartient plus.
Crois-tu que nous soyons marqués par le Destin ? Mon père disait toujours que c’est nous qui construisons notre propre destin. “C’est la volonté qui trace notre chemin !” s’exclamait-il souvent. Il en avait tant, lui ! La volonté lui permit de préserver sa dignité et son intégrité mentale pendant les mois qu’il passa dans le camp de réfugiés d’Argelès-sur-Mer et de tenir bon pendant les trois longues années où il fut enfermé dans la prison Modelo de Barcelone. Trois années dans une cellule grise pour être du côté des vaincus à la guerre civile espagnole ! Tu t’imagines ?
Je suis convaincue que son acharnement à inculquer à ma sœur Nadia et à moi l’importance de cueillir le temps présent, est né du sentiment qu’on lui avait volé des temps précieux de vie, des espaces de jeunesse à jamais gaspillés.
Et cependant, jamais il ne fut un homme aigri. Absolument pas ! Il était positif et optimiste. Il fut un père dévoué, très tendre et affectueux. Il aimait jouer avec nous. Ils nous amusait avec ses grimaces et il nous laissait bouche bée et les yeux écarquillés lorsqu’avec des jeux de mains assortis de mots magiques extrêmement compliqués, il nous sortait des bonbons de derrière les oreilles.
Ma mère était profondément amoureuse de mon père. Elle éprouvait pour lui une grande admiration. Comme tant de mères, c’est elle qui, en arrière plan discret, a marqué le rythme de la maison. C’est elle qui a soudé la famille. Mon père, lui, y inséra les valeurs.
Nous vivions à Paris, dans un appartement de la rue Mazarine, près du quartier de l’Odéon. Pendant les années vécues avec Ramon, où tout était minutieusement réglé dans le temps et dans l’espace, j’ai regretté la spontanéité accueillante de la maison paternelle. Ma mère avait l’habitude d’ajouter des places à table au moment même de nous y asseoir pour dîner. Les amis ne prévenaient pas. Ils se présentaient sans plus. On les recevait toujours de bonne humeur. J’aimais ces apparitions surprise qui donnaient de la couleur aux conversations quotidiennes.
Il y avait les habitués qui apparaissaient presque toutes les semaines au moment le plus inattendu. Parmi eux, les plus assidus étaient Francesc et Maria . Francesc était peintre. Il avait connu mon père à la prison Modelo. Francesc tout comme Maria étaient extraordinairement bavards. Une grande sympathie émanait de ces causeurs pleins d’humour qui accumulaient des anecdotes invraisemblables. Ils vivaient la vraie bohème parisienne, avec très peu de ressources économiques, avaient une grande vitalité et étaient toujours convaincus que la prochaine exposition serait un véritable succès en matière de ventes. Maria s’habillait avec des couleurs éclatantes, portait des écharpes chatoyantes qui lui couvraient les épaules et se maquillait de tons vifs. Elle était gaie et agitait les bras de façon théâtrale en parlant. La conversation se prolongeait avec le café. On parlait d’art, de littérature et… de politique ! Quand mon père et Francesc commençaient à discuter de politique, la soirée était assurée jusqu’à quatre ou cinq heures du matin. Ils n’étaient pas d’accord sur beaucoup de choses. Francesc était du Bloc Nacional et continuait à militer depuis la France. Il défendait le séparatisme. Mon père qui avait appartenu au POUM, ne militait plus. Il se considérait social-démocrate et avait une vision européenne sur l’avenir de la Catalogne.
Nadia et moi, nous dînions avec les grands puis nous allions dans notre chambre faire les devoirs pendant que nos parents continuaient de discuter avec leurs amis, artistes, intellectuels, professeurs comme mon père… Parfois ils lisaient des écrits, des poèmes, des textes littéraires ou de philosophie qu’ils commentaient dans des débats passionnés. Mon père était un important polémiste et un grand pédagogue. Je pense que ses classes de philo devaient être extrêmement intéressantes et je suis sûre qu’il a fait naître beaucoup de vocations.
Nous avions une vieille Citroën. Les dimanches lorsqu’il ne pleuvait pas, nous partions à la campagne. Mon père nous obligeait à nous lever tôt. Nous nous réveillions toujours de mauvaise humeur, Nadia et moi. Mais il n’y avait pas d’échappatoire. Nous faisions le trajet à moitié endormies. Je regardais par la fenêtre la ligne ondulée de l’horizon. Le bleu terni du ciel s’étendait sur les collines vert tendre. Nous laissions derrière nous les petits villages aux toits d’ardoise dont le clocher élancé se dressait au-dessus des maisons. De temps en temps, mon père aspirait avec force l’odeur humide du foin récemment coupé : “Ah ! Quel plaisir !” s’exclamait-il. Et comme si ce parfum des champs lui eût rempli les veines d’étranges mélodies, il fredonnait avec sa douce voix de baryton, des chants que je ne connaissais pas mais qui me produisaient un sentiment agréable.
De retour à la maison, le soir, il fallait terminer les devoirs pour le lendemain. Mon père nous aidait. Il s’intéressait à tout ce que nous faisions. Que ce fût du latin, de la physique ou de la philo. Il nous enseignait en jouant. Combien de fois nous a-t-il expliqué le changement des saisons, les solstices et les équinoxes ! Il éclairait avec une lanterne un globe terrestre qu’il nous avait offert. Il faisait tourner le tout de façon synchronique. “Vous voyez, maintenant, lorsque le globe s’éloigne de la lumière, c’est-à-dire, du soleil, ici c’est l’hiver…” Il savait comment s’y prendre pour nous montrer le côté intéressant de n’importe quelle matière. Moi j’étais nulle en chimie. Je me souviens que mon père s’amusait à découper des petits ronds de papier pour me faire comprendre les liaisons moléculaires. Tout était passionnant pour lui, surprenant, attrayant. Il était impossible de résister à son enthousiasme.
Son esprit ouvert, son intelligence, l’optimisme avec lequel il concevait la vie invitaient à parler avec lui de n’importe quel problème, à lui demander son opinion face au moindre doute. Il était toujours prêt à nous écouter. Les conversations à table étaient animées, enrichissantes. Avec une habileté que j’aurais bien aimé hériter, mon père amenait la conversation la plus banale vers des thèmes intéressants. Il nous apprit à argumenter, à discuter pour le plaisir d’analyser n’importe quelle situation, n’importe quelle idée. Avoir son jugement personnel ! “Être parmi ceux qui tirent au lieu de faire partie du troupeau !”, telle était sa devise. Il ne croyait pas en Dieu mais il avait une foi illimitée en l’humanité. “La grande aventure humaine !”, s’exclamait-il souvent.
J’ai été une fillette gaie et heureuse. Jamais je n’ai manqué de tendresse ni de compréhension de la part de mes parents. Les étés nous allions à Gignat, dans un vieux moulin restauré, une grande propriété de 1860 qui appartenait à des amis de mes parents. Là, Nadia et moi formions un petit groupe avec les enfants de notre âge. On alternait promenades et randonnées en montagne avec des jeux dan

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